Il n y a pas que les autres
174 pages
Français

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Description

« Cinquante-cinq ans ! Finalement à cinquante-huit ans la vie n'est pas finie. Sauf si... Au fond, quoi de plus simple : trois ans asexué en état de ménopause prolongée et après... Nom de Dieu, ils n'ont aucune idée de ce que cela représente ! »

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Informations

Publié par
Date de parution 20 janvier 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342017069
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Il n'y a pas que les autres
Gilbert Costa
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Il n'y a pas que les autres
 
 
 
Pour Dominique
 
 
 
La guerre
 
 
 
Bruit d’objectif photo qui se ferme. Le dernier j’espère. Encore que, après l’entretien que j’ai eu il y a deux jours avec le médecin qui m’a suivi pendant toute la durée du traitement, je commence à en douter.
— Très très bien. Les effets secondaires ? Toujours pareils ? Les résultats de vos analyses sont excellents et vos réactions à la radiothérapie normales. Regardez les courbes, là sur ce diagramme : elles s’infléchissent régulièrement.
Je vous revois en janvier. Dans trois ans, lorsque nous arrêterons l’hormonothérapie, nous serons vraiment fixés. Enfin trois mois après, lorsque nous aurons les premiers résultats valables sur votre taux de PSA ! Mais bon dans 95 % des cas il n’y a aucun problème !
Joyeuse perspective !
— Et en ce qui concerne la libido Docteur, comment cela va se passer (j’avais enfin osé en parler).
— En ce moment elle est à zéro ? Non ? Une fois votre traitement hormonal terminé vous pourrez retrouver des pulsions sexuelles si ce n’est une vie sexuelle ; et en cas de besoin il y a des médicaments pour y aider.
J’étais à peu près sûr de la réponse. Lui, ça va !
Encore un problème à gérer et pas des moindres, mais déjà, être libéré de ces doses presque quotidiennes de radiothérapie, quel soulagement !
Le bruit caractéristique d’un objectif photo qui s’ouvre ou se ferme était devenu le symbole de ces séances. J’en faisais des cauchemars. Inexorablement il précédait le déclenchement des rayons qui, dans un bruit énorme, traversaient mon corps. Rotation, clic, rayons, et les poils qui se hérissent en protestant. Rotation, clic… Trois mois de ce traitement, au milieu de gens qui subissent la même thérapie et à côté d’autres qui sont dans un état bien pire ; et des enfants, beaucoup d’enfants !
Cinquante-cinq ans ! Finalement, à cinquante-huit ans la vie n’est pas finie. Sauf si… Au fond, quoi de plus simple : trois ans asexué en état de ménopause prolongée et après… Nom de Dieu, ils n’ont aucune idée de ce que cela représente !
Mes réflexions m’avaient mené jusqu’au parking en sous-sol sans que je m’en rende compte. J’avais pris l’ascenseur, m’étais rhabillé chaudement et avais traversé tout l’hôpital. Je retrouvais la sécurité et le bien-être de ma voiture. Adieu donc et merci quand même.
 
 
 
L’aveu
 
 
 
Le « Jules Verne » était plein à craquer. J’avais dû m’y prendre quatre mois à l’avance pour retenir une table « près des baies vitrées ». Une table pour sept ! Pas facile, mais finalement en arrivant ce dimanche-là à midi, je découvris une superbe table ronde dominant tout Paris, et du bon côté !
20 ans de Mariage ! Céline en avait 25 lorsque nous avions « convolé » et moi tout juste 35. Nous étions un peu fous et tellement amoureux. Mais à cette époque le « Jules Verne » était largement au-dessus de nos moyens.
Vers 12 h 30 tout le monde avait trouvé sa place. Le cousin de Céline et sa toute jeune femme étaient arrivés en dernier et comme d’habitude Céline avait tenu à l’avoir près d’elle, sûrement de vieux souvenirs à partager, et donc j’héritai de la jeune épouse. Les trois autres étaient un couple d’amis communs de notre âge et une amie d’enfance de Céline qui se trouvait seule à Paris à ce moment-là. Notre fille, Valérie, enfin la fille de Céline, n’était pas là, je ne sais plus sous quel prétexte, mais un repas qu’avec des « vieux » ! Je n’avais pas insisté, j’aurais fait la même chose si j’avais pu ! Céline aurait voulu inviter Paul, un de nos rares amis communs, mais son travail à la radio l’en avait empêché. Dommage cela aurait rehaussé le niveau !
Nous étions arrivés en avance pour accueillir nos invités et chacun d’entre eux ne manqua pas de s’inquiéter de ma santé, avec la formule rituelle et idiote du « ça va bien ? » à laquelle on ne peut répondre que « parfaitement » ou « magnifique » ! Tu parles de magnifique ! De toute façon je sais bien que seule leur propre santé les intéresse, mais en plus, aujourd’hui il faut que tout le monde aille bien, c’est la fête !
En accord avec Céline je n’avais informé personne, ni famille ni amis. Le poids de ce qui m’arrivait était assez lourd à porter sans avoir à supporter les histoires des autres, car comme c’est inéluctable, dès que vous annoncez un rhume votre voisin a eu la grippe, sa cousine une pneumonie et son directeur un accident de voiture (bien fait !) ! Pourquoi un accident de voiture vient-il se mêler à la litanie des maladies diverses et variées, on n’en sait rien, mais il arrive toujours l’accident, peut-être finalement parce que la voiture représente encore l’image la plus emblématique de notre société !
Donc nous voilà sept à table, face à Paris, servis comme des rois, buvant autant qu’il est possible, et surtout parlant de choses insipides comme le temps, le gouvernement ou les petits enfants ! Des gens normaux quoi, qui n’ont pas ou plus grand-chose en commun, mais qui font comme si. Depuis un moment la discussion tournait autour de « faut-il continuer à voter socialiste alors qu’ils ne font rien d’autre que se tirer dessus à bout portant ou passer chez les Verts, enfin chez Dany même s’il n’est plus aussi rouge et envisage une alliance avec l’ineffable Bayrou comme naturelle ? »
Depuis le début de ce repas j’étais resté silencieux. Je sursautai quand je m’entendis interpeller : Et toi Alex, qu’en penses-tu ?
Je relevai la tête, jetai un regard circulaire sur la petite assemblée et déclarai d’une voix forte :
— Moi ? J’ai un cancer !
Les discussions se poursuivirent 3 secondes. Suivit un silence incrédule.
— Oui, ce n’est pas une blague. Cela fait cinq mois que les médecins ont diagnostiqué un cancer de la prostate et que je suis un traitement. Je ne voulais pas vous en parler, ternir ces retrouvailles, mais je n’en peux plus « d’être en merveilleuse forme » alors que je viens juste de terminer une radiothérapie exténuante et incertaine. Et puis vous êtes nos amis, nos plus proches amis, je crois que ce sera moins dur de partager avec vous ce qui n’est plus un secret maintenant.
Je ne me souviens plus très bien de la suite de ce repas. Je revois les têtes interloquées autour de moi, je vois les lèvres qui bougent, mais c’est tout.
Je crois que j’étais déjà reparti six mois en arrière.
 
