Mort deux fois
70 pages
Français

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Description

Le Destin est souvent un meilleur scénariste qu’un auteur de « polars » !


C’est ce que pourrait penser Fabienne Pressy, écrivain à succès, en se retrouvant plongée dans une sombre affaire mêlant son amant, son mari, sa secrétaire, un gangster venu d’Amérique, un « consortium du crime », des policiers, des journalistes...


Mais le Destin, contrairement aux romanciers, s’avère généralement moins charitable avec les principaux protagonistes de l’histoire qu’il orchestre...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9782385010584
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MORT DEUX FOIS
Roman policier

par J.A. FLANIGHAM
CHAPITRE PREMIER
 
Maria regarda intensément la nuque de François, et d'une voix très douce :
— Relève-toi ! ordonna-t-elle.
Il continuait à entasser, pêle-mêle, dans la valise, le linge de corps qu'il prenait dans le deuxième tiroir de la commode. Il renifla.
— Tu ne veux pas me regarder ?
— Non ! grogna-t-il.
Elle vint lentement vers lui, se pencha, appuya fortement ses mains sur les épaules du jeune homme.
— Je mérite autre chose que cette fuite. Si lâche... Que ce départ ridicule, sur des menaces, des insultes...
Il la regarda, maladroit, pâle, et, comme souvent, une mèche blonde vint jouer au milieu de son front. Il eut ce geste qu'elle chérissait, pour la rejeter en arrière. Ses yeux pâles étaient comme deux flaques claires dans son visage hâlé.
— Ne crois pas que je m'accroche, dit-elle encore.
Il entrouvrit la main. Un tricot de corps en nylon alla rejoindre, dans la valise, des slips, des mouchoirs.
— Nous avons été heureux, non ? dit-elle doucement.
— Oui, dit-il d'une voix sourde.
Il y avait toujours cette incompréhensible gêne dans son regard trop bleu.
Il haussa les épaules :
— Tu es si chic, Maria... Je ne te méritais pas.
— J'étais heureuse de ce que tu m'accordais, dit-elle avec un arrière-fond d'étonnement dans la voix.
Il fit « oui », distraitement, de la tête. Elle vit au tremblement de ses doigts qu'il avait hâte de partir.
— Tu es certain que tu seras heureux dans cette nouvelle vie que tu t'es choisie ?
— Oui ! dit-il.
Son sourire se fit à la fois âpre et rêveur.
— Tu l'aimes ?
— Qui ?
— Celle pour qui tu me quittes ?
— Oui !
Puis, très vite :
— Pardonne-moi ! ajouta-t-il.
Elle lâcha ses épaules, se releva lentement, se jeta un regard dans la glace qui surplombait la cheminée, fière de savoir que son désarroi n'était pas tellement visible. Une sacrée force de savoir se dominer à ce point !
Elle alla rejoindre le fauteuil dans lequel, tout à l'heure, elle avait écouté Francis lui annoncer son départ, et rêveuse, elle le regarda refermer la valise. Il se jeta un coup d'œil dans la glace, eut un sourire plein d'hésitation, puis osa fixer Maria.
— Eh bien voilà... dit-il.
— Voilà ! soupira-t-elle.
Elle se surprit à sourire. Il n'y avait pas tellement de place en elle pour le chagrin. Seulement un immense étonnement, une sorte de meurtrissure. Elle avait tellement souffert par Francis au cours de ces dix-huit mois de liaison...
— Je voudrais te dire tant de choses... dit-il en avançant vers elle.
Elle se leva. Elle continuait de sourire, sans tellement se forcer.
— Nous avons été heureux ensemble, dit-il encore... Du moins, moi...
— Nous aurons peut-être l'occasion de nous revoir ? dit Maria.
— Je pars en province, Maria... Je vais me faire une vie digne et propre, une vraie vie d'homme...
Il s'assit machinalement sur l'accoudoir du fauteuil, et Maria, tout naturellement, vint s'y rasseoir. Visage levé vers lui, cachant son intense curiosité sous un regard apparemment neutre, elle essayait de lire tous les remous intérieurs de Francis dans l'expression de son sourire, dans la force qui fusait de ses yeux subitement foncés.
— Je peux bien te le dire, bien que j'aie juré de garder le secret... J'ai revu Nora... Elle n'avait pas cessé de m'aimer, tu sais... Et nous allons partir ensemble… Nous aurons une vie noble et vraie... J'en avais tellement assez d'être un raté... C'est peut-être bien à toi que je dois ce sursaut de volonté, Maria... Tu es une fille si bien... Parfois, je me faisais honte de vivre dans ton ombre... Tu comprends ce que je veux dire ?
— Non ! fit Maria.
Elle ajouta, très vite :
— Mais ça n'a aucune importance...
Elle regarda encore Francis, c'était son dernier regard, elle le savait. Intensément, elle le fixa, puis, d'une voix dure :
— Va-t'en ! dit-elle.
Il quitta le fauteuil, se pencha, prit la valise. Elle suivait sa marche lente vers l'entrée, dans la glace d'en face. Il ne se retourna pas. Elle ne fit pas un geste, n'appela pas, restant là, parfaitement immobile, étonnée, pour écouter les pas de Francis décroître lentement dans l'escalier.
 
