Les pas perdus
204 pages
Français

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Les pas perdus , livre ebook

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Description

«Les pas perdus» est un roman psychologique et autobiographique. L’action se déroule en Europe, dans les années 1960-1970, durant la guerre froide, des deux côtés du mur de Berlin.
Une enfance et une adolescence qui subissent les réactions égarées des grands.
Au fil des années, au creux du tumulte, l’écriture et la peinture deviennent indispensables pour la survie d’Ana.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 août 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334191623
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-19160-9

© Edilivre, 2016
Dédicace


À mon fils Lucas
Prologue
Dimanche, fin août 2011.
Insomnie.
Journée interminable.
Solitaire.
Ayant zappé la toilette du matin avec peine, j’effectue par bribes la cueillette d’un chandail chiné, d’une écharpe, d’un jean trop porté. Qu’importe. En premier. Converses. Kleenex. Doudoune. Poches remplies d’échantillons de parfum. Mon nez coule dans le froid estival.
En pleine capitale.
Bouger.
Presser le pas.
Longue marche jusqu’à l’arrêt de métro.
Underground.
Je grimpe dans le tube en mode automate.
Territoire abondant. Grouillant. Aggloméré.
Monde indifférant. Absent. Ou trop présent.
Accoutumance dans les plis. Les replis.
En mode habitude.
Portée par des images.
La douleur s’agrippe.
Dans mon cœur, sur mon cœur.
Dans mon ventre, sur mon ventre.
Dans ma gorge, sur ma gorge.
Tout mon être.
Anxiété chronique.
Havre-Caumartin. Escale.
J’emprunte les couloirs glauques. Correspondance.
À peine debout.
Miromesnil.
Je quitte le wagon aigrit.
La prise des escalators devient une conquête.
Ne me laisse pas portée.
Grimper. Marche par marche.
Enfin.
Au bout du tunnel physique.
Pas le tunnel abyssal.
Mal.
Rues sourdes à mes pas.
Arrivée. Accès codé. Combinaison ? Putain ! Me rappeler.
À grand effort. Passoire… ? Eureka.
Cour intérieure.
Hortensias, lierre, parterre fleuri. Couleur rose ternie.
Autre entrée vitrée. Fermée.
Je sonne.
Père énonce fortement.
– Oui ?
J’articule mollement.
– Moi.
Il ouvre.
Ascenseur jusqu’à son palier.
La porte entrouverte baille.
Toc, toc. Par courtoisie.
– Buna tata .
– Buna Ana .
Bises dans le vent. Évitées.
Par lui. Par moi.
Ensemble creux.
Silence dans nos trous.
Silence dans nos âmes.
Je pose les fruits sur son bureau rangé, ses listes méticuleusement classées, ses annales.
– J’ai apporté des pêches blanches, des prunes mauves…
Courte réponse. Aucune intonation.
– Merci. Combien je te dois ?
– Rien.
– Comment rien ?
Par devoir, Père paie le cadeau. Je n’apprécie pas. Je finis par comprendre.
Il veut m’aider. Père m’aide à chaque fois qu’il peut.
Gratitude.
J’avance vers la chaise située près du canapé.
Par bonne éducation, j’attends.
Père marche péniblement. Le dos recroquevillé. Son 1m80 s’est transformé. 1m65 avec le temps.
Assis. Sérieux, grave, il garde sa tête entre les mains. Yeux fermés.
– Te doare ? (Tu as mal ?)
– Non.
Silence.
– As-tu bien dormi ?
– Pas vraiment, j’ai eu la diarrhée toute la nuit… mais c’est bien, je me suis vidé.
Il passe en revue ses médecins. Analyses. Médicaments. Douleurs.
Puis l’histoire de France avec un grand H. Celle d’une certaine époque.
– Je sais Père , stiu tata, stiu, cunosc Istoria, tu l’as déjà racontée.
Je la connais.
