La mort porte lorgnon
55 pages
Français

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Description

Des affaires glauques, le commissaire MACHARD en aura connu durant sa longue carrière. Or, celle dite du « Pont Louis-Philippe » demeurera à jamais gravée dans sa mémoire.


Deux corps de jeunes femmes démembrés retrouvés dans la scène, l’absence des têtes empêchant une rapide identification ; une troisième disparition inquiétante ; un suspect qu’un faisceau d’indices accuse et puis la présence du grand romancier Raphaël Darbois !...


Raphaël Darbois, ami du commissaire MACHARD auprès duquel il vient souvent chercher inspiration.


Raphaël Darbois, qui a déjà, en compagnie du commissaire MACHARD, résolu plusieurs crimes.


Raphaël Darbois, enfin, qui compte bien élucider sa quatrième enquête, dénoncer le coupable et apporter des preuves contre lui, car il a une longueur d’avance sur son vieux camarade, le commissaire MACHARD.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9791070037348
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES ENQUÊTES
DE
L'INSPECTEUR MACHARD

LA MORT PORTE LORGNON
Récit policier

Maurice LAMBERT
I
UN STUPÉFIANT MARCHÉ
 
L'homme courait presque, tête baissée. Son visage luisait de sueur, malgré les morsures du glacial petit vent de fin d'automne et ses yeux reflétaient un tel désarroi que les passants s'écartaient de lui avec un étonnement craintif. Il y a tant de fous en liberté.
Il accéléra encore son allure, fonça sans le voir sur un flâneur obèse qui dépliait un journal, faillit le renverser, fila sans s'excuser, laissant sa victime bafouiller sa fureur.
— Pouvez pas faire attention, non ? … Voyou !... Goujat… !
L'autre était déjà loin, perdu dans la foule qui s'échappait d'une sortie de métro. Un instant, il souffla. Puis, brusquement, fendant à rebours le flot compact, il se rua dans l'escalier. Le métro ! Comment n'y avait-il pas pensé plus tôt ?
Fébrilement, jetant autour de lui de brefs regards inquiets, il acheta un billet, ne se soucia pas de sa monnaie, franchit un portillon au hasard, juste au moment de l'arrivée d'une rame. La chance le servait, les voitures étaient combles. Il n'aurait qu'à descendre deux ou trois stations plus loin, emprunter une nouvelle direction, changer encore et…
Un cri de dépit lui échappa, couvert par le fracas du convoi. Des larmes de rage lui montèrent aux yeux : il l'avait suivi ! Il était là, derrière lui, à deux mètres, placide, hermétique. On le reconnaissait facilement, avec son lorgnon, branlant, sa moustache en brosse et sa canne sur laquelle il s'appuyait, car il traînait la jambe droite.
Sur sa physionomie vide d'expression, on eût guetté en vain un signe de mauvaise humeur ou de lassitude, ou même de fatigue physique. Pourtant, cela avait commencé à dix heures du matin et il était quatre heures de l'après-midi. L'un remorquant l'autre – bien malgré lui – ils avaient parcouru des kilomètres et des kilomètres en plein dans la cohue des Grands Boulevards, sans manger, sans boire, sans se reposer.
— Bon Dieu, qu'attend-il, mais qu'attend-il ?
Oui, pourquoi cette poursuite hallucinante ? Pourquoi l'homme au lorgnon ne se décidait-il pas à en finir ? Prenait-il un ignoble plaisir à ce jeu du chat et de la souris ?
Ce qui bouleversait le premier personnage, celui à qui échouait le rôle de la souris, ce qui l'affolait au point de l'en rendre malade, ce n'était pas tant la peur, non, il ne s'illusionnait pas sur son sort, c'était l'incompréhensible attitude de l'homme au lorgnon entêté à poursuivre une chasse inutile. On ne traque pas le gibier dans le seul but de le terroriser, on le capture ou on l'abat.
À l'Opéra, gibier et chasseur quittèrent le convoi. À dessein, le premier s'immobilisa pour allumer une cigarette. Il entendait ainsi montrer de façon très nette qu'il abandonnait la lutte. Volontairement, il rata plusieurs allumettes afin d'accorder à son ange gardien le temps d'arriver à sa hauteur sans se hâter. En vain prolongea-t-il la comédie une bonne minute, « l'accrochage » ne se produisit pas.
