London Requiem
91 pages
Français

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Description




Londres vendredi 9 novembre 1888.



Jack l’éventreur.



Ce nom occupe tous les esprits. Une cinquième victime vient d’être retrouvée. Scotland Yard est incapable de retrouver l’agresseur. Son identité même est un mystère. Le Police Gazette commente l’enquête tant bien que mal, en un feuilleton haletant.



En lisant son journal, le passé de l’inspecteur Hubbard lui revient en plein visage comme une averse glacée, violente et paralysante. Le vieil homme se moque bien de l’égorgeur de Whitechapel. Le tueur qui obsède ses pensées ne fait désormais plus les gros titres, depuis 19 ans ! Mais 19 ans, c’est peu.



Une vie même ne peut suffire à oublier John WYCLIFFE Le Majordome aux gants rouges.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 6
EAN13 9782374536934
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Présentation
Londres vendredi 9 novembre 1888.
Jack l’éventreur.
Ce nom occupe tous les esprits. Une cinquième victime vient d’être retrouvée. Scotland Yard est incapable de retrouver l’agresseur. Son identité même est un mystère. Le Police Gazette commente l’enquête tant bien que mal, en un feuilleton haletant.
En lisant son journal, le passé de l’inspecteur Hubbard lui revient en plein visage comme une averse glacée, violente et paralysante. Le vieil homme se moque bien de l’égorgeur de Whitechapel. Le tueur qui obsède ses pensées ne fait désormais plus les gros titres, depuis 19 ans ! Mais 19 ans, c’est peu.
Une vie même ne peut suffire à oublier John WYCLIFFE Le Majordome aux gants rouges .


*

Luc Tallieu est metteur en scène, auteur de chansons et de pièces de théâtre, écrivain. Il organise des cours de théâtre et d'improvisation à Toulouse.
Son site Web : Luc Tallieu auteur
LONDON REQUIEM
Luc Tallieu
38 rue du polar
Prologue
Londres, mercredi 5 août 1868

Vous trouverez le corps de Mlle Johnson sous les églantines. Je m’en excuse par avance, il doit être en sale état, il est là depuis quinze ans. S’il en reste quelque chose, ça ne doit pas être beau à voir, j’étais plutôt maladroit et inexpérimenté à l’époque. J’ai eu un mal de chien à découper sa cage thoracique, mal outillé, mal informé et puis surtout, elle était grosse cette vache, je n’ai pu la retourner qu’après lui avoir ôté les bras et les jambes. Comment on peut autant se laisser aller ? J’attends des femmes et des hommes qui croisent mon chemin, de la distinction, de la droiture ou d’avoir au minimum, au milieu du fatras de leurs cerveaux répugnants, l’once de pudeur morale qui justifierait que je les épargne.
Elisabeth était belle, raffinée, délicate, parfaite. J’étais fou d’amour pour elle. Elle n’en a jamais rien su. Mais elle n’aurait pas voulu de moi de toute manière. Une fille de Lord ne remarque pas un majordome et un majordome ne courtise pas la fille d’un Lord, c’est inscrit dans son sang.
J’ai tué Elisabeth par amour, et sa grosse amie par un malencontreux concours de circonstances… J’ai recherché ensuite des parcelles de l’éclat d’Elisabeth dans toutes les autres femmes que j’ai croisées : Mary la douce danseuse, Emma, Victoria, Margaret, puis l’impudique Rebecca, tant d’autres, et finalement Jane, votre fille Monsieur. Vous vous demandez pourquoi je vous raconte tout ça ? Et pourquoi aujourd’hui ? Vous le méritez, il y a quinze ans que vous êtes à mes trousses. Et puis le monde doit savoir, maintenant que c’est fini, à quel point j’étais brillant. Mon ordre moral doit être un modèle pour les générations futures. Mon œuvre n’est pas terminée.

John pose la lettre bien en évidence sur le bureau de l’inspecteur Hubbard, regarde une dernière fois la toile d’araignée qu’il a tendue dans la pièce. Il ajuste sa livrée en la tirant par les côtés et affiche en point final sur son visage l’air satisfait de celui qui sait qu’il a bien fait son travail.
Le majordome termine son thé et repose la tasse, méticuleusement, sans bruit. Le rituel est toujours le même : l’angle de l’anse ne doit jamais excéder 45 degrés par rapport à l’axe de la table. John recherche une respiration apaisante alors qu’il entend une voix familière :
— John ? Pourquoi parlez-vous de moi ? Êtes-vous prêt ? Ne nous éternisons pas voulez-vous ? Il faut partir maintenant, l’inspecteur ne va pas tarder à rentrer. La route est encore longue. Vous ne voulez pas me décevoir John, n’est-ce pas ?
— Non Elisabeth, je ne vous décevrai pas. Mais le monde doit savoir.
— Il saura, soyez-en sûr. Allez vous changer maintenant je vous prie. Et partons.
1
Londres, vendredi 31 août 1888