Surtout, je m’en fous de la grande histoire.
Je pense à la mienne. Et à cette angoisse à la gare du Nord qui ne me quitte pas. Depuis le 11 août 1978.
Envie de crever. M’évaporer. Mal du pays. Mal du temps passé sous mon nez. De tout ce que j’ai raté dans ma vie.
Aujourd’hui, à cet instant, Mika occupe mes pensées.
Depuis des semaines j’attends une réaction.
Assaillie par les présomptions qui le visualisent émigré aux States. Doté d’un cerveau neuf. Passé rasé.
Je peux aussi supposer qu’il est resté au bercail. Cerveau métamorphosé. Passé neutralisé.
Je peux imaginer.
Il répondra avec son cœur inchangé. Caché. Ou il jettera mon email. Spam détecté. Alarme. Rouge. Cœur ravagé.
Crainte de sa réaction. Immense.
Les années dégoulinent.
Ce mois d’août, je fais un deal avec la Vie : « Si tu affirmes exister en pleine conscience, tu fais en sorte de nous harmoniser. Ne plus jamais ébranler les ponts. Nous toucher. Nous attacher. Partout. Nous embrasser jusqu’au fond des viscères. Collés. Ne plus nous quitter. Indélébiles. Affronter.
Faire fi. »
Humains. Distances. Espaces.
Physique terrestre. Physique nucléaire.
Astrophysique. Physique quantique.
Explosions. Implosions.
Complexités des pyramides.
Pyramides des complexités.
L’orage a massacré.
Réinventer.
Créer.
Sauver !
Je suis toujours en Vie.
Elle a peut-être un sens, mon existence.
Son sens.
Arthur Schopenhaueur, tu dois revoir tes philosophies. Sie müssen ! Reprends tes esprits. Bitteschön , ne te dérobe pas. Épargne ton âme ! Wenn nicht , le jugement sera dur. Tu existeras dix mille réincarnations. Futures. Prouver le contraire de tes affirmations sera un lourd labeur. Supporterais-tu d’écrire, en guise de pénitence, le contraire de ton pessimisme sur la beauté de la vie, de l’homme, de la femme ? Durant l’éternité ne faire que ça, pénitence ?
Laisse ta conscience irradier comme un rayon d’amour qui innonde en douceur le diable le plus noir.
Déclare à ce Néant, avec ton sens : Ich liebe Dich !
Père comprend.
C’est surprenant.
Père a connu Mika.
Jadis…
Assis dans son fauteuil.
Vieux.
Assise sur sa chaise.
Moite.
Ahurissant. Couple d’âmes ahuries.
Père. Fille.
Silence.
Klaxons.
Sifflet du policier au coin de la rue.
La croix verte de la pharmacie reste allumée. Clignote à l’angle. Pareille à un phare. Lequel ?
Je regarde les passants comme autrefois. Paumée.
Des gouttes de pluie se brisent contre la vitre. Ou l’inverse, la vitre les brise.
Je sens le passé composé.
Raté.
Je n’entends plus Line, la dernière épouse de mon père, comme l’an dernier. Trinquant à l’eau de Badoit lors d’une de nos rares entrevues. Tous les dix ans.
« Joyeux anniversaire, si on peut dire. Ça te fait combien ? Cinquante ? Si tu étais moins lâche, tu disparaîtrais. Tu t’effacerais. Tu te suiciderais ! Tu n’as même pas ce courage. Au moins… y as-tu songé ? Pour toi ! Pour nous !! Un tel soulagement !!!… »
Son discours est enflammé.
Père ne dit rien. Muette, je reste sage.
« Finis ton éclair ! Depuis tant d’années, tu ne les aimes toujours pas au café ? »
Père ne dit rien.
En trois secondes mon corps les quitte. Eux deux. Sans explication.
Blessée. Écœurée.
Éviter le conflit. Déambuler dans les immenses boulevards.
Mes larmes n’ont pas d’âge. Elles se succèdent. Les unes après les autres. M’engloutissent. Dans le nulle part.
Bousculée par la foule à une intersection, j’agrippe mon âme pour garder l’équilibre. Sur mes deux pieds.
