Le mystère de la « Cabretto »
88 pages
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Le mystère de la « Cabretto » , livre ebook

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Description

« La Cabretto », c’est la Cour des Miracles.


Le propriétaire, Sylvain Sylva, pour fêter ses cinquante ans, a réuni sur son domaine, outre la Duchesse Reine, sa maîtresse, une exploratrice et sa danseuse de compagne, un peintre, un retraité, un ancien acrobate difforme à la suite d’une chute d’un trapèze, un agent immobilier martyrisé par son épouse et un adonis simplet vêtu d’un pagne qui aime sauter du haut des rochers dans la mer et se battre avec les chiens de garde.


Quelques domestiques sont là pour servir Sylvain Sylva et ses invités.


Mais le lendemain, un nouveau convive débarque, le commissaire Jules TROUFFLARD, qui va se faire un plaisir à interroger tous les hôtes, car, le matin, Sylvain Sylva a été découvert sur son lit, un couteau planté dans le cœur !


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 13
EAN13 9791070033388
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PREMIÈRE PARTIE


CHAPITRE PREMIER
« AU RENDEZ-VOUS DES ESTIVANTS »

Sous le soleil de juin, déjà brutal, le paysage imitait les cartes postales, violemment enluminées qui font rêver les amoureux des tristes faubourgs. Le ciel était bleu et la mer, assoupie, le répétait. Des pins au feuillage vert sombre semblaient avoir été posés sur les rochers rouges par un décorateur de théâtre. Sous les rayons, les paillettes d'or du sable étincelaient. Il ne manquait même pas au rendez-vous le vieux pêcheur accroupi sur la grève qui ravaude des filets teintés de garance et dont le chandail brun pose une tache, une valeur, comme disent les peintres, au milieu de trop éclatantes couleurs.
Le père Titin poursuivait sans hâte un travail monotone. Il faisait chaud ; le litre apporté le matin était vide.
Je ne vais pas crever à la tâche, se dit Titin en se dressant dans un effort qui le fit gémir.
Le « pescadou » ralluma le culot de son brûle-gueule et se dirigea, d'un pas traînant, vers une baraque qui, un peu en retrait de la plage, dressait avec impudeur sa carcasse de planches surmontée d'une enseigne : « Au rendez-vous des Estivants, casse-croûte, épicerie, comestibles, vins, bière et limonades, Joséphine Casteu, propriétaire ». Il toqua à la porte vitrée et attendit. Un bruit de savates frottant le plancher précéda le grincement de la clef dans la serrure.
Entrez, Monsieur Jordan ; j'ouvre parce que j'ai deviné que c'était vous.
Joséphine Casteu avait décidé de tenir close sa boutique pendant la morte-saison qui s'étendait sur neuf mois de l'année. Le dimanche et les jours de fêtes carillonnées, elle consentait à céder quelques bouteilles de liquide, des biscuits secs sur lesquels les dents se brisaient et des bonbons gluants aux familles toulonnaises qui venaient chercher à Fabregas de tranquilles plaisirs. En semaine, être accueilli par elle était un privilège réservé aux rares indigènes qu'elle recevait en pantoufles et en camisole comme des amis.
Ce sera, si vous le voulez bien, Madame Casteu, un petit coup de vin blanc et puis vous me remplirez mon litre. J'ai le gosier sec comme de l'amadou et je suis escagassé ! Pour travailler par cette chaleur, il faut avoir offensé la Bonne Mère et tous les saints du Paradis !
Titin eut un soupir à fendre l'âme auquel M me Casteu fit écho. Pour les naturels de la côte provençale, toute agitation, fut-elle rémunérée, est une souffrance.
Quand je pense, dit l'épicière, que, dans deux semaines à peine, il me faudra servir, dès le petit matin, les gens des villas, ça me donne des cauchemars. Ils ont déjà commencé le nettoyage à « Mon Sourire ».
Que diriez-vous, Madame Casteu, si vous teniez un commerce dans les grandes stations comme Tamaris, Les Sablettes ou Marvive ?
Ne parlez pas de malheur, Monsieur Titin !
Les étrangers de « La Cabretto » ne se servent pas chez vous ?
À cette question, posée sur un ton ingénu, M me Casteu regimba comme si une injure l'avait cinglée. D'un geste noble, elle redressa les appâts qui croulaient dans son corsage et ses yeux de jais lancèrent des éclairs.
Même s'ils m'offraient tous les trésors de l'Eldorado, je refuserais d'entrer en contact avec ces individus, s'écria-t-elle. Ils font d'ailleurs leurs achats au Pont du Las, à La Seyne ou même à Toulon. J'aime mieux ça, parce que ça m'évite de leur faire un affront.
Des coups frappés à la vitre interrompirent cette diatribe. Avec la majesté d'une matrone romaine, M me Casteu traversa la pièce. Après avoir jeté un coup d'œil au-dehors, elle se retourna :