Son désarroi se transformait en une panique qui lui coupait les jambes. Il fut sur le point de se retourner, d'aborder son suiveur, de le supplier de mettre un terme à l'infernale course. Mais un sursaut de dignité lui rendit quelque courage. Il n'allait quand même pas faire le premier pas !
L'obscurité naissait et à nouveau une faible lueur d'espoir s'alluma dans les prunelles hagardes de l'homme. Peut-être qu'avec la complicité de la nuit et qu'en se faufilant dans les petites rues…
Il marcha, dans la direction du boulevard Haussmann. Bientôt les magasins se videraient et l'animation serait grande dans les parages de la rue de Provence. Avec un peu de chance…
Un sourire détendit ses traits crispés dont une barbe de plusieurs jours accentuait l'équivoque.
— La chance, murmura-t-il, ce serait bien la première fois !
À cette seconde précise, une main se posa sur son bras. Il tressaillit, à la fois soulagé et terrorisé. C'était fini ! Il n'épiloguerait pas davantage sur sa chance ou plutôt sur son manque de chance. Les dés venaient de rouler sur le tapis et il lui fallait reconnaître qu'ils n'étaient pas pipés. La partie avait été correcte. Le joueur malheureux doit payer, c'est la règle, eh bien, il se conformerait à la règle.
Il leva les yeux sur l'homme au lorgnon toujours impassible, tenta d'imposer à son visage la même impassibilité.
Une voix neutre, mate, questionnait :
— Roger Lormois, n'est-ce pas ?
— Ne vous fichez pas de moi, hein ! Vous vous êtes assez payé ma tête depuis ce matin…
L'interlocuteur de Lormois éleva la main en un geste de protestation. Il parut navré.
— Je suis sincèrement désolé…
— Allons donc ! Avouez que cela vous amusait le manège de ce pauvre type essayant de se glisser entre les mailles du filet. La chasse à l'homme procure des émotions plus raffinées que la chasse au lapin !
— Vous vous trompez…
— Alors, pourquoi avez-vous tant attendu pour stopper cette randonnée insensée qu'il vous plaît tout à coup d'interrompre après des heures ? Vous voilà bien avancé, vous qui marchez difficilement, vous devez être éreinté. Et vous avez perdu votre journée…
L'homme au lorgnon se permit un petit rire condescendant.
— Je tenais à ce que vous soyez à point. Autrement dit, je désirais vous voir dans l'état de nervosité dans lequel vous vous trouvez maintenant.
— Je ne comprends pas.
— Vous comprendrez tout à l'heure.
En parlant, l'interlocuteur de Lormois tâtait avec discrétion les poches de son compagnon.
— Soyez rassuré, siffla ce dernier, je ne suis pas armé.
— C'est bien, cela. Vous êtes un bon citoyen, respectueux des lois et ami de l'ordre. Mes compliments, Roger Lormois !
Ce disant, l'homme au lorgnon attrapait son prisonnier par le bras, le poussait dans un taxi. Pendant les dix minutes que dura le trajet, ils n'échangèrent pas une parole. Tacitement, ils s'accordaient un répit pour savourer la mollesse des coussins si doux à leurs membres brisés par près de sept heures de marche.
Quand ils descendirent de voiture, Lormois regarda autour de lui avec stupéfaction. Au lieu de l'austère façade du 36 du Quai des Orfèvres, il aperçut les lumières d'une brasserie. Au lieu du ruban moiré de la Seine, le flot grondant des voitures.
— Mais… où sommes-nous ?
— Le boulevard Sébastopol vous est donc inconnu ?
Lormois espérait une explication. Elle ne vint pas.
— Pourquoi nous arrêtons-nous ici ?
Son compagnon lui ayant saisi le bras à nouveau, sans répondre, ahuri, il se laissa emmener. On longea une rue pour s'engager bientôt dans une ruelle transversale si étroite que les toits des maisons lépreuses semblaient se rejoindre.
À la lueur d'un réverbère, Lormois déchiffra une plaque indicatrice : rue Quincampoix. Sa surprise s'accrut et, avec elle, une pénible sensation de peur. Une peur qui différait de celle qu'il avait éprouvée jusqu'ici. Une...

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