Ladainian Abernaker, T4 - Merry Christmas

Lydie Blaizot

Description

La veille du réveillon, Ladainian découvre qu’un phénomène étrange frappe sa rue : toutes les pièces de monnaie ont disparu.

Une bizarrerie qui éveille aussitôt de vieux souvenirs, mais trop tard pour lui permettre d’échapper au démon invoqué par un forcené avide de pouvoir.

L’homme, persuadé que le vampire possède l’âme la plus vieille du monde, veut la sacrifier lors d’un rituel insensé.

Son plan va vite se heurter à des écueils auxquels il ne s’attendait pas du tout...

Sujets

• Roman policier
• Mystère
• Fiction
• Vampire
• Littérature

Informations

• Publié par: Editions du Petit Caveau
• Date de parution: 23 mars 2014
• Nombre de lectures: 6
• EAN13: 9782919550845
• Langue: Français

Extrait

Ladainian Abernaker - Merry Christmas

Lydie Blaizot

Éditions du Petit Caveau - Collection Sang%Numérique

Avertissement

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This old world couldn't fail

If that feeling would prevail

Every day in the year

Life would be so swell

In every heart would dwell

The Christmas Spell

Peggy Lee

The Christmas Spell

Merry Christmas

Chicago, 23 décembre 2008

De rares flocons virevoltaient sous la lumière blafarde des lampadaires de Howe Street. Durant toute la journée, la neige était tombée en abondance sur la ville, poussée par un glacial vent d'est. À présent, l'un comme l'autre semblait avoir épuisé leurs forces, laissant place à un calme aussi soudain que dérangeant. La rue, ouatée d'un épais manteau que les employés municipaux n'attaqueraient qu'au petit matin, ne voyait passer que de rares personnes. Ainsi, seuls quelques téméraires se risquaient au-dehors pour braver les éléments. Parmi eux, des carolers1 emmitouflés sous plusieurs couches de vêtements parcouraient la rue, s'arrêtant à chaque maison ou commerce afin d'y entonner leurs célèbres chants de Noël. Ils évitèrent toutefois avec un soin particulier le Willie's, un bar dont le patron les avit pourchassé l'année précédente, en chaussons et armé d'un pic à glace hautement dissuasif. Un souvenir encore vivace qui les invitait à la prudence. Pourtant, malgré leurs efforts louables pour animer Howe Street, l'atmosphère demeurait pesante, presque menaçante, et certains commerçants collaient leurs visages aux vitrines, le regard rivé vers le ciel comme s'ils guettaient l'imminence d'une tempête.

Sur le trottoir surchargé de neige, Kim progressait laborieusement, une boîte serrée contre sa poitrine. L'imposante couche immaculée l'obligeait à lever bien haut ses courtes jambes et elle pesta à plusieurs reprises contre sa petite taille avant de parvenir enfin à destination, le souffle court. Elle contempla un moment la façade sombre du Willie's et son néon bleuté puis, prenant une profonde inspiration, elle poussa la porte d'un geste décidé.

Assis à sa place favorite dans la salle principale, Ladainian sirotait une bière en vérifiant les comptes du Willie's ; Ezequiel perché sur le rebord d'un cendrier en forme de W.C. Le corbeau donnait de temps à autre de petits coups de bec sur son support de porcelaine, histoire d'obtenir des cacahuètes que son maître lui jetait d'un geste distrait. Il les attrapait au vol et les décortiquait avec application, jetant les détritus dans le cendrier mis à sa disposition. Le patron cessa son manège lorsque Catherine, la serveuse, s'approcha de lui, un chandail entre les mains. Tricoté en pure laine vierge, il arborait des dessins au style plus qu'approximatif allant du sapin au traîneau du Père Noël, le tout sur un fond vert particulièrement criard. Elle sourit en exhibant l'objet d'un air triomphal.

— Voilà, boss. Remis à neuf, comme au premier jour !

— Merci, ma grande.

Le vampire s'empara du chandail et l'enfila sans cérémonie par-dessus sa chemise. Il réajusta ensuite sa cravate et se replongea dans ses colonnes de chiffres. La serveuse contempla un instant le mélange des genres, plutôt odieux, entre la tenue de bluesman et le pull à l'anglaise ; mais elle se retint de rire. Elle travaillait ici depuis bientôt trente ans et, chaque année à cette période, le cérémonial restait le même. Comment ce chandail tenait-il le coup ? Mystère. Peut-être possédait-il le don d'immortalité, lui aussi. Cathy se contenta donc d'une moue amusée et récupéra la chope vide de son employeur qu'elle emporta au bar pour une nouvelle tournée.

La porte du Willie's s'ouvrit et un courant d'air froid pénétra dans la pièce. Ladainian redressa la tête, curieux de voir qui venait chez lui avant l'ouverture. L'intérêt fit place à l'agacement dès qu'il aperçut une gamine d'une douzaine d'années. Le visage empreint de détermination, elle marcha droit vers sa table. Habillée d'un étrange costume verdâtre complété par un bonnet marron en fourrure, elle tenait fermement une boîte en métal dont le couvercle, orné d'une fente, invitait sans conteste au don. Elle se planta à distance raisonnable de son aîné et releva fièrement le menton avant de parler.

— Bonsoir, monsieur, déclara-t-elle d'une voix assurée.

Abernaker la détailla du regard en se frottant le menton. Malgré son déguisement, il reconnaissait la gamine pour l'avoir déjà vue la veille alors qu'elle faisait la quête dans le quartier. Il eut une petite moue devant l'excentricité de son costume.

— Salut, l'asticot. Pourquoi t'es attifée en chou-fleur ?

— Je suis un elfe.

— Jamais vu un elfe sapé comme ça.

Catherine revint à cet instant et déposa une bière sur la table tout en adressant un sourire aimable à l'enfant.

— Tu veux boire quelque chose, ma puce ? demanda-t-elle d'une voix douce.

— Non merci, madame, c'est gentil. Je viens parler affaire, répliqua Kim sans hésitation.

La serveuse leva les sourcils devant le sérieux de la gamine et adressa un coup d'œil entendu à son patron, avant de s'éclipser sans bruit. Ladainian but une gorgée de sa pinte et observa la boîte en métal que tenait toujours fermement sa visiteuse. Une feuille de papier scotchée dessus avec soin annonçait en grosses lettres rouges : problues. Un jeu de mot entre probie et blues, censé porter haut et fort les couleurs d'un festival de blues organisé par des gosses du quartier. La seule idée de quête pour laquelle Ladainian ait jamais donné un cent depuis son installation à Chicago.

— J'ai déjà casqué, y me semble, releva-t-il.

— Je sais.

Et sur cette réponse sans ambiguïté, elle lui tendit...