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Description

« C'est l'histoire d'un mec... », d'un lycéen de la génération Coluche, qui voit son univers et ses espoirs se décomposer petit à petit. Il se retrouve devant une porte qu'il ne veut pas ouvrir...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 janvier 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334053983
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-05396-9

© Edilivre, 2016
Dédicace

à Laurence N.
Première partie
I
Fin des années soixante-dix, quelque part en France.
« Lundi, 9 janvier.
De Dieu, qu’il fait froid ! Cela fait presque un mois que la neige persiste. Je n’ai pas vu un hiver aussi rigoureux depuis mon enfance. Aujourd’hui, le bus n’est même pas passé. Enfin, la vérité est que nous avons attendu une heure, trois-quarts d’heure peut-être, ou trente-cinq minutes je ne sais plus. Et puis, d’un commun accord, nous rentrâmes à la maison, je n’avais pas l’intention de faire concurrence aux stalagmites.
Comme je n’ai pas envie d’occuper mes mains, je décide d’aller faire une promenade, par moins dix degrés et sur le verglas, ça me fera les pieds. Je crois que pour l’hiver prochain, je m’achèterai des patins à glace, c’est pratique et moins encombrant qu’un bobsleigh, qu’aurait préféré mon frangin qui a un certain goût pour la vitesse. Bon, j’y vais ».
Je ferme mon cahier noir et le laisse sur le bureau se reposer. Toutes ces coulées d’encre que je lui inflige doivent lui paraître bien lourdes. Hier, j’ai même cru entendre « lâche-moi les baskets ! ». Je décide donc à l’unanimité, pour une expédition quasi polaire mais ô combien régénérante. Que c’est bon d’emplir ses poumons d’oxygène débarrassé de toutes bactéries, gaz carbonique et autres pollutions atmosphériques, du moins je l’espère. Emmitouflé dans mon épais blouson, coiffé d’un bonnet de nuit (bleu nuit, pardon) et étouffé par un large cache-nez-bouche-oreilles et autres appendices, j’avance d’un pas prudent mais décidé vers la destination que j’ai choisie. Ce que j’aime bien ici, c’est le calme. Nous sommes dans un patelin baptisé Lageville (une belle petite commune, comme dirait le maire), paisible, où rien ne se passe. C’est d’un ennui à mourir mais cette tranquillité est reposante, rassurante. Ne croyez pas que vous allez assister à un meurtre, au hold-up du siècle ou un nouvel épisode de Columbo, rien de tout cela. Mon grand-père disait toujours : « Nous ne sommes pas au far-west, mon garçon. » Il n’a pas tort, cependant, il y a tout de même un endroit surnommé le canion. Il se situe près des marais et ressemble à une maquette du grand canion du Colorado, fait de terre rouge et aride. Enfants, cette ère de jeux nous faisait rêver et nous emmenait dans le nouveau monde, peuplé de tribus et de serpents, contrastant avec les bois, les plans d’eau voisins et les prairies, pays des bisons et des rivières saumoneuses. Nous étions d’heureux gamins, insouciants, vivant sur un nuage. Il y a aussi l’Enclos, qui n’est pas occupé par des chevaux mais qui permet de nous rencontrer, car c’est un bistrot. N’en déplaise à mon grand-père, voilà quel est notre far-west. D’ailleurs, celui-ci est mort curieusement sur le dos d’un cheval, enfin presque. Au village, ce fut l’événement de l’année avec l’inauguration des toilettes publiques. A l’époque, il était à la retraite. Ancien agriculteur, il avait conservé quelques animaux de haute et de basse-cour, ainsi qu’une vieille jument qui lui ressemblait, de caractère seulement. Lorsqu’il faisait beau, il partait en promenade. Tel John Wayne, il enfourchait l’animal et se ruait à la conquête des grands espaces. Un jour, la jument revint seule à la maison. Quelle stupéfaction lorsqu’ils retrouvèrent son cavalier au beau milieu de hautes broussailles, immobile, les yeux grands ouverts. Il aurait été désarçonné pour des raisons que l’on ne connaîtra jamais, et décéda d’une crise cardiaque. Ce qui fut surprenant, c’est que sa vieille compagne mourut quelques semaines plus tard, de chagrin et de remords diront certains. Peut-être chevauchent-ils ensemble sur les grands espaces célestes.
Ah, ça y est, nous y sommes. Au fait, où suis-je ? Ah oui, c’est vrai, chez Hugues. C’est un spécimen qui, pour les touristes, vaut le détour jusqu’à Lageville. Trois étoiles au guide des curiosités et un portrait dans l’album des phénomènes mondiaux. Tout ce qu’il fait et ce qu’il dit n’est pas pris au ralenti, ne déréglez pas votre poste, chez lui, tout ceci est naturel. Nous autres avons tellement l’habitude qu’il nous semble parfois revenu à la vitesse normale, en synchronisation avec le rythme de nos bêtises. De plus, sa chevelure ultra longue lui a valu le surnom de Géronimo. Mais ne vous y trompez pas, la ressemblance n’est que physique. Enfin bref, Hugues est un gars super sympa.
Je sonne. Le temps de m’essuyer les sourcils givrés et l’on vient m’ouvrir.
– Bonjour, dit-elle, en me prenant pour un Martien égaré.
J’ôte l’écharpe de mon visage.
– Bonjour, Nicole.
