Le lecteur mécontent
51 pages
Français

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Description

On vient d’assassiner le célèbre romancier Alcide Bourgeois. Le crime est signé : « Le lecteur mécontent ».


Le commissaire Fantin est chargé de l’enquête et, comme toujours, A. B. C. Mine, le quinquagénaire rentier rondouillard est dans ses pattes.


Le lendemain, un second écrivain est étranglé de la même façon, avec une cordelette de soie. Un message identique est découvert sur le corps.


Qui est le lecteur mécontent ? Qu’elles sont ses motivations ? Le policier et le détective demeurent dans le flou.


Soudain, A. B. C. Mine, se souvenant d’un reportage sur la chasse aux tigres vu au cinéma, propose de piéger le tueur. Encore faut-il trouver l’auteur qui jouera la chèvre...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9791070036686
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

A. B. C. MINE

LE LECTEUR MÉCONTENT
Récit policier

Maurice LAMBERT
PROLOGUE

Il y avait un bon quart d'heure que mon ami A. B. C. Mine fumait sa pipe sans mot dire. Je connais assez A. B. C. pour savoir que le silence l'assoiffe, aussi, quand il me lança un trivial « dites donc… », lui répondis-je, sans lever le nez :
Vous trouverez la bouteille à la place habituelle, dans le panier à papiers, sous mon bureau.
Ma parole, il faillit mal prendre la chose ! Il grommela quelques commentaires bien sentis à l'adresse des gens qui… que… Puis, sans transition :
A-t-on jamais tenté de vous assassiner ?
Je bondis.
Qu'est-ce qui vous prend ? En voilà une question !
Le bonhomme ne se démonta jamais. Il poursuivit, sans prêter attention à mon mécontentement :
Vous passez vos journées et une partie de vos nuits à inventer des crimes pour distraire vos lecteurs, fort bien, mais ne craignez-vous pas qu'un beau jour l'un de ceux-ci veuille expérimenter sur votre personne les méthodes inédites de tuer son semblable que vous enseignez dans vos bouquins ? … Vous haussez les épaules ?... Je déraille, sans doute ?... Écoutez plutôt.
Et A. B. C. me narra l'histoire du lecteur mécontent.
I
L'ÉTRANGE FIN D'UN ROMANCIER CÉLÈBRE
 
Tac… tac… tac… chantonnait la machine à écrire sur le clavier de laquelle les doigts de M. Alcide Bourgeois couraient avec vélocité.
La composition de l' Empreinte Rouge, un nouveau roman policier qui enthousiasmerait sans nul doute les nombreux lecteurs de la collection « Gaboriau » se poursuivait à une telle cadence que, depuis trois heures qu'il tapait, tête baissée, un peu à la façon d'un coureur se lançant à l'assaut d'une côte, M. Alcide Bourgeois ne s'était même pas accordé un instant de répit pour rallumer sa pipe.
Combien avait-il commis d'assassinats – sur le papier, s'entend ! – ce bon M. Bourgeois ? Combien avait-il arrêté de sinistres malfaiteurs ? Combien avait-il imaginé de situations ténébreuses, incroyablement compliquées, sanglantes à souhait ? Car sa production dépassait en quantité celle du plus fécond spécialiste du genre.
L'amusant est que cet industriel en histoires terrifiantes, qui promenait ses héros dans une atmosphère hallucinante, était le plus falot, le plus terre à terre des hommes. La vue du sang lui soulevait le cœur et il ne sortait jamais, la nuit tombée, sans accrocher à son bras une solide canne plombée. Certaines mauvaises langues allaient jusqu'à prétendre qu'il ne relisait jamais ses romans, tant il redoutait d'être effrayé par les aventures des personnages qu'il avait créés.
Oui, un rien épouvantait cet homme qui utilisait des cadavres comme matière première et dont revolvers, poignards, fioles de poison et autres babioles du même ordre constituaient les matériaux préférés.
Ce soir-là, M. Alcide Bourgeois aurait dû trembler. Trembler ? Non : bondir, hurler, s'enfuir ! Ou tout bonnement défaillir.
M. Alcide Bourgeois ne tremblait pas, car il ignorait la présence, derrière les longs rideaux qui masquaient la fenêtre, d'un individu dont les intentions ne prêtaient guère à équivoque. Ce fâcheux, en effet, serrait dans sa main gantée, une main fine et nerveuse, un lacet de soie noire identique à ceux que le romancier avait si souvent décrits et que les Thugs, ces favoris des auteurs de récits d'aventures, ont légué aux assassins astucieux et résolus à apporter un soupçon d'originalité dans l'exécution de leur travail.
Quels peuvent être les projets d'un monsieur qui en épie un autre, la nuit, isolé avec cet autre dans un pavillon de banlieue, une pareille arme à la main ? De sombres projets, n'aurait pas manqué de répondre le brillant détective de l' Empreinte Rouge, s'il lui avait été possible d'exprimer son avis en ce langage style « cape et épée » qu'il affectionnait.
Si M. Alcide Bourgeois avait apporté moins d'attention à sa besogne, il eût sans doute pressenti le danger et tenté d'y faire face ou, plus certainement, de décamper. Pourtant, il était dit que le courageux écrivain – courageux, quant à son ardeur à l'ouvrage – ne taperait pas, cette nuit-là, ni les autres, d'ailleurs, ce mot qu'il chérissait entre tous : Fin. Un autre se chargerait de ce soin, mettant du même coup un terme brutal à une existence très occupée peut-être, mais aussi peu mouvementée que celle d'un poisson rouge dans un aquarium.
Tac… tac… tac… La chanson des caractères violait le silence du bureau avec une allégresse presque insolente.
Et les lignes succédaient aux lignes, les interrogatoires aux poursuites, les bagarres aux longs conciliabules mystérieux.
Et l'homme écartait le rideau, s'avançait pas à pas, calme, souple, irréel comme une apparition.
Il s'immobilisa une seconde : M. Bourgeois, à la recherche d'une idée, marquait un temps d'arrêt, une main suspendue au-dessus de son clavier. L'idée vint et le crépitement reprit.
Alors l'homme bougea de quelques centimètres, de façon à se planter juste derrière l'écrivain.
À ce moment, le malheureux ignorait encore le sort qui lui était réservé… lut-il en se penchant sur l'épaule de M. Bourgeois.
Un rire muet détendit ses traits. La chose était drôle et c'eût été faire preuve d'un absolu manque d'humour que de ne pas profiter de cette coïncidence ménagée par un destin complice.
Un geste brusque. Le romancier poussa un « ah » curieux, qui exprimait plutôt la surprise que la peur ou la souffrance. Il y eut un bruit de vertèbres brisées, suivi d'un choc : la tête de M. Bourgeois retombait sur le clavier de sa fidèle machine. Quelques touches, sous cette macabre pression, frappèrent le cylindre et imprimèrent des lettres au hasard.
« C. S. Z. Q. L. A… »
Ce fut en somme l'adieu à la vie de M. Bourgeois.
À nouveau, l'assassin rit doucement.
— Parions qu'il ne racontera jamais ce crime-là !
Il contempla un court instant le tableau grand-guignolesque qui s'offrait à lui, puis il entreprit de débarrasser le cou de sa victime du cordon de soie qu'il roula sans hâte avant de le fourrer dans sa poche.
Ceci fait, toujours aussi serein, il prit sur la table une feuille blanche sur laquelle il traça au crayon trois mots construits en majuscules :
 
UN LECTEUR MÉCONTENT
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