 
 
Mai 2008
 
 
 
La petite salle d’attente était pleine de monde, avec deux gamins pleurnichards qui reniflaient leur morve devant une mère absorbée dans la lecture d’un numéro de Gala vieux de trois ans. C’est incroyable mais c’est pareil dans toutes les salles d’attente : des enfants mal élevés et de vieux magazines people qui s’entassent sur une table. J’avais amené un bouquin avec moi, « L’invitation à Dîner » je crois, car même sur rendez-vous, je savais qu’il allait falloir patienter. Une demi-heure après j’étais face à notre « médecin de famille ». Il avait sorti mon dossier et étalé sur son bureau les derniers résultats d’une analyse concernant les PSA. Il avait l’air anxieux et indécis, puis, comme à son habitude, il proposa une solution pas trop compromettante : il faudrait passer un scanner de la prostate M. Robert, car vos taux de PSA sont un peu élevés, plus qu’il y a six mois et cela mérite que l’on vérifie… j’en ressortis avec une ordonnance et rentré chez moi je consultai les résultats des précédentes analyses faites sur les 2 dernières années. Effectivement ces sacrés PSA s’étaient mis à galoper comme sur un champ de course et, en face du dernier chiffre de la dernière analyse, je vis qu’ils couraient tellement vite qu’ils avaient dépassé le maximum autorisé !
Merde ! Nom de dieu mais quel con, quel con ! À croire que j’étais devenu aveugle ! Il y a six mois ils étaient déjà limites ces putains de PSA, et ils ont grimpé régulièrement ! Ce n’est pas possible !
J’étais seul à la maison et je pouvais hurler ma fureur à tout va !
Pour être furieux j’étais furieux ! Oh, un peu contre mon « médecin référant » tout juste bon à prendre la tension et à prescrire les médicaments qu’on lui demande, mais surtout contre moi, moi qui me croyais à l’abri de toutes ces maladies qui n’arrivent qu’aux autres ! Moi ! Le superman à qui l’on donnait toujours dix ans de moins et une intelligence supérieure à la moyenne ! Pour le coup ma tension avait dû grimper à 22 et mon pouls à 200 ! Mais quel con ! Redescendu sur terre ? Un homme, simplement un homme !
Calme et réflexion s’il te plaît. D’accord ces analyses ne sont pas top mais… Et puis tu n’es pas encore mort.
Je me servis un verre de bourbon pour faire passer l’amertume, un vrai Kentuky que je rapporte de mes passages aux Etats-Unis.
Je me rappelai que la même mésaventure était arrivée à l’un de mes amis deux ans auparavant. Il s’était confié à moi, je ne sais pas pourquoi, peut être une question d’âge, une façon de concevoir la vie. Il avait besoin de parler, dire combien tout avait failli basculer car il avait été diagnostiqué un peu tard, combien c’était difficile de se retrouver vieillard auprès d’une jeune femme de 35 ans, alors qu’il avait toujours été un chef d’entreprise en bonne santé, aimant la vie, la bonne bouffe et… Mais l’Institut mutualiste dans lequel il avait été soigné l’avait sorti de là, avec humanité, avec douceur, avec compréhension.
Le bourbon fini je recherchai l’adresse qu’il m’avait donnée « au cas où », et j’appelai.
Deux minutes pour avoir le bon service, la secrétai

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