La Messe est dite
144 pages
Français

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Description

Qui aurait pu penser que la sérénité de notre village, où la vie jusqu'alors suivait paisiblement son cours, allait subitement être bouleversée par un crime commis dans des conditions abracadabrantesques ? La victime tuée dans une pièce hermétiquement close, il n'en fallait pas davantage à mes ouailles pour déceler là l'ombre de Satan ou celle de la « Main Noire ». Quant à moi, j'ai tout naturellement invoqué le ciel. Mais comme il tardait à répondre, j'ai dû prendre les choses en mains...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 mai 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342051025
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Messe est dite
Jean-Jacques Gillereau
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
La Messe est dite
 
 
 
 
 
1
 
 
 
Avant ces événements, dont j’entreprends de faire le récit, on traversait notre village, sans même l’apercevoir. Il faut dire que, chez nous, les maisons, qu’elles soient de bois, de pierres ou de briques, sont à l’image de leurs habitants, respectables et discrètes. Ici, la région vit comme les hommes, sans fioriture, sans esbroufe, au rythme des troupeaux et des récoltes, sans jamais totalement se livrer.
 
La funeste notoriété acquise par notre commune, à la suite du drame, m’incite à ne pas vous en révéler le nom. Du reste, les lieux n’ont que peu d’importance pour l’histoire, celle-ci aurait pu se dérouler n’importe où. Il vous suffit de savoir que ce pays est terriblement secret, qu’il semble vouloir profiter d’une nature délicatement torturée, afin de se soustraire au regard des curieux.
 
De fait, vous ne trouverez que de rares constructions de plein champ, mais des demeures dissimulées derrière des hameaux, dans le creux des vallons, ou à l’extrémité de chemins enclavés. Comme si ces bâtisses entendaient d’emblée se protéger des importuns.
 
J’ajouterai que la paroisse, où s’exerce mon sacerdoce, est placée au cœur de la cité. Elle est bornée au couchant par la rive gauche du fleuve, où s’éclaire, d’une lumière crue, un paysage bucolique. Dans cette configuration, l’église se veut un passage obligé pour tous ses villageois. Cette circonvolution vicinale, datant de l’époque des Rogations, a été scrupuleusement conservée. À l’origine, elle était censée instaurer un circuit permettant aux processions de faire pieusement le tour des fermes environnantes.
 
Mes coreligionnaires pouvaient ainsi mesurer la dévotion de leurs ouailles, à la qualité des offrandes, exposées sur les reposoirs, dressés à cet effet au pied des croix, qui marquaient les chemins ruraux.
 
Pourtant, de ce poste d’observation, fut-il privilégié, je crois bien que j’ai été l’un des derniers habitants du village, à deviner l’étrange aventure, qui allait se dérouler chez les Barton.
 
À ma décharge, je ferais valoir que le rôle d’un ecclésiastique, s’il est de nature à recevoir quelques confidences, induit en contrepartie une discrétion absolue. À l’aune de ce postulat, je me suis toujours énergiquement interdit de porter foi aux rumeurs, les plus extravagantes, qui couraient sur le couple.
 
Il est vrai que la vie de reclus, à laquelle les Barton s’étaient adonnés depuis leur arrivée chez nous, prêtait volontiers le flanc aux cancans les plus grotesques. Ici, les gens sont par nature cauteleux, se méfiant de tout et… plus particulièrement des étrangers.
 
D’aucuns se souviennent encore aujourd’hui de l’histoire du fameux colis, que Madame Dufoix, notre sémillante postière, avait remis au couple. Une simple boîte à chaussures, aperçue ultérieurement dans une poubelle. Elle contenait de drôles de mitaines, s’il fallait en croire les allégations de Georges Duprat, notre cantonnier.
 
Propos confirmés de surcroît, par l’employé à la décharge publique. Celui-ci avait remarqué, qu’il était question, plus précisément de gants, de grandes tailles, dont deux des doigts d’une main avaient été sectionnés.
 
— La "Main Noire" ! s’était écrié, horrifié, le père Anatole, tenancier du bistrot des sports, ancien légionnaire et grand amateur de polar devant l’éternel.
 
Il s’était penché au-dessus du comptoir, pour parer à toute présence invisible qui, à son insu, aurait pu se dissimuler dans son dos. Alors, d’une voix éteinte, de conspirateur, il nous avait confiés.
 
— C’est leur manière de procéder. On prétend que le nombre de doigts coupés est en prédiction du nombre de morts à venir.
— Le diable est dans cette maison. Un jour, il y aura ici un terrible malheur, avait réprimé Madame Dufoix, en se signant précautionneusement.
 
La brave femme ne savait pas si bien dire et, si par la suite les faits lui donnèrent tristement raison, l’immixtion du Malin, tout comme celle de la Mafia d’ailleurs, n’y fut pas pour grand-chose.
 
Mais je dois me garder d’anticiper et, pour la bonne compréhension de ce récit, m’en tenir exclusivement à la rigueur des événements ; me contenter de vous les rapporter, au fur et à mesure qu’ils se sont déroulés. Encore qu’ici, ordonner les faits, n’est peut-être pas le plus difficile à faire ; en revanche, les situer, les sérier, selon leur influence, c’est encore autre chose. Je vais tout de même essayer.
 
