LA Chronique exotique
113 pages
Français

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Description

Antoine Eyrolles, un procureur français en vacances, passe le temps des fêtes au Québec. Il rencontre Tao Bilodeau, qui couvre l’affaire de l’Eggzotique, le drame d’une restauratrice sauvagement poignardée à qui l’on s’empresse de trouver un assassin convenable. Mais ce qui convient aux uns ne suffit pas toujours aux autres. Et ce qui éblouit au premier coup d’oeil n’impressionne guère celui qui prend le temps de regarder…
Le procureur Eyrolles, justement, est à moitié aveugle et bourré de défauts, mais en quête de la vérité ; le journaliste Bilodeau, lui, est docile et zélé, en tout point son opposé. Pourtant, une surprenante amitié et une redoutable complémentarité vont se développer entre eux à mesure qu’ils se feront prendre dans l’engrenage de l’enquête.
Roman noir à l’eau de rose ? Roman policier sans policier ? C’est avant tout une ode à l’hiver, au Québec et aux deux-oeufs-bacon avec café à volonté.
On ne pouvait pas vraiment dire qu’il était « heureux ». Non, il aurait fallu être mauvaise langue pour prétendre que quiconque au Journal se réjouissait de la mort de Carmen Medeiros. Mais il aurait fallu être hypocrite pour affirmer que la nouvelle ne suscitait pas un brin d’exaltation. Pour un journal local, en ce début de vacances hivernales dépourvu d’actualité politique ou sportive, période de floraison des marronniers et haute saison de la glose météorologique, on pouvait difficilement rêver mieux qu’une mort livrée à domicile.
Annoncer une mort, c’est un peu comme chatouiller le nerf cardiaque du lecteur avec un scalpel : ça provoque immanquablement une réaction. Malgré lui, l’être le plus insensible dresse un sourcil intrigué vers le titre. L’être le plus hautain vérifie que personne ne le voit, puis se jette sur le compte rendu détaillé du drame. Aucun humain digne de ce nom ne peut rester indifférent.
Or, en plus d’être un humain digne de ce nom, Tao était un journaliste. Et la mort de Carmen Medeiros lui chatouillait par conséquent un paquet de nerfs. Car, au-delà du choc, elle laissait un certain nombre de questions en suspens. Et Tao était dressé à fournir des réponses.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 septembre 2016
Nombre de lectures 15
EAN13 9782764432082
Langue Français
Poids de l'ouvrage 10 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice

Conception graphique : Sara Tétreault
Mise en pages : Pige communication
Révision linguistique : Sylvie Martin et Isabelle Rolland
En couverture : © Jeannette Lambert / shutterstock.com, © Nikolay Litov / shutterstock.com, © TonTonic / shutterstock.com
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Corbec, Laurent
La chronique exotique
(Tous continents)
ISBN 978-2-7644-3206-8 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3207-5 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3208-2 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Tous continents.
PS8605.O713C57 2016 C843’.6 C2016-940729-2 PS9605.O713C57 2016

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2016
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2016

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2016.
quebec-amerique.com



Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne peut être due qu’à l’imagination excessive du lecteur.


À ma bonne-maman, malvoyante bien-aimée.



