La Folie des adultes
114 pages
Français

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La Folie des adultes , livre ebook

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Description

C’est à la vie, à la mort... c’est seulement ce qui fait l’ordinaire. Des nouvelles, des espoirs pour mieux se rendre compte que le quotidien, dans toute sa routine, peut aussi être dérangeant... À la mort, à la vie... tout est dit.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 décembre 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782334043809
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-04378-6

© Edilivre, 2015
La Folie des Adultes
Petite fille, j’étais. Petite fille, je resterai. Mes cheveux ont poussé, mon corps s’est affiné, mais les sensations sont toujours là. Le sourire et les moyens en plus.
Le feu passe au rouge, les vibrations se font plus douces jusqu’à ne plus les sentir, première, je lâche doucement l’embrayage… le bolide frémit, je le calme pour franchir le carrefour, il n’est pas encore temps de le laisser partir.
Une courbe, lente, presque au ralenti, je souris, je laisse venir l’asphalte, presque à toucher le sol, et hop, un coup de hanche et je redresse. Le vent fouette mon visage, je sens mes cheveux partir en couronne autour de mon casque intégral. Le cuir noir de ma combinaison est chaud sous ma peau nue, je ne sens pas les morsures du vent.
La route devient rectiligne, plus régulière. Les voitures, plus rares, je perçois la fin de la ville comme une civilisation entière qui disparaît derrière moi, la quatrième me fait bondir en avant, il est temps. Plus vite encore, mes cheveux s’envolent, presque autant que moi qui dois faire mille efforts pour garder les poings serrés sur mon guidon.
Je lâche tout, le moteur réagit aussitôt. Quel délice, les vibrations sont intenses, je les sens jusque dans mes os, ma vue se trouble un peu, la vitesse me plaque contre le réservoir, je ne dois pas lâcher prise.
Ça y est, l’engin bondit sur l’asphalte, il est maintenant seul maître de ses mouvements et je ne peux rien faire d’autre que de le maintenir pour qu’il ne nous tue pas. Je ne souris plus… je ris. C’est un bonheur immense. Une vague me submerge et m’entoure comme ce vent furieux contre lequel je lutte.
Alors je m’abandonne enfin, laissant la route, le paysage et le vent faire de moi ce qu’ils veulent. Le bruit et les vibrations m’envoûtent et me réduisent en esclavage. Je suis consentante et me laisse faire. Dans cette vie, si dure, si imprévisible, c’est mon trip. Mon moment de bonheur avant de faire face à mon quotidien.
Et comme tout a une fin, le monstre me ramène chez moi ; petite maison, petite banlieue, bien loin de cet univers de vitesse et d’adrénaline. La moto s’arrête à l’entrée du garage. Doucement je la guide jusqu’à sa place. Un garage bien trop grand pour elle. Ça n’a pas toujours été le cas. Avec précaution, je sors et regagne la maison. Yoan ne sera pas content de me voir arriver en retard. En faisant la moue et en soupirant, je pousse la porte. Je pose mon casque près de l’entrée, mes cheveux tombent en cascade sur mes épaules. La combinaison de cuir fait décidément trop de bruit dès que je fais un mouvement, je fais une grimace à chaque fois. Mais c’est peine perdue, Yoan est là, droit comme un « I » les bras croisés sur la poitrine, il me transperce du regard. Je ne sais pas quoi faire, me balançant gauchement d’un pied sur l’autre.
Yoan a 11 ans et est plus adulte que moi. C’est mon fils, mais à le voir comme ça, j’ai plutôt l’impression que c’est mon père. Il fait la tête car je suis encore allée faire un tour à moto alors que personne n’est venu le chercher à l’école, qu’il a fait ses devoirs, préparé le dîner… et a sans doute résolu l’énigme de fin de la roue de la fortune. Il fait toujours à manger quand je rentre tard. Au moment où je me fais cette réflexion, le son du micro-ondes retentit dans la maison. C’est comme l’immense cloche d’un match de boxe. Un arbitre vient de faire sonner le « dong » du début de round. Yoan me transperce du regard, mais décide de ne rien dire. Le micro-ondes annonce indéniablement que le dîner est servi. Encore gênée par les bruits de ma combinaison, je murmure un : « Je vais me changer » avant d’affronter le repas du soir.
* *       *
Le lendemain est pareil à tous les autres. J’apprends à vivre avec mon fils et avec l’absence de son père. Marcus est mort. C’est une certitude maintenant car depuis quelques mois à peine, j’ai fait mon deuil. Depuis quelques mois aussi, la passion pour mes balades en moto est devenue de plus en plus importante. Au grand désespoir de Yoan qui ne comprend pas ce que je peux éprouver dans cette fuite. Ou plutôt si ; il comprend, mais n’accepte pas. Son père mort ; sur qui peut-il bien compter ? Sa mère ? Mais sa mère est un fantôme qui enfourche son bolide à la première occasion. Cette passion était déjà là, mais dans une moindre mesure. Et puis il y avait Marcus. Marcus, c’était notre équilibre. Il était mon mari, mon amant, mon copain, mon biker… Il était mon toit et mon soleil… Il était encore plus pour Yoan. Aussi lorsqu’il monta pour la dernière fois sur sa bécane chacun de nous, de Yoan et moi, chacun de nous a réagi différemment. Mon fils a grandi trop vite. Moi, j’ai pris ma moto pour aller faire des balades. Puis des runs dans des villes de plus en plus lointaines laissant Yoan seul des week-ends entiers à la maison ou sollicitant trop souvent ma mère pour le garder.
Maggie me dit que c’est mal.
– Tu ne peux pas le laisser comme ça. Il n’a que 11 ans.
– Pourtant, il se débrouille très bien sans moi, maugréais-je.
Mais bien sûr je n’en pense pas un mot et je ressens une énorme culpabilité. Maggie hausse les épaules sans se détourner de son écran et continue ses retouches sur Photoshop pour arranger le visage d’une gamine-mannequin anorexique qui sera morte à 30 ans. J’ai une texte à écrire. Je n’y arrive pas. Sur une chaise en face de moi, mon casque intégral attend ce soir. Pas de run prévu, les forums annonçant les courses ont été bien silencieux ces derniers temps. Les flics sont plus vigilants que jamais. Tant mieux, Yoan et moi pourrons aller quelque part. Quelque part…  ? Où ? Que faisions-nous avec Marcus les week-ends ? Comment se découpaient nos samedis et dimanches ? Grasse matinée, un peu de ménage, quelques courses au supermarché, un repas tranquille, Yoan sur Dofus, un Marcus avec un magazine de moto, une Marion avec un bouquin ou une body à écrire pour rattraper son retard… Je ne sais plus. J’avais pourtant l’impression que c’était le bonheur absolu. Et les dimanches ? Sans doute tous les trois en virée dans le side-car. Direction ; la côte, la montagne ou ailleurs, mais à trois. Toujours à trois, toujours dans le side-car. Il me paraît évident que je ne peux plus proposer à Yoan une balade à moto. Il déteste la moto. J’ai vendu le side-car presque aussitôt après la mort de Marcus. Je crois que ce fut ma première erreur. Le garage est grand pourtant, pourquoi n’ai-je pas mis une bâche dessus et ne l’ai-je pas laissé pourrir… Pour Yoan ? Pour plus tard. Mais comme je l’ai dit, chacun réagit différemment. Moi, bizarrement, j’ai voulu me débarrasser d’un maximum de souvenirs, là où Yoan emploie son énergie à en conserver le plus possible. Nous sommes déjà en conflit de générations alors qu’il faudrait qu’on aille voir des Pixar ensemble.
* *       *
Samedi finit par arriver et c’est une chape d’angoisse qui m’étreint. C’est un des rares samedis sans run et je n’ai pas d’excuses pour partir faire mes balades. Je décide de me lever plus tôt. Peut-être que si je prépare le petit-déjeuner de Yoan, je me retrouvais dans mon rôle de mère, comme avant, ce sera un de ces week-ends fantastiques… comme seul Marcus pouvait les générer.
Yoan sort de sa chambre, le petit-déj est prêt. J’ai l’impression de ne plus le connaître. Il a tellement grandi. C’est presque un homme. Mais tout se joue dans son regard. Il murmure un bonjour sans que je sache s’il m’en veut de ma dernière virée ou s’il est juste encore endormi. Je danse d’un pied sur l’autre.
– Tu ne prends pas ton p’tit déj ? interroge-t-il. Tu veux que je te serve le café ?
– Non, tu es gentil, j’en ai déjà un…
Je saute sur l’occasion pour lui demander s’il a prévu quelque chose ce week-end.
– Lucie vient me chercher tout à l’heure, avec ses parents. On va à une sorte de chalet au bord d’un lac. Je voulais t’en parler…
Il suspend sa phrase et j’avale ma salive. Je ne dis rien parce que sur le coup je n’ai rien à dire. Je déglutis et lui verse un peu de jus d’orange. Il murmure un merci et n’ose pas me regarder. Je suis en train de le perdre, c’est sûr. Il le sait. Yoan est un petit bonhomme qui a déjà trop de sagesse. À ses yeux fuyants, je sais qu’il se sent coupable de me laisser toute seule, mais je ne peux pas lui en vouloir. Combien de fois l’ai-je fait sans aucune vergogne ? Il finit son petit-déjeuner alors qu’un klaxon retentit dehors.
– C’est eux, dit-il simplement.
– Mais tes affaires ? Tu as tout préparé ?
Il me fait un signe en direction de l’entrée où l’attend son sac à dos. Il m’embrasse rapidement et sans ajouter un mot file rejoindre Lucie.
Bruit de portière que l’on ferme, première, son d’un moteur qui s’éloigne. Je reste comme une conne, mon mug de café à la main. Il n’a même pas eu le temps de refroidir.
Pendant une heure je range la maison. J’essaie de m’occuper. La tentation est forte de mettre ma combinaison et d’enfourcher ma moto… Partir faire une balade. Mais la culpabilité me rattrape. De temps en temps, alors que je fais une lessive ou que je passe l’aspirateur, j’ai des flashs. Des flashs de notre existence d’avant, quand Marcus était encore là. Nos week-ends dans le side-car, notre vie à trois. Nos semaines bien réglées… routinières comme je les aimais. J’ai des flashs bizarres comme durant les premiers jours après la mort de Marcus. Je me rends compte que j’ai perdu mon fils. Il est en week-end avec une autre famille… c’est la pire chose qu’une mère puisse supporter et je ne suis pas sûre de pouvoir assumer ça.
Une fois toute la maison rangée, je me retrouve à ne plus rien faire au milieu de ce petit pavillon

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