L affaire des cent minutes
56 pages
Français

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L'affaire des cent minutes , livre ebook

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Description

M. Deval a vraiment piétiné les règles les plus élémentaires du savoir vivre en se faisant assassiner, en pleine nuit, dans la pièce à côté de laquelle ses invités l’attendaient pour qu’il leur montre son dernier achat, un magnifique diamant.


Il ne lui suffisait pas de gâcher la soirée des trois couples présents chez lui, encore fallait-il qu’il fît déranger toute la cohorte ordinaire qu’un tel crime déplace : le Procureur qui avait dû abandonner sa partie de bridge, un beau jeu en main ; le Juge ; des agents de police ; le médecin légiste ; les membres de l’Identité Judiciaire... et même le commissaire MAZÈRE qui grommelait dans son coin en espérant que le vide se fasse pour entamer son enquête.


A-t-on idée de prendre ainsi une balle dans la tête sans se soucier de tout ce monde... et des voisins ?


Pourtant, le bouleversement ne durera pas très longtemps, ce n’est pas pour rien que les journaux du lendemain titreront : « L’affaire des 100 minutes »...

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9791070035009
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES ENQUÊTES
DU
COMMISSAIRE MAZÈRE

L'AFFAIRE DES CENT MINUTES
Récit policier

Maurice LAMBERT
I
MINUIT : UNE ENQUÊTE EST OUVERTE

Ils étaient tous d'une humeur impossible. Comme ils ne pouvaient décemment s'en prendre les uns aux autres, c'étaient les agents disposés dans l'immeuble par le brigadier de police-secours qui écopaient. Il fallait bien que chacun de ces messieurs trouvât le moyen de soulager son besoin de mordre et les braves types qui, pourtant, n'en pouvaient rien, semblaient placés là uniquement pour jouer le rôle de victimes respectueuses.
Je parie que vous avez touché au corps…
Oh, nous avons exécuté les consignes à la lettre, monsieur le procureur ! Nous ne sommes pas entrés dans la pièce.
L'agent pensait : « ça t'embête, mon bonhomme, de ne pas me pincer en défaut ! »
C'était un gros garçon rougeaud, à la mine réjouie et naïve. La preuve de sa naïveté, c'est qu'il espérait presque des félicitations. Il ne connaissait pas le procureur Lelong, celui-là !
Et si l'homme n'était pas mort, grinça le magistrat, vous l'auriez laissé claquer comme un chien ? C'est du propre !
L'agent Réjoui en eut le souffle coupé. Tant de mauvaise foi dépassait son entendement. Le règlement ne dit-il pas que…
Et puis le mort était tout à fait mort, puisque les témoins l'affirmaient. Au surplus, il fallait chercher noise au brigadier et non à lui. Il est vrai que le brigadier avait déjà reçu son paquet. Et quel paquet !
L'agent Réjoui se pencha sur un collègue.
Pas possible, murmura-t-il, on a dû les vacciner avec un poil de porc-épic !
Oui, ces messieurs affichaient tous une humeur impossible. Le procureur criait plus fort que les autres parce que cette descente de parquet inopinée avait interrompu un bridge passionnant.
Figurez-vous, Juge, qu'avec un pareil jeu j'ai réussi à…
Et le juge, qui ignorait tout du bridge et qui avait les cartes en horreur, de grimacer un sourire entendu.
Diable, c'est habile !
Même Mazère, dont, cependant, l'impassibilité était légendaire à la Police Judiciaire, qui manifestait son mécontentement. Il mâchonnait une cigarette qu'il avait négligé d'allumer et dont il rejetait les brins de tabac avec des crachotements rageurs.
Seul, le médecin légiste le docteur Ragot, gardait sa sérénité. Personne dans les milieux de la Préfecture, comme dans les milieux du Palais, ne pouvait se vanter d'avoir jamais rencontré un docteur Ragot renfrogné ou seulement triste. Cet homme qui passait ses journées à « démonter des pantins », selon son expression favorite, qui travaillait sur des cadavres plus ou moins puants comme d'autres manient le bois ou le tissu, n'arrivait pas à prendre sa besogne au tragique. Ses intimes n'oubliaient pas la petite fête qu'il leur avait offerte à l'occasion de sa millième autopsie, quelques mois auparavant, et qui avait constitué un triomphe de mise en scène macabre.
J'aime la compagnie de mes cadavres, disait-il volontiers, ils tiennent si peu de place et font si peu de bruit…
Pour le moment, le docteur Ragot se penchait sur la chose oblongue et molle responsable du déclenchement de la machine policière. Un beau cadavre, tout frais, tout neuf, avec une blessure nette, franche. Le médecin n'eut même pas besoin de le retourner, un bref examen suffisait. Il se releva, content de lui, à son habitude, et essuya ses mains à peine souillées de sang.
Alors, docteur ?