Personne ne me connaît. Personne ne me voit. Je suis sans être.
Au cimetière du Père Lachaise, depuis fin juillet, allongée, Line se tait.
Reposat In Pacem .
Père dit ne plus regarder grand-chose à la télé. Même pas certains polars qu’il suivait autrefois. Ah ! si… Les documentaires de la BBC. Pas tous !
Aussi, suivre les informations. La politique. Donner son opinion. Catégorique. Puis il doit clore un article qui sera publié dans un ouvrage scientifique.
Aux racines de mes tripes. À Bucarest.
Depuis la mort de sa troisième femme il y a quelques semaines, même s’il savait qu’elle allait mourir, Père a l’ego en deuil compact.
Il lui appartenait. Mains et pieds liés.
Péniblement, il enfile une veste.
– Te ajut ? (Puis-je ?)
– Non, merci.
Cherche un instant sa pochette qui contient les timbres anciens, ainsi que leur liste soigneusement rédigée.
Il a très mal au dos.
– Ai luat medicamentele ?
– Oui, oui, je me suis drogué. C’est bon, on peut y aller.
J’attrape les poubelles et les trois lettres posées à l’entrée.
Père claque la porte derrière lui.
Tout s’enchaîne. Dans l’ennui.
Ascenseur miteux. Rez-de-cour.
Déchets jetés dans les containers jaune et vert.
Me regarde traverser la rue, gagner la boîte à lettres qui accueille son courrier trié.
Paris, Province, U.E.
Blanc. Livide. Courbé. Fatigué par les dernières années. Assis sur son trépied, Père attend.
Se lève et on avance en direction du premier banc. À soixante mètres.
Loin pour son dos. Loin pour ses jambes.
On y va. Ensemble. Mais séparément.
Mon cœur est lourd d’absences insoutenables.
Ludo. Mika. Anita, Georgia. L’air de Bucarest.
Autour du kiosque, les marronniers perdent feuille après feuille. Elles se détachent. Grâce inachevée. Brulée.
Mon père salue le marchand de timbres. Enlève son chapeau feutré, ancien comme une relique.
– Bonjour, on peut se voir ?
Il me présente d’un geste furtif.
– À propos, c’est ma fille !
Le rosier est en fleurs. Les arbres sont en deuil.
Le théâtre Marigny, inanimé, suffisant à lui-même, contemple les passants.
L’homme, ému par ce vieillard, m’accueille aimablement.
La collection de timbres l’intéresse à moitié. Les temps sont durs.
– Je le connais depuis tant d’années. Prenez soin de lui. Prenez bien soin de lui ! Je l’aime !
Ma gorge est serrée.
Moi aussi je connais. Père.
À ma façon.
Unique.
Il y a tant de chemins pour connaître quelqu’un.
18 novembre 2012. Ciel gris. Dimanche solitaire.
Tout se ressemble.
Je sens le temps qui passe.
Prisonnière d’une vie qui ne me correspond pas.
Dimanche pareil aux autres. Déjà vécu.
Nœuds.
Pourquoi suis-je incapable d’oublier le passé ?
Pourquoi ai-je cette douleur continue d’exil ? De fil coupé ?
Pourquoi vivre tout ça ? Pourquoi ce destin ? Pourquoi moi ?
Autre matin. Réveil. Alprazolam. À quatre pattes. D’angoisse.
J’essaye d’endurer. Penser aux couleurs. Aux toiles, en général.
Tétanisée, je fume.
La cigarette pue. Le cendrier pue. Tout pue.
Café soluble. Amertume sirotée.
La vie dans sa continuité.
La thérapie garde en vie. Freudienne. Jungienne. Lacanienne.
Tout au féminin.
Dieu est remplacé par les analyses. « Il » devient « Elles ».
Ensemble, ils sont beaucoup.
Un Tout.
Emprisonnée par le Grand Départ, je porte en moi l’enfermement.
Les émotions. La mémoire.
11 août 1978. Le sort tombe en quelques phrases. Basculement.
Depuis.
Échec et mat.
J

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