La vieille dame du jeudi
54 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La vieille dame du jeudi , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
54 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

La Pension Sapiens est une maison n’accueillant que des personnes sérieuses et vénérables à l’image de M. Lebrun, procureur à la retraite, M. Lebret, un gâteux de 87 ans, Mlle Delpaize, une vieille bique, Mlle Doniot, bossue, bancale, affublée d’un remarquable strabisme, Julie, la cuisinière, Anna, la femme de chambre et Mlle Angélique, la Directrice de l’établissement. De temps en temps, pas plus d’une fois par semaine, un voyageur se présente, envoyé par les petites annonces d’un quelconque bulletin paroissial. C’est évidemment « un monsieur très comme il faut » : ecclésiastique ou représentant d’articles de piété.


Depuis quelques mois, la morne vie des locataires est égayée, le jeudi, par la présence de Mme Lebel, une honorable sexagénaire venant rendre visite à son petit-fils.


Pourtant, aujourd’hui, Mme Lebel n’est pas source de sourire et de bonne humeur, mais d’inquiétude et d’ennui, elle est morte poignardée durant la nuit.


Personne n’ayant pu pénétrer dans la demeure jusqu’au matin, l’inspecteur MACHARD, chargé de l’enquête, a un choix limité de suspect. Lequel d’entre eux a tué la vieille dame du jeudi ?...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9791070035368
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES ENQUÊTES
DE
L'INSPECTEUR MACHARD

LA VIEILLE DAME DU JEUDI
Récit policier

Maurice LAMBERT
I
LA PENSION SAPIENS
 
Une aube hésitante se levait sur la ville. Une aube de février, glacée et lugubre.
Au loin, on entendait des timbres de vélos, le ferraillement des premiers tramways qui véhiculaient des troupeaux d'hommes mal réveillés vers les quais ou les usines de Sotteville, le crépitement de fusillade des rideaux métalliques remontés sur les devantures des bars.
De minute en minute, un hululement de sirène : des remorqueurs s'attelant aux longs trains de péniches qu'ils allaient haler en direction de Paris ou du Havre.
Et ces bruits si divers, fondus par la brume, montaient vers le ciel noirâtre en une émouvante symphonie sans cesse renforcée de motifs nouveaux.
Bientôt une sonnerie de cloches s'éleva au cœur de la cité. Ce fut comme un signal auquel répondirent toutes les églises de Rouen.
Alors que, sur les quais, le jour commençait à dessiner les lourdes silhouettes des cargos ventrus, l'ombre noyait toujours la rue de la Cathédrale. Les toits irréguliers et débordants des maisons deux fois centenaires semblaient se souder par-dessus l'étroite chaussée pavée pour retenir plus longtemps le mystère de la nuit.
Une fenêtre s'alluma. Puis une autre. Le claquement d'une porte invisible. Une forme menue, indistincte, qu'on eût crue surgie des ténèbres, se coula le long des façades endormies, trottina vers la cathédrale. En quelques instants, une dizaine d'êtres aussi flous, pareillement silencieux, glissèrent derrière le premier fantôme : l'irréelle cohorte des fidèles de la messe de 7 heures.
À la Pension Sapiens, seules, la vieille Julie, la cuisinière, et Anna, la femme de chambre, assistaient à la première messe. Les autres, sauf, bien entendu, le vénérable M. Lebret, trop gâteux pour être arraché à son sommeil matinal, se rendaient à l'office de 8 heures où, selon M lle  Angélique, l'on se retrouvait entre gens du même milieu.
En descendant, Julie frappait à la porte de M lle  Angélique, avertissait : « Il est 7 heures, M'zelle ! » L'unique réveille-matin de la pension s'étant, un jour, soudainement refusé à fonctionner, il avait été décidé, à l'unanimité et sans doute par représailles à l'encontre de l'ustensile récalcitrant, que la cuisinière jouerait son rôle. Quand Julie et Anna revenaient, au bout de vingt minutes, M lle  Angélique, qui comprenait son devoir de directrice un peu à la façon dont un adjudant de carrière comprend le sien, avait réveillé tout le monde et les pensionnaires étaient réunis dans la salle à manger pour le petit déjeuner.
Invariablement, M lle  Angélique engageait la conversation en lançant à la cantonade quelques mots, toujours les mêmes :
— Quel temps fera-t-il, aujourd'hui ?
À quoi, non moins invariablement, M. Lebrun, le procureur en retraite, répliquait, en se levant pour consulter le ciel à travers les dentelles qui voilaient la fenêtre :
— Hum ! Je crains que… à moins que…
S'étant ainsi prononcé avec une relative netteté, il se rasseyait, laissant à ses compagnons le loisir d'entamer les papotages quotidiens.
La journée des hôtes de la Pension Sapiens débutait ainsi dans la salle à manger gluante d'ennui par un échange de propos aussi ternes que le décor. Désespérément mornes, la matinée, l'après-midi, la soirée, s'écouleraient, enveloppées de la même grisaille, dans le salon aux tentures vertes, dont les fenêtres s'ouvraient sur un cimetière en miniature aménagé à l'intention de ses clients par le commerçant voisin, un fabricant d'objets funéraires.
M lle  Angélique assurait volontiers, non sans fierté :
— La Pension Sapiens est le refuge de la vertu.
Ce que personne ne songeait à contester. Mais il convient de préciser qu'une telle réputation n'attirait pas la clientèle. Dans cette atmosphère résolument édifiante, vivaient en tout et pour tout une demi-douzaine de dames et de messieurs d'âge canonique qui haïssaient, d'un même cœur, jeunesse, gaîté et lumière. De temps en temps, pas plus d'une fois par semaine, un voyageur se présentait, envoyé par les petites annonces d'un quelconque bulletin paroissial. C'était évidemment « un monsieur très comme il faut » : ecclésiastique ou représentant d'articles de piété.
Et puis il y avait la vieille dame du jeudi.
 
* * *
 
— Les chambres sont faites, Anna ?
— Oui, mademoiselle, sauf celle de monsieur Lebret.
— Et pourquoi « sauf celle de monsieur Lebret » ? questionna M lle  Angélique, les sourcils froncés. Il est dix heures…
— Il ne veut pas se lever. Je ne peux quand même pas le tirer par les pieds !
— Ah ! il ne veut pas se lever… Eh bien, nous allons voir !
Retroussant sa longue jupe violette d'une main rageuse, M lle  Angélique se rua dans l'escalier. Elle pénétra d'un pas ferme dans la chambre du vieillard, se pencha sur un visage décharné, aux yeux sans expression, à la bouche édentée et baveuse.
— Alors ?
— Alors, bredouilla M. Lebret, en postillonnant sans retenue, j'ai 87 ans et j'entends rester couché…
Il fit entendre un ricanement idiot et ajouta :
— Je m'amuse bien dans mon lit !
M lle ...

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents