Le drame du Val de Cère
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Le drame du Val de Cère , livre ebook

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Description

Le Grand Hôtel du Val-de-Cère, en ce début de mois de juillet n’abrite que quelques voyageurs.


Durant la nuit, un cri effroyable retentit.


Les clients, réveillés, sortent sur le palier, excepté Reine de Surtillac.


Celle-ci ne répond pas aux appels. Tous les accès à sa chambre sont verrouillés de l’intérieur.


Une fois la porte défoncée, une vision d’horreur s’offre à la vue de tous : Reine de Surtillac gît sur sa descente de lit dans sa robe ensanglantée. Un coup de poignard dans le dos lui a perforé le cœur.


Le commissaire Jules TROUFFLARD, chargé de l’enquête, va investir les lieux pour humer l’atmosphère et trouver qui, parmi ces témoins, est l’assassin...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9791070033463
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CHAPITRE I
L'HÔTEL DU VAL-DE-CÈRE

Sonnée à toute volée, la cloche du dîner me fit tressaillir.
Je sortis de ma contemplation désespérée. Il bruinait. Le froid mordait mon visage et resserrait peureusement mes épaules.
Seul, prisonnier de l'étroite vallée, l'hôtel était écrasé par la masse sombre des sapins qui l'encerclaient.
Tout était tristesse, abandon, solitude et j'enrageais d'avoir quitté le pays de chaleur et de lumière, pour échouer là, au cœur d'une Auvergne agressive et désolée.
Une nuit et un jour de wagon avaient épuisé mon énergie, meurtri mes reins, moulu mes membres. Ma tête était encore emplie, comme un hall de gare, des sifflets et des halètements des locomotives. Les noms des dernières stations : Murat, Laveyssière, Val-de-Cère, vingt fois relus sur l'indicateur, étaient encore rythmés dans mon crâne par le balancement du train ; et la bruine qui tombait, silencieusement, inexorablement, m'enveloppait, comme la montagne, d'un voile glacé.
Cependant, je préférais la nature hostile, la brise coupante, la banale pauvreté d'une chambre où rien ne semblait fait pour abriter une vie.
En m'ébrouant, je gagnai l'entrée de la maison. J'avais à peine franchi son seuil que je me trouvai ragaillardi.
Que voulez-vous ! j'adore les hommes ; chacun d'eux, quand je le rencontre, me paraît plus attirant et mystérieux qu'une terre inconnue. Quels seraient mes compagnons de vacances ? Mes compagnes ? D'avance, j'avais bâti des romans, dont je serai le héros.
Des romans ! La tourmente passée, je souris de ma naïveté. Le drame m'attendait, embusqué dans les sapins ; il flottait dans l'air froid, où roulait, sinistre, le cortège des nuages.
Mais, combien accueillante, d'abord, m'apparut la salle à manger claire et gaie, son papier fleuri, ses nappes éclatantes, les fleurs sauvages piquées dans le col des longs vases en forme de flûtes, le garçon en veste blanche. Accroché au mur, un oiseau de proie empaillé, dont nul ne devait réussir à préciser la race, avait un air débonnaire, malgré son bec recourbé et ses serres.
Pour se sentir heureux, nul besoin de plaisirs recherchés. Une soupe épaisse et bien chaude aux odeurs paysannes est, à certaines heures, plus enivrante qu'une liqueur. Ma faim s'éveilla et je me sentis renaître.
Je regardai autour de moi, pour prendre possession des êtres et des choses. Pas très exaltant, le tour d'horizon. Fort laides, d'ordinaire, sont les peuplades qui s'emparent, l'été venu, des palaces d'altitude, à cent francs par jour, vin compris.
En ce début d'un juillet rébarbatif, peu nombreux étaient les hôtes du Grand Hôtel du Val-de-Cère. Vides, demeuraient la plupart des tables. Se sentant un peu perdus dans la vaste pièce, s'ignorant encore, mes compagnons s'entretenaient à voix très basse, comme au confessionnal. Ils s'appliquaient à se nourrir correctement. Les dames levaient le petit doigt sur leur cuillère.
Tout de suite, faisons les présentations. Avant que ne se joue la tragédie, il est nécessaire d'en donner la distribution. En vérité, je ne devais connaître que plus tard le nom et la qualité des personnages. Qu'importe ! si la scène des portraits vous paraît aussi fastidieuse que celle d'Hernani. Aux traits essentiels, je vais m'efforcer de borner les croquis.
Un rire fuse qui détonne et fait courir sur l'assistance un frisson de scandale. Arlette Précy, le nez insolent, s'amuse de cet émoi. Elle rit plus fort et je rougis. Jolie fille, après tout, malgré le fard aux joues, les cheveux plaqués, les sourcils effacés, les ongles écarlates. Elle cambre, sous un chandail, où hurlent le vert épinard et le jaune canari, des formes jeunes et pleines ; les yeux pétillent de malice et d'irrespect. Jeune fille sage et qui est honteuse de l'être ? Étudiante audacieuse ? Petite fille écervelée ? Je ne sais pas... on ne sait plus.
Je ne vois que de dos l'amie qui lui fait vis-à-vis et qui s'efface, menue, dans un châle marron. Elle tourne un peu la tête et livre un visage neutre, des lunettes. Pas intéressante Line Dandifflard.
Mes yeux ne s'attardent pas non plus sur un monsieur chauve, dodu et rose, qui mastique son potage. De gros yeux glauques à fleur de tête, des doigts courts et boudinés et, dépassant de dessous la table, des pieds énormes. Vous n'êtes pas né en France, professeur Van Klaouesten, et vous me faites un peu peur.
Un couple étrange et attendrissant : Don Quichotte a épousé Dulcinée. Il est maigre, long, efflanqué, dépeigné, dépenaillé. Elle est fine, coquette, cambrée ; une bague de platine orne son annulaire. Beaucoup trop jolie pour lui, tel est mon avis. M. Dubois, préparateur à la Faculté de Lille, a épousé la fille du Colonel.
Garçon, et la moutarde ! Une voix sonore et alliacée emplit soudain la salle. Le silence fait mal à M. Bezezou, cordial, rougeaud, trapu et un tantinet vulgaire, quoique banquier à Agen. À son côté, son fils, un gaillard à l'air pas très malin : vingt ans, quatre-vingt-huit kilos. Son père l'appelle « Bébé » ; la mère doit faire une cure à Châtel-Guyon.
Ne soyez pas impatients : bientôt nous aurons fait le tour de l'honorable société.
Enfin ! un homme ! mince et droit dans sa soutane, le père d'Ilcange domine l'assistance qu'il ne voit pas. Ses yeux gris bleu regardent très loin et semblent avoir pris la teinte des océans. Les poils blancs apaisent l'incendie de la barbe rousse qui encadre un visage fin et classique au nez busqué, aux lèvres fines, à la maigreur presque transparente.
Les autres ne sont plus des personnages muets. Les autres ? Deux dames d'âge mûr assises à la table voisine de la mienne. Je n'écoute pas, mais j'entends, et je contemple en face de moi un scintillant étalage de bijouterie disposé sur un mannequin ; elle s'agite sur un torse masculin recouvert de satin noir. Sur tout, brinquebalent des colliers, des pendeloques ; les mains desséchées disparaissent sous des bagues, la voix est perçante et nasillarde. Elle dit :
Ma pauvre Fanton, tu n'y comprendras jamais rien. Les haricots verts sont contraires à mon régime.
Vous devriez tout de même essayer d'en manger un peu.
Rien, je te l'ai dit, et ça suffit.
La pauvre Fanton replonge le nez dans son assiette et se tait. Quel dommage ! Sa voix grave, grasse, sortie de la gorge, comme un roucoulement de tourterelle, était une musique. Il est des voix de nostalgie et de volupté. La quarantaine passée, habillée sobrement, sinon sans élégance, Mademoiselle Fanton dégage un parfum d'amour. Ses prunelles brillent d'une étrange flamme. Mais, la crécelle a repris :
Fanton, de plus en plus, je suis sûre que tu me veux du mal.
Mademoiselle sait bien...
Suffit, je peux te faire taire et pour toujours.
Je vous en supplie, Mademoiselle...
Imbécile !... Garçon, ces nouilles sont immondes. Dans cette ignoble gargote, je suis condamnée à mourir de faim.
Pas commode la châsse vivante. Moi je trouvais la chère délicieuse. Je repris deux fois du fromage du Cantal que, d'ordinaire, je ne peux souffrir.
Le dessert liquidé, la salle retomba dans la torpeur ; une gêne indéfinissable planait ; on aurait entendu les anges voler. Personne ne donnait le signal du départ, quoique chacun en eût envie. Se lever devant tout le monde, traverser la pièce, semblaient des actes indécents.
Enfin, d'un geste sec et rude, M. Van Klaouesten plia sa serviette, comme s'il eût tiré sur des cordages, et se dressa. D'un pas pesant, il gagna la sortie. Dans un brouhaha, tout le monde l'imita, enviant en secret son audace.
Dehors, le froid s'était encore épaissi, mais la pluie avait cessé ; des étoiles grelottaient dans un ciel d'encre. Avec des mines de jeune chat qui craint de mouiller son museau, les clients de l'hôtel humèrent l'air une seconde. Frissonnants, ils battirent en retraite et leurs pas firent résonner l'escalier de bois.
On se couche, ici, de très bonne heure, me glissa sur un ton d'excuse, M. Poudevigne, le patron qui surveillait la manœuvre de l'entrée de son bureau.
Je sortis, cependant. Me coucher à huit heures m'aurait paru la suprême disgrâce. L'étroite terrasse, qui précédait le bâtiment, était plongée dans la nuit. Dans l'ombre, luciole immobile, phare minuscule, une flamme s'allumait, s'éteignait.
Vous êtes seul, Monsieur ? Les premiers instants, ici, sont toujours décevants. Mon pays est de ceux qui ne se livrent pas au premier abord

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