Pour cela, il est nécessaire que je revienne sur les Barton, que je vous explique comment le couple est arrivé au pays et, pourquoi il s’y est définitivement fixé. Ça me semble indispensable, sinon comment trouver des explications raisonnables, à des faits qui le sont si peu. Aussi, ne m’en veuillez pas, si tout au long de ce récit, l’histoire de mon témoignage a tendance à se confondre parfois, avec celle de mes sentiments.
 
C’est pourquoi je me dois de préciser que, Pierre Barton, n’était pas un étranger pour moi et, pour être tout à fait sincère, ni même un paroissien comme les autres. Nous avions un passé commun, celui de nos vingt ans, d’étudiants à la Sorbonne.
 
C’était déjà, en ce temps-là, un esprit brillant, spirituel, qui avait table ouverte dans nombre d’estaminets du quartier latin. Généreux, il étalait sans complexe une importante fortune qu’il avait héritée de son père, un riche industriel lainier. Celui-ci avait eu l’idée d’importer des moutons, à des moments funestes de notre histoire, qui ne s’en révélèrent pas moins lucratifs.
 
— Une faute de goût, se plaisait à répéter Pierre qui, pour réparer ce qui lui paraissait être un péché originel, proposait son aide aux plus démunis.
 
L’époque se prêtait à un besoin de révolution, à d’autres valeurs. Cela avait suffi à nous rapprocher. «  Soyons réaliste, demandons l’impossible  », clamions-nous à tous ceux qui voulaient l’entendre. Nous pensions ardemment qu’il serait collectivement possible d’édifier un monde, dans lequel, tous les préjugés, les tabous, pourraient disparaître.
Le temps de la contestation, des utopies libératrices étaient en marche. Un printemps de folies s’était chargé de transcender nos rêves et nos contradictions. Je me rappelle qu’il n’y eut pas d’été cette année-là sur le « Boul’Mich 1  ». Un automne précoce s’activait en coulisse, pressé d’apporter aux marchands du temple, ce qui restait à vendre de nos idéaux.
 
Nous avions essayé, quelques mois encore, de militer ensemble. Mais le ressort était cassé. Ce fut le séminaire pour moi, l’Afrique pour Pierre, lequel, dans l’intervalle, avait achevé ses études de médecin. Néanmoins, comme pour des compagnons d’armes, une amitié s’était scellée, à partir de laquelle, nous sommes toujours restés en contact.
 
Il aimait écrire. Il le faisait régulièrement, me rapportant en détail ses premières expériences médicales. Il m’expliquait les politiques humanitaires, ses doutes, ses premières épidémies. Je ne pouvais lui parler que de ma foi. Ça n’avait rien d’exaltant, je dois en convenir.
 
Un jour, il m’a annoncé qu’il s’était marié. Il souhaitait rentrer en France, si possible dans cette région qu’il avait tant appris à aimer, via nos échanges épistolaires.
 
Nous étions en octobre et, l’été qui s’ensuivit, le vit s’installer chez nous. Il me tardait ardemment de goûter à ces retrouvailles. J’avais dans le cœur un mélange d’impatience et d’excitation. Je me souviens, il faisait un temps splendide ce jour-là. Les haies, bordant la voie principale, étaient joliment en fleurs et les oiseaux s’égosillaient un peu partout. Je crois bien que, depuis le jour de mon ordination, je ne m’étais jamais senti aussi ému. Il me semblait que je retournais avec nostalgie, les pages jaunies d’un livre, ouvert sur une histoire qui, pour ainsi dire, appartenait désormais à un autre.
 
Je l’ai reconnu tout de suite. Il faut avouer qu’il avait peu changé, hormis un peu moins de cheveux sans doute, voire des traits plus saillants peut-être. Il aurait pu débarquer en taxi, ou en voiture, sinon en train. Il avait choisi l’autobus, comme dans un roman de Tennessee Williams.
 
À peine la portière du car, s’est-elle entrouverte, qu’il m’était apparu, les valises à la main. Je le revois encore, hésitant, comme en suspension sur le marchepied du véhicule : un vieux bus qui ronronnait au soleil. Et puis, ses grands yeux gris m’ont débusqué. Ils m’ont détaillé en silence. Ils m’ont regardé avec une émotion mouillée qui dévorait son long visage cuivré. J’ai fait les quelques pas qui me séparaient de lui.
 
— Eh bien ! Descends, lui ai-je crié, embrassons-nous, en voilà des façons.
Le moteur du car couvrait le son de ma voix. Néanmoins, il m’a entendu. Il a poussé un fort soupir qui ressemblait plutôt à un barrissement. J’ai senti que lui aussi se demandait, comment s’y prendre pour vivre ces instants émouvants. Il m’a cligné de l’œil. Il avait conservé cette expression volontaire qu’il affichait, lorsqu’il cassait du CRS sur les barricades.
 
— Heu… merde ! Je ne vais quand même pas te dire mon père ?
 
J’ai éclaté de rire.
— Alors continue de m’appeler Marc, comme dans tes lettres.
 
Ça l’a soulagé. Il est descendu. C’est à ce moment précis que… j’ai découvert Émelie. Que Dieu me pardonne si, devant tant de beauté et d’éclat, ma chasteté a pu être quelque peu ébranlée. Voyez-vous… il n’est pas toujours chose a

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