Le pouce fendu
60 pages
Français

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Description

Robert, un jeune homme fortuné vivant chez son oncle le juge Milton depuis qu’il est orphelin, est amoureux de la belle Alice.


Cependant, Alice n’est pas du même monde et son père, surnommé « Martin la Chicane », est un alcoolique invétéré un peu trop prompt à jouer des poings...


Aussi Alice repousse-t-elle sans cesse les avances de Robert.


Mais la situation se complique quand « Martin la Chicane » est arrêté par le juge Milton pour l’agression d’un riche paysan venant de toucher une forte somme.


Celui-ci nie formellement l’attaque et avoue uniquement avoir trouvé quelques billets par terre en allant à la pêche.


Robert doit alors se faire une raison : dans de telles conditions, le mariage qu’il espérait ne pourra se concrétiser. Son oncle refusera cette union, car la honte et le déshonneur planant sur le paternel de sa promise rejailliraient sur lui...


À moins... à moins qu’il innocente son futur beau-père en identifiant le véritable criminel...

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9791070034026
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE POUCE FENDU
Récit policier

par Georges GRISON
*1*
SUR LES BORDS DE LA MAYENNE

— Mademoiselle Alice !
— Qui m'appelle ?
— C'est moi, Robert Milton.
— Où donc êtes-vous ?
— Ici, en bas sur la berge. Venez donc voir, je viens de pêcher un poisson superbe, un brochet. Il pèse au moins quatre livres.
Celui qui parlait ainsi était un grand et beau garçon, très brun, portant seulement une petite moustache qui accentuait sa physionomie énergique. Il était posté sur le bord de la Mayenne, en bas du quai qui conduit de Laval à Avesnières.
La jeune fille, qui portait le nom d'Alice descendit. C'était au contraire une petite blonde, mince frêle, mignonne. Elle était mise très simplement en ouvrière, et avait la tête nue.
— Où allez-vous donc ainsi à cette heure matinale ? demanda le jeune homme, car il est à peine sept heures. Il est vrai qu'au mois de juin où nous sommes, le jour se lève de bonne heure, mais il faut être, comme moi, pêcheur endurci, pour l'imiter.
— Je ne vais pas, je reviens, répondit Alice. Je suis allée porter une robe à M me Bonnard, la femme du notaire qui est en ce moment à sa propriété, une robe qu'elle avait achetée toute faite, rue de la Paix et qui ne lui allait pas du tout.
— Et que vous avez rectifiée avec vos doigts de fée, ajouta Robert, car vous travaillez comme une fée véritable ; tout le monde est d'accord pour en convenir.
— Je fais de mon mieux mon métier de couturière, dit Alice en souriant.
— Et pendant que vous étiez à Avesnières, avez-vous fait vos dévotions ? interrogea Robert avec un petit rire narquois.
Pour l'intelligence de ce récit, il faut dire qu'Avesnières, commune réunie à Laval depuis 1863, possède une église fort belle et fort renommée. Elle a été fondée en 1040, par Guy II de Laval qui, étant tombé à la Mayenne, fit vœu de bâtir un monastère à l'endroit où il aborderait. Elle a été maintes fois restaurée et agrandie depuis et est chaque année le but d'un pèlerinage qui attire une foule énorme.
— Pourquoi donc pas ? répliqua la jeune fille redevenue sérieuse. N'ai-je pas besoin de prier ?
— Pour vous si sage, si vertueuse ?
— Pour moi et surtout pour mon père... Mais, voyons, dit-elle en changeant de conversation. Et ce brochet ?
— Le brochet de quatre livres ?
— Oui. Où est-il ?
— Dans la Mayenne, et il doit être loin, s'il nage toujours, depuis le moment où je l'ai manqué, s'écria Robert en riant aux éclats.
— Vous m'avez donc menti ? Fi, que c'est vilain ? alors pourquoi m'avez-vous fait descendre ici ?
— Pour vous dire que je vous aime.
— La belle nouvelle ! Vous me répétez cela chaque fois que vous me rencontrez.
— Et je vous le répéterai encore jusqu'au jour où nous serons mariés... Et encore après tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes...
— Ce sera bien fatigant... Heureusement, cela ne durera pas longtemps ; car vous vous marierez un de ces jours, mais pas avec moi.
— Pourquoi donc ? Vous ne voudriez pas de moi pour mari ?
— Est-ce que M. Robert Milton, neveu du juge d'instruction de Laval, riche et apparenté aux plus grandes familles, pourrait épouser la fille de Martin ?...
— Achevez : de Martin Chicane, comme on appelle votre père dans le pays, à cause de sa manie de chercher des querelles à tout le monde quand il a bu... Mais, ma petite Alice, pourquoi pas ? Je suis âgé de vingt-cinq ans, majeur par conséquent. Je n'ai plus ni père ni mère, je jouis de ma fortune en maître absolu... Qui donc m'empêcherait de réaliser mon désir ?
— Et votre oncle, que dirait-il ?
— Mon oncle ? Il n'a aucun pouvoir sur moi.
— Il faudrait vous brouiller avec lui.
— Je me brouillerais.
— Rompre avec toute la société de Laval.
— C'est ça qui m'est bien égal, par exemple... D'abord, quand nous serons mariés...
— Ce n'est pas encore fait, interrompit Alice.
— Cela se fera si vous le voulez, et il faudra ! bien que vous le vouliez. Donc, quand nous serons mariés, nous quitterons Laval. Nous irons habiter Paris, loin de tout bavardage... et nous y serons libres de nous aimer à notre guise.
— Et mon père ?
— J'ai songé à lui. Il restera ici où il a ses habitudes. Je lui assurerai un logement et une pension dans un restaurant. Comme cela, il ne manquera de rien. Pour le superflu, il continuera à travailler, de temps en temps, comme il fait maintenant et il emploiera à sa guise l'argent qu'il gagnera.
Alice secoua la tête. Elle n'était pas convaincue.
C'est qu'elle connaissait son père, François Martin, dit Martin Chicane. Ouvrier ébéniste habile, il était très recherché par les bourgeois du pays quand ils avaient quelque meuble à faire faire ou à réparer, il travaillait consciencieusement tant que la besogne entreprise n'était pas terminée. Mais, aussitôt qu'il en avait touché le prix, il partait pour le cabaret et ne le quittait que quand il n'avait plus un sou. Si elle ne se fût pas occupée de lui, il aurait traîné les rues en guenilles et pieds nus. C'était elle qui raccommodait son linge et ses vêtements et qui, lorsqu'ils étaient trop usés, lui en achetait d'autres, sur son gain d'ouvrière.
Que deviendrait-il lorsqu'elle ne serait plus là ?
D'ailleurs elle n'ajoutait pas une foi absolue aux protestations d'amour de Robert Milton. Elle ne pouvait croire qu'il voulût réellement l'épouser... Elle se défiait et bien qu'il lui plût énormément, qu'elle le préférât à tous les jeunes gens de Laval, elle n'osait trop se livrer au sentiment qui, peu à peu, envahissait son cœur.
— Tout cela c'est très joli, disait-elle, mais je perds mon temps avec vous et j'ai à la maison du travail qui presse. Il faut que je m'en aille.
— Encore une minute ? supplia Robert. Et, puisque nous parlons de votre père, que devient-il ?
— Hélas ! je puis vous le dire à vous, rien de bon... Hier, il est parti, disant qu'il allait placer ses verveux dans la rivière, du côté de Changé. Il est rentré complètement ivre et il dormait quand je suis partie.
— Cela lui jouera un mauvais tour, dit Robert sérieusement. Une de ces nuits, il tombera à l'eau et se noiera.
— J'en ai bien peur, mais que voulez-vous que j'y fasse ? Je ne suis pas maîtresse de le retenir. À jeun il me fait les plus belles promesses du monde. Mais, dès qu'il a bu, il les oublie...
— Enfin, nous verrons. En attendant, n'oubliez pas, petite Alice, que je vous demande en mariage et que la cérémonie aura lieu aussitôt que vous le voudrez.
— Enjôleur, va ! s'écria la jeune fille en riant. Allons, je m'en vais.
— Pas avant de m'avoir laissé vous embrasser, dit Robert en lui prenant la main.
— Non, non, pas de ça, Lisette ! J'ai déjà perdu trop de temps avec vous.
D'un geste brusque, elle se dégagea, grimpa lestement le talus et atteignit le quai.
— Au revoir, monsieur Robert, cria-t-elle.
— Au revoir, Alice... Vous savez ce que je vous ai dit. Quand vous voudrez.
— Eh bien, on verra ça plus tard.
Et la jeune fille s'enfuit en riant.
*2*
LE CRIME DU CHEMIN DE CHANGÉ
 