Tout fait plier le brin d’herbe qui naît ; le vent ou la goutte de rosée.
L’extrémité de la tige est enroulée sur une tête qui va se détendre bientôt. Nuque en avant, elle force. Les rafales de cette fin de matinée donnent l’impression qu’elle se débat et s’agite pour s’extirper de la terre sombre et rocailleuse dans laquelle elle est née. C’est déjà une chance de pointer vers le ciel de Londres ! pense-t-elle fébrilement. L’eau y semble abondante . Toute à son effort, la petite pousse ne se préoccupe pas du jeune homme penché sur elle. Elle a bien assez de soucis comme cela. Elle ne peut compter que sur elle-même ; personne ne l’attend, personne ne l’aidera.
La pousse vacillante que William a choisie est seule, hors des limites, loin de ses semblables, courageuse, comme lui. C’est pour cela qu’il l’a choisie. Le jeune homme est accroupi pour mieux voir ; et du pommeau de sa canne il tapote la plante et cherche à jauger sa motivation à pousser. S’il n’avait pas une moustache fine et un haut-de-forme en cuir râpé qui lui glisse sur l’oreille gauche, on imaginerait un enfant découvrir le cycle de la vie pour la première fois.
William observe le brin d’herbe, et le grand-père son petit-fils. Pourtant la question qu’ils se posent est la même : que va-t-il devenir ? Quel genre d’adulte deviendra-t-il ? Une fleur ou une ronce ? Une plante médicinale ou un poison ? Trop tôt pour le savoir. La réponse est complexe, nous avons tous en nous conjointement de quoi guérir ou tuer ; avec l’envie de passer de l’un à l’autre, souvent. John-William a oscillé lui aussi entre ces deux choix durant toute sa vie. John-William Hubbard est inspecteur de police. Mais l’est-on encore à 65 ans, quand on profite de sa retraite ? L’est-on encore quand on a échoué à résoudre la seule enquête qui vous tenait à cœur ?
John-William est soucieux. À quelques rues de là, sa fille Jane met au monde la petite sœur de William, Éléonore. Si c’est un garçon, il faudra trouver un prénom dans l’urgence. Ce sera une fille, forcément, personne n’envisage une autre possibilité.
Le grand-père s’approche.
— William, tu vas bien ? Je te regarde depuis un moment, tu n’as pas lâché du regard cette plante ? Qu’est-ce qu’elle a de particulier ? On dirait que tu t’inquiètes pour ta mère ; je me trompe ?
— Je la trouve courageuse de pousser seule dans un milieu si hostile.
William marque un temps puis poursuit :
— Non, pour maman, je ne me fais pas de soucis, elle est bien entourée.
— Tu es heureux d’avoir une petite sœur ? Tu ne seras plus seul.
William rit de bon cœur.
— Ou un petit frère, ou un petit frère grand-père, vous m’amusez. À choisir, je préférerais que ce soit un garçon, mais bon, on ne peut pas choisir. Quoi qu’il en soit, nous ne jouerons pas tellement à la poupée ou aux soldats de plomb ensemble, j’ai 19 ans grand-père, j’ai d’autres jeux, vous savez…
Son rire puissant fait dévaler dans un claquement de bec nerveux, le canard qui avait osé s’approcher pour écouter la conversation.
John-William sourit également ; son petit-fils a vieilli. Tout le monde dans la famille s’est tellement soucié de ce qu’il allait advenir de lui en grandissant, que personne n’a vraiment remarqué qu’il était déjà devenu un grand et fringant jeune homme.
Comme cela se fait dans les hautes – et moyennes – sphères respectables londoniennes, c’est dans la maison familiale que Jane va accoucher de son deuxième enfant. L’hôpital est pour les pauvresses, les seules-au-monde .

Depuis les événements douloureux qu’il serait malvenu d’aborder un jour de naissance, Jane et son fils William se sont installés au domicile de l’inspecteur Hubbard au 1 New Norfolk Street, dans le quartier de Mayfair. Ils ont été rejoints ensuite par Henry Moore, un jeune collègue de travail de Scotland Yard après son mariage avec Jane.
Le 1 New Norfolk Street est une grande maison, plus haute que large, un hôtel particulier de briques rouges et de pierres blanches sculptées. Jane et sa famille occupent les beaux étages. Le personnel est au dernier. Il profite ainsi de la chaleur que dégage le conduit de cheminée qui traverse la pièce par son milieu, comme un pilier de soutien, qui ne soutient rien évidemment. Cette colonne centrale leur rappelle ainsi, sans un mot, que leurs vies de domestiques se doivent de tourner irrémédiablement autour de celles de leurs maîtres. Le rez-de-chaussée est pour l’inspecteur. Il se dit que bientôt, il aura du mal à monter les escaliers ; l’inspecteur anticipe toujours les événements, défaut professionnel. Et puis il sait que l’intimité d’un couple est importante, alors il préfère garder une distance raisonnable ; vingt marches, c’est suffisant d’après lui. Personne n’est dupe, chacun sait que le grand-père aime tout autant avoir son indépendance. Il chérit la solitude et le calme. La famille se retrouve à l’étage pour les repas, sinon chacun reste « chez soi » ; c’est très bien comme cela, pour tout le monde.
William est le plus souvent dans ce qu’il appelle son nid d’aigle , une espèce de petit salon qu’il s’est aménagé sous les toits. Quand on regarde l’antre de William de la rue, on remarque une petite fenêtre carrée dans un cercle de briques qu’encadre un triangle de pierres travaillées. Représentation maçonnée de l’antique œil de la providence divin qui surveille l’humanité. De ce point stratégique, William observe discrètement la rue, tout en entendant vivre le personnel de maison qui s’agite au son des clochettes qui sonnent à l’étage en dessous.
Jane n’aime pas tellement qu’il passe autant de temps si près des domestiques, mais William se moque de ce genre de convenances, un homme est un homme . William a 19 ans. C’est quelqu’un de solitaire qui parle peu, lit beaucoup, de tout. Des bluettes insignifiantes qu’il abhorre et des ouvrages policiers cruels et morbides. Il est lui-même assez versatile dans son caractère. On le reconnaît naturellement taciturne ; William s’en arrange et profite de ce trait de caractère pour masquer les questions profondes qui l’agitent souvent. Il vit emmuré dans un silence grave, que l’on prend pour les rêveries de l’adolescent que l’on voit encore dans ce jeune homme distingué et sans problèmes apparents.
Quand il sort la tête de ses livres, il regarde par la petite fenêtre

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