– Ah, c’est toi ! Je ne t’avais pas reconnu, entre !
Ce n’est pas de refus. Je franchis le seuil de la porte, comme Niki Lauda la ligne d’arrivée.
– Quel temps, soupire Mme Schutz en refermant.
– Et oui, j’ai commandé une tenue d’esquimau.
– Ah bon, une vraie, du Groenland ?
– Euh, non, une promo de chez Miko.
– Je vais appeler Hugues.
Elle prend l’ascenseur et monte au deuxième ou troisième étage, ce n’est plus une villa, c’est un hôtel. Mais il est vrai, ne le nions pas, que son mari est directeur d’un établissement bancaire à Trégrandville. C’est un peu le bon côté des choses pour Hugues, qui a tendance à profiter de la situation, on peut le comprendre. Et encore, même pas, je dirais qu’il en est victime ! Pris dans ce piège du laisser vivre, de l’abondance, sans trop s’inquiéter du lendemain, ni du surlendemain. Lui-même s’en rend compte et, ma foi, il conclut en disant : « Je verrai bien. »
Mme Schutz est très sympa, toujours gaie et dynamique, j’l’aime bien. Ah, voilà l’ascenseur qui descend. Si, si, je vous assure, ce n’est pas une plaisanterie. Ascension veut bien dire action de monter, hors, cet appareil sert non seulement à s’élever mais aussi à descendre. Vous me direz, s’il fallait un engin pour monter et un autre pour descendre, que de place aurait-il fallu ! Non, la réponse est qu’en fait, nous sommes déjà en bas, et non en haut. Puisque nous devons monter, il nous faut un ascenseur, c’est logique. Demandez à Jésus ! Lui-même est monté puis redescendu par le même ascenseur, qui pour l’occasion descendait. Ah, si nous avions été en haut !
Donc, l’ascenseur descendant arrive à son point de départ. Terminus, tout le monde descend. Qui vois-je sortir ? Le vrai, l’unique, Géronimo en personne dans toute sa splendeur, en pantoufles et survêtement. Il s’approche, d’un pas compté et mesuré, une vraie tortue de compétition. Le voilà enfin.
– Tu fais du sport en chambre, maintenant ?
– Ouais, une séance de body-planing, dit-il en se frottant les yeux.
– Excuse-moi de t’avoir réveillé.
– J’dormais pas, j’écoutais un truc des Floyd.
– En plus. Quand j’te vois, ça ne m’étonne pas.
– J’espère que t’es pas venu pour critiquer ce que j’écoute.
Et susceptible en plus.
– Tu sais bien que les Floyd et moi, on est copains. T’as l’air d’une soucoupe volante.
– Bon, quand t’auras fini, tu pendras tes loques au portemanteau et tu passeras au salon.
Tandis qu’il s’éloigne de l’autre côté, j’enlève mon barda, me propulse dans ledit salon par l’autre porte et m’enfonce dans un énorme fauteuil en cuir. Voilà Hugues qui arrive.
– Ben alors, ça fait un quart d’heure que j’t’attends.
Géronimo se dirige vers le bar.
– Je me demande si je vais te donner quelque chose.
– Remarque, j’ai pas soif.
– Tant mieux.
– T’as du champagne ?
– Tu te fous de moi ?
– Bon alors une bière, comme d’hab.
Hugues prend deux bières dans le mini réfrigérateur et s’installe dans le fauteuil en face.
– Aaaaah, que c’est bon d’être assis.
Je vous avais prévenus. On sonne à la porte d’entrée, qui malgré le luxe de cette maison, est la même pour sortir.
– Et merde, dit Géronimo.
Il se lève et va ouvrir.
– Tiens, salut !
– Salut !
– Entre, fous tes affaires là-dessus.
Ils pénètrent dans le salon. Rémi me sert la louche.
– Alors vieux, comment va la Poste ?
– Toujours en retard, répond Rémi. Avec le temps qu’il fait, ça fout une de ces merdes.
– Si tu veux boire quelque chose, tu sais où ça se trouve, dit Hugues en s’asseyant.
– J’aurais préféré du café, si t’en as de fait.
– Du café, soupire Géronimo. Bon, j’vais voir ça, dit-il en se levant.
– T’as fini de bonne heure, constaté-je.
– On est lundi, j’finis plus tôt.
– Ah, oui.
– Avec cette putain de neige, y’me faut plus de vingt minutes pour rentrer chez moi. Y’a au moins deux couches de neige et trois couches de glace, c’est pas près de dégeler.
– Des luges.
– Ouais, c’est le déluge.
– Non, des luges, pour glisser, rectifié-je.
– Des luges pour glisser ? s’étonne-t-il.
– Ça glisse mieux qu’une bagnole, non ? Et au moins c’est fait pour ça.
– C’est ça. Tu me vois aller au boulot en traîneau, tiré par les deux caniches à ma mère.
– Tu demandes à Einstein de te faire un traîneau à vapeur, tu fais la Une des journaux.
– Pourquoi pas un fer à repasser aussi, à vapeur.
Ces élucubrations sur les moyens de locomotion terminées, Hugues revient avec un plateau bien rempli, qu’il pose sur la table basse.
– Tiens, t’as qu’à te servir, dit-il à Rémi.
– Merci.
– Surtout n’en fous pas sur le tapis, il n’aime pas le café.
– Tu sais que t’es drôle quand tu veux, réplique Rémi.
– Combien j’te dois pour la lettre ?
– Neuf francs cinquante.
– Oh, s’étonne Hugues
– Ben, qu’est-ce que tu crois ? Le Père Noël c’est passé, mon vieux.
– Tu vois, dis-je à Rémi, y’peut même pas te rembourser et va te demander de lui faire crédit. J’te l’ai déjà dit, ne prête jamais aux riches.
Un peu plus tard.
La nuit venait de saupoudrer la campagne de sa couleur préférée.
– Putain, ça caille, constaté-je.
– Vou

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