C'est M. Marius Boufigue, leur domestique. Quoique je n'admette pas qu'on puisse se mettre au service d'une pareille engeance, je ne l'ai pas frappé d'ostracisme. M. Boufigue n'est pas un étranger.
M me Casteu employait volontiers le style noble des héroïnes de la littérature populaire, qu'elle goûtait fort.
Tout en effleurant de deux doigts sa casquette aubergine, Marius Boufigue entra. C'était un beau gaillard dont le masque d'imperator s'empâtait déjà quoique l'homme n'eût dépassé que de peu la trentaine. Sur une chemise de toile d'avion au col ouvert, il portait un tricot amarante. Son pantalon de toile de lin était écarlate ; des souliers de paille tressée aux semelles épaisses complétaient une tenue qui, aux alentours du Vieux-Port, aurait été considérée comme un modèle de discrète élégance.
Ce sera pour moi un Raphaël-citron, dit le nouveau venu d'une voix grasse dont il modulait les inflexions. Vous voudrez bien prendre quelque chose, madame, et vous aussi, monsieur. Je déteste boire seul.
Ce n'est jamais de refus, répondit Titin en s'essuyant la bouche d'un revers de main. Un autre vin blanc, M me Casteu.
La tenancière se servit un Chambéry-fraise et l'on causa.
Vous devez en voir de belles, Monsieur Boufigue ! fit M me Casteu. D'abord, des particuliers qui font élever un mur, haut de deux mètres, autour de leur jardin ne peuvent avoir que des occupations louches et indécentes. Emma Truc, la cuisinière, m'a confié...
Mystérieux, Marius Boufigue posa un doigt sur ses lèvres :
Il ne faut pas croire tout ce que disent les femmes, M me Casteu, sauf votre respect. Mais j'avoue que mon patron et ses invités sont des types originaux.
Des piqués, pour autant dire.
N'exagérons rien. Ils ne sont pas fous à lier, je vous assure. Mais je fais des études de mœurs, comme ils disent. C'est parfois assez réjouissant.
Marius eut un rire équivoque.
Le pêcheur proclama :
Moi, je préférerais être inscrit à l'Assistance que de servir chez les autres.
J'ai dit ça naguère, reprit Marius d'un ton bonhomme. Savez-vous que, moi aussi, j'ai commencé par pêcher la bouillabaisse au pied des rochers ? Je me levais même la nuit, ce qui est peu hygiénique pour la santé. Et puis, les Parisiens se sont abattus sur le pays comme des cigales. Oui, je suis né natif de Saint-Tropez, de l'autre côté du golfe. Vous avez dû en entendre parler. Les bars où l'on buvait le pastis à la fraîche se sont transformés en dancings, en auberges provençales. Il n'y avait même pas à se baisser pour ramasser les billets. Déguisé en tambourinaire, je me suis fait des quatre cents francs de pourboire par jour en servant des cocktails. Puis une dame m'a distingué et m'a pris comme « factoton ». Ça a été la bonne vie. La dame est repartie pour son pays. Elle voulait m'emmener, mais j'ai refusé. J'ai fait d'autres places du même genre. Et me voici maintenant chez Sylvain Sylva et chez la duchesse Reine, comme ils appellent son amie. Le service n'est pas bien fatigant et il y a des observations à faire pour un « espsychologue », comme disait celle de mes patronnes qui écrivait des livres.
Tout en écoutant le récit, M me Casteu était allée surveiller dans l'arrière-boutique une ratatouille niçoise qui mijotait sur le feu.
Ce n'est pas pour vous mettre à la porte, messieurs, dit-elle, mais l'heure de midi est passée et le moment est venu de songer au déjeuner.
Je vous quitte, M me Casteu ; ça m'a fait bien plaisir de bavarder un moment avec vous. Je vous souhaite un bon appétit.
Et à vous de même, Monsieur Boufigue.
Ah ! moi, vous savez... L'heure des repas n'est pas bien régulière à la « La Cabretto ». Des fois, M. Sylvain hurle parce que le déjeuner n'est pas prêt à onze heures et qu'il doit se mettre en route ; d'autres fois, à trois heures de l'après-midi, ils ne sont pas encore levés. Heureusement qu'il y a toujours un morceau à grappiller à la cuisine.
Effleurant de deux doigts la casquette aubergine vissée sur son crâne, le domestique prit congé. Debout sur le pas de la porte, Titin et l'épicière le virent s'éloigner sur ses sandales, hautes comme les cothurnes des tragédies grecques.
Au bout du cap minuscule qui fermait l'un des côtés de la baie, un mur à la blancheur éclatante barrait l'entrée de « La Cabretto » que Marius atteignit. Des aboiements furieux éclatèrent.
Ils ont deux chiens, féroces comme des fauves, murmura M me Casteu.
Oui, je préférerais être inscrit à l'Assistance que de vivre chez ces particuliers, répéta Titin en hochant la tête.
Il n'avait pas faim. Le vin blanc lui brûlait l'estomac et lui faisait un peu tourner la tête. Par acquit de conscience, il mordit d

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