Une balle dans la tête, quoi !... Mort instantanée, ou presque. Quelques secondes d'agonie… L'orifice de la plaie est minuscule, sans doute s'est-on servi d'un automatique 6,35… Avez-vous remarqué que les meurtriers occasionnels ont une prédilection particulière pour ce calibre ? Quant aux femmes, elles en raffolent. C'est toujours au 6,35 qu'elles ont recours pour châtier une rivale ou un amant infidèle, car, avec le charmant manque de logique qui caractérise leur sexe, sur deux coupables, elles…
Il paradait, discourait en clignant de l'œil, sans plus s'occuper de son cadavre. Le juge interrompit ses commentaires en lui lançant de sa voix aigre :
Le suicide est-il tout à fait impossible ?
L'autre éclata de rire.
Absolument impossible, juge. La balle a traversé la tempe de haut en bas, ce qui prouve que l'arme était inclinée de haut en bas, évidemment. Essayez donc de vous tirer une balle dans la tempe de cette façon. Vous y arriverez, mais avec difficulté, et en risquant de vous blesser affreusement sans vous tuer… Autre chose, le coup n'a pas été tiré à bout portant. On ne relève aucune trace de brûlure sur les lèvres de la blessure. Tenez, penchez-vous…
Le juge déclina l'invitation. Contrairement à son interlocuteur, la vue d'un cadavre sanglant lui tournait le cœur. Un sérieux handicap quand on exerce la profession de juge d'instruction !
Je vous crois, docteur, je vous crois, se hâta-t-il d'assurer.
Le docteur Ragot enfilait son pardessus, la pipe à la bouche.
Monsieur le juge, vous aurez mon rapport demain. Je vais procéder à l'autopsie au début de la matinée. Soyez sûr, d'ailleurs, que je ne vous apprendrai rien de plus, sinon l'heure probable du meurtre, ce qui, dans les circonstances présentes, ne vous sera d'aucune utilité, puisque ce détail est connu de vous…
Goguenard, il ajouta :
Et voilà ! Êtes-vous satisfaits, messieurs ?
Le procureur haussa les épaules et grogna un « non » acerbe.
Non ? reprit le médecin. Que vous faut-il encore ?
Le nom de l'assassin !
Adressez-vous au commissaire Mazère, nul doute, qu'avec son habileté coutumière, il ne résolve le problème en deux temps trois mouvements…
Hargneux, le commissaire bougonna :
Pour la mise en boîte, docteur, vous choisissez mal votre moment…
Les petits yeux malicieux du médecin pétillèrent. Il considéra ses interlocuteurs les uns après les autres, le procureur, le juge d'instruction, Mazère, le greffier, les gens de l'Identité Judiciaire, puis son rire puissant résonna, se répercuta dans la cage de l'escalier, car toutes les portes étaient ouvertes.
Charmante ambiance ! railla-t-il. Ces messieurs de la famille !... Dois-je vous présenter des condoléances ?
Il soupira, arbora une mine comique.
Tout ça parce qu'un pauvre type a eu la malencontreuse idée de se faire assassiner à minuit, alors que notre distingué Procureur de la République bridgeait – et qu'il gagnait ! – que le commissaire Mazère soupait avec sa petite amie et que le thermomètre marquait – et marque encore – dix au-dessous !... Ce macchabée a vraiment piétiné les règles les plus élémentaires du savoir-vivre, si j'ose dire ! Quant à son meurtrier, j'ai toujours pensé, messieurs, que l'on devrait interdire aux assassins d'opérer la nuit…
Le plus grand comique in the world n'eût pas réussi à dérider cette poignée de personnages enlisés dans leur rogne et les propos du docteur Ragot restèrent sans effet. Ils eurent même pour conséquence de porter à son paroxysme la colère du procureur qui pointa un index furieux sur le praticien.
Toubib, disparaissez. Sinon, dans moins d'une minute, il y aura deux cadavres dans cette pièce. Après tout, ce serait bien à votre tour de vous faire découper en petits morceaux !
L'autre s'éclipsa, hilare. Il s'en moquait, lui, de l'enquête, il regagnait son lit.
Dès qu'il eut tourné les talons, le juge d'instruction fit quelques pas en direction du cadavre sur lequel il risqua un bref regard. Le procureur demeurait immobile et le greffier suçait son crayon.
« Ça y est, se dit Mazère, ils vont me plaquer. Tant mieux, je pourrai travailler en paix. »
On sentait en effet que ces messieurs du Parquet ne cherchaient qu'un prétexte à peu près plausible pour remettre l'instruction de l'affaire au lendemain. Tout au moins en ce qui les concernait.
Dégoûté, le juge revint auprès de son greffier qui machinalement s'était installé à une petite table. Le gratte-papier attendait, le crayon levé, les yeux interrogateurs.
Une minute, Dumont. Il faut d'abord abandonner la place aux spécialistes de l'Identité.
Traduction : « ces bougres-là vont bien nous faire perdre une heure, est-ce la peine, vraiment, de commencer l'enquête, cette nuit ? ».
Le procureur comprit que son collègue lui tendait une perche qu'il eût été stupide de repousser. D'un air indifférent, il consulta sa montre.
Il est minuit passé, proféra-t-il avec dignit&

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