Robert Milton plia ses lignes, mit dans un filet le poisson qu'il avait pris — quelques ablettes et un minuscule barbillon — et se mit en devoir de rentrer chez son oncle.
En arrivant, il trouva toute la maison en émoi. Il demanda ce qui s'était passé à sa tante.
— On vient de nous apporter la nouvelle, répondit-elle, qu'un crime a été commis sur le chemin de Changé. On a trouvé au bord de la rivière, à quelque distance du restaurant Picot, un homme qui avait la tête fracassée. Ton oncle est obligé de s'y rendre sans retard pour rejoindre les gendarmes qui sont déjà partis. Je ne sais à quelle heure nous allons pouvoir déjeuner.
— Ma foi, dit Robert, s'il en est ainsi, j'ai bien envie d'aller y faire un tour, moi aussi. Un crime à Laval, ce n'est pas chose commune. Cela m'intéressera.
— Peux-tu parler ainsi ? Aller, par curiosité, voir un malheureux assassiné ?
— Eh ! ma chère tante, mon oncle y va bien.
— Parce que c'est son devoir, tandis que toi...
— Et moi c'est une fantaisie, n'est-ce pas ? Laisse-moi la satisfaire. De longtemps je n'aurai peut-être pareille occasion. Je serai heureux, d'ailleurs, de voir opérer mon oncle. Il sera superbe, j'en suis sûr.
— Peux-tu plaisanter avec des choses pareilles. Enfin, fais à ton idée, je n'ai pas le droit de t'en empêcher.
— Oh ! je ne ferai qu'aller et venir

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