Samedi 21 décembre
Quinze pour cent. Il l’avait lu, on le lui avait dit et répété, bref, il le savait. Mais maintenant qu’il se trouvait devant son assiette vide et son addition pleine de chiffres superposés, il mesurait tout le caractère élastique de ces fameux quinze pour cent. Donner quinze pour cent, c’était la norme. Ça signifiait donc que tout était normal. Or, justement, tout n’avait pas été normal. Loin de là. Les œufs avaient été trop cuits, les fruits, trop fades, et il avait dû réclamer trois fois sa crêpe avant d’avoir droit à une espèce de chiffon blafard qui se décomposait dans la bouche avec un arrière-goût de liquide à vaisselle. Dans de telles conditions, donner quinze pour cent de pourboire, est-ce que ce n’était pas une manière de cautionner tous ces désagréments ? Est-ce qu’on ne risquait pas d’interpréter ce geste comme une façon de dire « ne changez rien, c’était parfait » ? Au contraire, est-ce qu’on ne pouvait pas susciter une saine remise en cause en donnant moins ? Qui sait ? On pourrait même contribuer ainsi à l’amélioration des repas, donc à une plus grande satisfaction des clients à venir, donc à une bienveillance accrue dans leurs rapports avec autrui et, en fin de compte, à une augmentation de la joie de vivre sur terre ?…
Antoine Eyrolles tripota machinalement sa tasse. Quinze pour cent de 12,96 $, ça devait tourner autour de 2 $. Au total, ça faisait donc 15 $ pour deux œufs avec du bacon, des patates et un chiffon blafard ! Ça avait l’air bon marché dans le menu, mais une fois qu’on ajoutait le café, les extra, les taxes et le pourboire, ça revenait au prix d’un plat du jour dans une bonne brasserie. Alors quoi ? Dix pour cent ? Cinq pour cent ?… Il se dit qu’il pouvait même ne rien donner du tout s’il le voulait. Il pouvait partir l’air de rien et prétendre après coup qu’il ne savait pas. Il fut saisi d’un léger vertige devant l’ampleur des choix possibles. Un brusque coup de tête le sortit d’affaire. Il disposa sans appel une poignée de monnaie devant lui, finit d’un trait son café froid et partit.
Des pièces de toutes tailles étaient éparpillées sur le journal. Elles cachaient la photo de la une, mais on pouvait encore lire le titre principal dont les grosses lettres rouges perçaient à travers la grisaille métallique : « Meurtre sanglant à Montréal, une patronne de restaurant sauvagement poignardée ».
***
Les téléphones carillonnaient, les téléviseurs psalmodiaient, les bouches s’exclamaient, les yeux s’écarquillaient, les doigts pianotaient, les pieds piétinaient… La salle de rédaction du Journal de Montréal avait comme d’habitude l’effervescence bourdonnante d’une ruche. Sauf qu’en l’occurrence, la ruche venait en plus de recevoir un gros coup de pied. Et ce coup de pied, c’était l’assassinat de L’Eggzotique .
La couverture de l’événement avait échu à l’abeille Bilodeau, une abeille novice qui, chance du débutant, se trouvait être la seule de service lorsque l’information était tombée. Tao Bilodeau venait ainsi de faire sa première une. Et il était à lui seul un résumé de toute la rédaction : psalmodiant, carillonnant, piétinant, le téléphone coincé à l’oreille, il s’exclamait, les yeux écarquillés, en pianotant sur son ordinateur.
On ne pouvait pas vraiment dire qu’il était « heureux ». Non, il aurait fallu être mauvaise langue pour prétendre que quiconque au Journal se réjouissait de la mort de Carmen Medeiros. Mais il aurait fallu être hypocrite pour affirmer que la nouvelle ne suscitait pas un brin d’exaltation. Pour un journal local, en ce début de vacances hivernales dépourvu d’actualité politique ou sportive, période de floraison des marronniers et haute saison de la glose météorologique, on pouvait difficilement rêver mieux qu’une mort livrée à domicile.
Annoncer une mort, c’est un peu comme chatouiller le nerf cardiaque du lecteur avec un scalpel : ça provoque immanquablement une réaction. Malgré lui, l’être le plus insensible dresse un sourcil intrigué vers le titre. L’être le plus hautain vérifie que personne ne le voit, puis se jette sur le compte rendu détaillé du drame. Aucun humain digne de ce nom ne peut rester indifférent.
