Du bleu au ciel
190 pages
Français

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Description

1987. Campagne dans l’Est de la France. Un père de famille est parti sans raison depuis dix jours déjà. Il a laissé derrière lui sa femme et leurs trois enfants, isolés dans leur ferme en bordure de forêt. Un soir, un homme au visage déformé défonce la porte d’entrée. Il se retrouve face à Louis, treize ans, l'aîné de la famille.


Qui est cet homme ? Que cherche-il ? Qui l'envoie ?


Jonglant entre passé et présent, ce thriller psychologique fera ressurgir des secrets de famille profondément enfouis.



Avant d’écrire des livres, Claire Musiol a beaucoup voyagé, été diplômée en géopolitique, cadre à Paris, enseignante en Californie et chercheuse en Caroline du Nord. Aujourd’hui, elle a posé ses valises près de la Méditerranée et promène sa plume entre les genres littéraires. Elle a publié plusieurs livres : romans, nouvelles et poésie. On la trouve également en anthologies, en animation d’ateliers d'écriture et sur scène pour des lectures ou des performances d'écriture.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 décembre 2021
Nombre de lectures 69
EAN13 9782491996796
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

COLLECTION NOIRE

 
 
 
 
 
 
 
Éditeur : Les éditions d’Avallon
 
Imprimé dans l’Union européenne
 
Photo de couverture : Pixabay
Composition du livre : Les éditions d’Avallon
 
ISBN papier : 9782491996789
ISBN numérique : 9782491996796
 
2 e  édition
 
Dépôt légal : février 2022
 
Distribution papier : SODIS
Distribution numérique : Immatériel
 
© 2022 Les éditions d’Avallon

Du bleu au ciel
 
 
 
 
 
 
De la même autrice
 
 
Publications
Fan(n)y et la mer, éditions d’Avallon, 2021
Avec ou sans enfants ? , éditions Gros Textes, 2020
Par tous les moyens, cheminer , éditions Gros Textes, 2018
Les Bonnes nouvelles arrivent surtout quand on ne les attend pas , AE, 2014
 
 
Textes en ouvrages collectifs :
in Femmes libres , éditions Tapuscrits, 2021
in La veuve noire , éditions  Diable Vauvert, 2020
in Mecha de plata , éditions Diable Vauvert, 2019
in  L'instant fugace , éditions Jacques Flament, 2018
in Résonances , éditions Jacques Flament, 2017
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
À ma petite sœur, Laurence
En souvenir du bleu du ciel
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
You never really understand a person until you consider things from his point of view […] until you climb into his skin and walk around in it.
 
Harper Lee,
To Kill a Mockingbird

Claire Musiol
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Du bleu au ciel
 
 
R O M A N
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie
 
 
 
I
 
 
— Et çui-là ?
— Trop foncé.
— Lui ?
— Pareil.
— Lui alors !
— Non.
— Si ! regarde !
— J’ai dit non.
— Mais si…
— Tu trouveras pas toute façon. C’est le bleu du ciel que je veux.
Abattue, la gamine lâcha le crayon de couleur bleu ciel sur la table basse, d’un bond se remit sur pied et quitta la pièce en courant. Bientôt, Louise la vit à travers la baie vitrée, les deux poings accrochés sur les hanches et le nez planté dans le ciel. Elle resta là un bon moment. Assez pour que Louise finisse son dessin où le ciel, finalement, était blanc cassé.
— Tu l’as coloré en blanc !
— Ben oui…
— Pourquoi ?
— C’est comme ça !
Louise signa le dessin. Un L avec trois belles boucles, un O tout ovale, un U avec trois branches, un point sur la dernière pour le I,
— T’as fini de regarder par-dessus mon épaule à la fin ! un S rocambolesque, trop droit pour être vrai, et un E, de travers, à quarante-cinq degrés par rapport aux autres lettres.
LOUISE.
On l’avait appelée comme ça parce qu’on n’avait pas d’idée. Il y avait un Louis, il y aurait donc une Louise. Pour Aurore ç’avait été tout trouvé : elle était née à l’aube.
LOUISE.
Satisfaite, elle plia avec soin le dessin en deux dans le sens de la largeur, écrasa son poing lisse tout du long de la pliure, puis sur une nouvelle pliure, de telle sorte qu’on ne distinguait plus que le blanc cassé sur un quart de la feuille et son nom dans les herbes sur un autre. Elle rangea ensuite ce bout de ciel dans la large poche ventrale de sa salopette sale avant de sortir du salon. Aurore, elle, triturait toujours du bout des doigts les crayons endormis sur la table. Un à un elle les faisait glisser sur le tas à droite de son petit coude. Parfois elle retenait l’un d’eux et délicatement, le disposait devant elle, là où elle alignait tous les bleus.
Elle le trouverait, le bleu du ciel.
 
 
 
 
II
 
 
— Louise ! Aurore ! On mange !
Fallait pas traîner quand la mère appelait. Louis était déjà à table, même qu’il mastiquait le chou-fleur. Encore du chou-fleur ! Les enfants n’en pouvaient plus du chou-fleur ! C’était la voisine, la vieille Micheline, qui les leur donnait, tous ces choux. C’est ce qui poussait le mieux dans son jardin, de l’autre côté de la colline. Elle en avait des rangées. Et puis, c’était ça, ou c’était rien.
Louise restait debout sur le pas de la porte, une moue de dégoût plantée sous le nez et Aurore sur les talons. La petite avait buté contre son dos quand elle s’était arrêtée là subitement.
— On mange j’ai dit !
L’une après l’autre les fillettes s’installèrent sur leurs chaises. Dans leurs narines s’engouffrait déjà une moiteur épaisse et odorante. Le chou suintait son parfum fade par chacun de ses cônes mous. Ça collait même sur la peau, sous le nez, par là où ça passait… Comment il faisait Louis pour agiter ses mâchoires en rythme ? Elle, elle pourrait pas. Pour le montrer à la mère, elle gardait cet air pincé, celui qui lui plissait le nez.
La mère ne leva pas l’œil mais elle dit quand même :
— Fais pas ta princesse Louise. J’ai autre chose à foutre que de te le mettre dans le gosier ce chou.
On ne parla plus du déjeuner.
En dix minutes c’était plié.

 
 
 
III
 
 
Pendant que la mère jetait les assiettes en plastique, Louise cacha son quignon de pain dans la poche de sa salopette. Pas la ventrale cette fois-ci. La mère l’aurait vu. Celle dans le pli de l’aine. C’était plus discret.
On ne mangeait plus que dans des assiettes en plastique depuis que le père s’était fait la malle, dix jours avant ce jour. Les gamins s’en fichaient. Plus besoin d’essuyer la vaisselle. Fallait juste encore sortir la poubelle, deux fois plus souvent en fait. Et c’était Louis qui s’y collait.
La mère nouait déjà le cordon orange autour du cou de la suivante. L’air de rien, Louise demanda :
— Je peux sortir la poubelle maman ?
— Qu’est-ce que tu trafiques toi encore ?
— Rien. C’est pour prendre l’air.
— C’est bon. Vas-y. Mais je te préviens : une seule connerie et c’est la raclée.
La mère avait la main lourde depuis qu’on utilisait des assiettes en plastique mais Louise ignora la menace. Avec la souplesse d’un chat, elle sauta de sa chaise et saisit le gros sac noir par la tête. Dès qu’elle fut dehors, elle sourit au ciel bleu qu’elle aimait tant et traversa la cour à grandes enjambées.
— Dix points !
Un sans-faute. Elle avait réussi à viser la benne depuis le pot fêlé sans même dépasser la ligne avec le bout du pied. Un coup d’œil à droite, un autre à gauche. Le chemin était libre. Louise fila derrière la remise où cinq poules picoraient les gravillons. Accroupie le long du vieux mur de pierres, elle écrabouilla le quignon dans son poing serré. Les poules aimaient beaucoup les miettes de quignon.

 
 
 
IV
 
 
— Groussette, arrête ! Laisse-z-en aux autres !
Louise voulut effrayer la poule rousse d’un revers de main, en vain. Avec son bec crochu elle picorait les plus grosses miettes ou la bedaine de ses consœurs, c’était selon, si bien que les quatre petites poules blanches inspectaient le gravier sur un large périmètre autour d’elle. Elle pouvait être mauvaise Grousette, pourtant elle l’aimait bien. Ses plumes orangées luisaient sous le soleil comme un parquet fraîchement ciré et son cou jouait de l’accordéon.
Louise se détacha peu à peu des pierres froides de la remise qui humidifiaient son dos et resta accroupie en équilibre. Elle aimait l’odeur de mousse du mur nord, se réfugier dans cette aigreur tourbeuse quand elle se cognait aux colères de la mère. Surtout, les volatiles lui permettaient d’oublier tout ce qui n’était pas graines, pain sec ou coquille d’œuf ; à leurs côtés, les contrariétés s’effilochaient. Abandonnée à ses pensées, Louise promenait ses doigts sales sous les gravillons, dans la terre collante. Les poules trouvaient parfois des vers ici.
En face de la remise, au-delà de l’herbe écrasée par leurs jeux et le parking de la voiture absente, grimpaient les fougères et les troncs fêlés. La vieille bâtisse en pierres était la dernière balise avant l’océan de verdure : ils habitaient à l’orée de la forêt. Louise remarqua que l’herbe était un peu plus verte que d’habitude. Moins boueuse. Dix jours qu’ils étaient coincés là. Dix jours que le père était parti avec la Jeep. Heureusement qu’ils étaient en vacances sinon l’instituteur leur aurait collé l’assistante sociale sur le dos. Ça, la mère elle le supportait pas.
— Louiiiiiise ! Viens ici ! Immédiatement !
Merde ! Elle avait trop tardé . La mère avait trouvé le temps long. En une seconde, Louise fut debout. Avant de rejoindre la ferme au pas de course, elle effraya d’un coup de pied la poule insolente. Les plumes luisantes échappèrent de justesse à sa petite botte noire.

 
 
 
V
 
 
— C’est quoi ce bordel ? Tu m’expliques !
La mère l’avait attendue dans l’ombre de l’armoire, juste derrière la porte d’entrée. Elle tirait si fort sur son oreille droite que Louise la sentait se détacher de sa peau, en haut, là où elle glissait normalement les extrémités trop longues de sa frange sombre. La gamine grimaçait. Elle penchait sa tête et se tenait droite sur ses pointes de pieds mais la main forte la traînait à travers l’entrée et le couloir et le salon et il était difficile de marcher avec la nuque si haute et les orteils si droits. D’un coup, Louise retomba à hauteur d’enfance. La main avait lâché prise. Elle ne regarda pas la mère ; celle-ci l’aurait pris pour de la défiance. Elle attendait la suite, menton rentré. Un doigt aride passa sous ses yeux. Il pointait les crayons sur la table basse. Il y avait deux tas. Des couleurs en vrac. Et des bleus. Tous leurs bleus. La voix rocailleuse ordonna :
— Range.
Dans le coin, derrière l’accoudoir du canapé, Louise reconnut la tignasse désordonnée d’Aurore. Elle était assise en boule, le visage enfoui dans ses genoux. Ses yeux émeraude étaient tristes, et désolés.
Louise laissa filer son regard dans la pièce sans l’arrêter sur sa sœur. La mère n’avait pas besoin de la voir.
Elle s’agenouilla, puis elle rangea.

 
 
 
VI
 
 
Il était presque huit  heures lorsqu’ils dînèrent. Personne ne bronchait. Depuis que le père était parti, on ne parlait plus à table. Tous les quatre avalaient leur soupe au chou, les lèvres collées aux bords fins des verres en

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