Or, en plus d’être un humain digne de ce nom, Tao était un journaliste. Et la mort de Carmen Medeiros lui chatouillait par conséquent un paquet de nerfs. Car, au-delà du choc, elle laissait un certain nombre de questions en suspens. Et Tao était dressé à fournir des réponses.
Il se demandait donc pourquoi.
Oui, d’abord. Pourquoi avait-elle été assassinée ?
Tao pianota nerveusement.
Et avant tout…
Tao piétina.
Assassinée… Par qui ? !
***
Ce n’était pas seulement à cause du froid qu’Eyrolles marchait vite. C’était aussi pour fuir le plus rapidement possible les lieux du crime. Hélas, son corps avait beau s’éloigner, son esprit restait, lui, empêtré dans la culpabilité. « Quatorze dollars vingt-cinq », laissa-t-il échapper d’une voix fébrile. Il n’arrivait pas à y croire. Il recompta mentalement en espérant une erreur. Mais non, c’était bien ça : 14,25 $, ni plus ni moins ! Il tressaillit de honte et accéléra encore. Ça voulait dire qu’il n’avait laissé que… 1,29 $ de pourboire ? Un dollar et vingt-neuf sous ? ! Moins de dix pour cent ? !… C’était ridicule ! Ridicule et insultant. Ah, bravo ! Maintenant, la pauvre serveuse devait être en train de le maudire, lui et tous ses semblables. Maudire tous les Français, maudire tous les malvoyants, maudire tous les mâles !… Il décida de réparer cet affront au plus vite. Oui, il allait retourner au restaurant, dire qu’il était désolé, qu’il avait mal vu, mal compris, mal compté, peu importe, mais il allait donner un pourboire décent. Un beau gros deux dollars, voilà. Il fouilla dans sa poche de pantalon à la recherche de la pièce convoitée et amorça son demi-tour. Mais au moment précis où son cerveau envoyait à ses membres le signal de la volte-face, son pied glissa et il se retrouva aussitôt allongé, la main toujours dans la poche, sur le sol glacé.
***
Comment se sent-on au lendemain d’un meurtre dont on est coupable ? Heureux ? Triste ? Épanoui ? Épouvanté ? Insatiable ? Contrit ?…
L’assassin de Carmen Medeiros, en tout cas, se sentait tout sauf coupable. Son cerveau était un peu confus, son cœur, un peu irrégulier et sa main droite – celle qui avait tenu le couteau – tremblait parfois imperceptiblement au souvenir de l’effort. Mais ce même cerveau ne concevait absolument aucun regret. Ce même cœur envoyait généreusement un beau sang vermeil à tous ses muscles. Et cette même main poignarderait à nouveau sans hésiter si c’était à refaire.
***
Il sentait une vive douleur au coude et au nez, mais, à part ses lunettes, Antoine Eyrolles n’avait rien de cassé. Par contre, la chute avait été aussi rapide qu’humiliante et elle avait supprimé toutes ses velléités rédemptrices. Tant pis pour la serveuse, tant pis pour les Français, pour les malvoyants et pour le reste de l’humanité : il était rentré directement chez Marie-Ève et JB. On n’allait pas non plus risquer sa vie pour deux dollars.
JB lui parlait désormais comme à un enfant. Il n’arrivait pas à concevoir qu’un quasi-aveugle puisse marcher tout seul, sans canne ni chien, sur les trottoirs verglacés d’une ville qu’il ne connaissait pas. Antoine cachait mal sa vexation grandissante. Pourquoi pas utiliser un déambulateur tant qu’on y était ? ! Ce n’était pas à cause de sa mauvaise vue qu’il était tombé, c’était à cause de ce sale verglas. Et ça aurait pu arriver à n’importe qui. Avec les pluies abondantes de la veille et le coup de froid nocturne, même pour un patineur artistique, la ville était devenue périlleuse !
Marie-Ève, elle, n’arrivait toujours pas à se représenter la scène. Comment Antoine avait-il pu se blesser au nez en glissant sur un trottoir ? Il n’avait pas eu le réflexe de se protéger avec son bras ?… Elle était avide de détails. Mais Antoine lâchait ses explications de mauvais gré, au compte-gouttes. Il sentait qu’elle était moins inquiète qu’amusée. Il avait failli se fracasser le crâne, mais, biza

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