* * *
 
Maria referma doucement la porte sur elle, et Fabienne se détourna brusquement pour la regarder. Elle posa sur le bureau une feuille dactylographiée, fixa intensément Maria :
— Tu as entièrement refait mon chapitre 4, hein ? dit-elle.
Maria fit « oui » de la tête, ôta son chapeau, le posa sur le canapé, et Fabienne, dans un sourire frémissant observait la minutie de ses gestes. Elle remarqua sa pâleur, son sourire figé, mais, comme d'habitude, uniquement préoccupée par le problème du moment, omit de faire la moindre constatation à ce sujet.
— Je baisse, n'est-ce pas ? dit-elle en reprenant la feuille.
— Uniquement fatiguée, sans doute !
Comme tout cela lui importait peu ! Comme elle était loin des complexes et soucis de la célèbre Fabienne Pressy, romancière dont la dernière œuvre avait allègrement franchi le cinq centième mille.
— J'ai beau n'avoir pas tellement de mémoire, reprit Fabienne d'un ton obstiné, je sais que je ne t'ai pas dicté certaines phrases dans ce ton ni dans cette forme...
Elle eut un rire âpre :
— Devrais-je signer « La proie de l'ombre » de nos deux noms associés ?
Maria s'assit devant le bureau, ôta posément la housse de la machine à écrire, et son regard totalement dénué d'expression se posa sur le visage de Fabienne, s'attardant aux pommettes hautes qui soulignaient la forme oblique d'un très beau regard d'un vert soutenu. Les lèvres minces et spirituelles n'étaient cependant pas dénuées de sensualité. Maria pensa, sans y attacher autrement d'importance, que Fabienne devait autant son succès à sa formidable imagination qu'à son étrange sex-appeal. Cette constatation, Maria se l'était faite bon nombre de fois depuis cinq années qu'elle était sa secrétaire.
L'expression du regard de Fabienne changea, elle observa attentivement sa secrétaire :
— Qu'est-ce que tu as, toi ? Tu ne tournes pas rond... Tu as des ennuis ?
— Non ! dit Maria.
Elle aurait voulu être à cent lieues de cette pièce dont l'austérité voulue et consentie l'oppressait. Loin, dans un monde de facilité, de sourire, de musique à deux sous. Le monde de Francis, là où rien n'a tellement d'importance, sinon les futilités, les blagues en coin...
— Qu'est-ce que tu as ? insista Fabienne.
C'est plus par lassitude que pour se libérer d'une tristesse, dont, à vrai dire, elle ne ressentait pas tellement l'oppression, que Maria répondit, de la même voix impersonnelle :
— Francis m'a quittée !
Un cri informe sortit des lèvres de Fabienne, et Maria, stupéfaite, la regarda intensément, notant dans un sentiment de morne incompréhension le bouleversement subit des traits de la romancière.
— Je n'aurais jamais pu supposer que mes déboires sentimentaux puissent vous affecter à ce point ! fit remarquer Maria, ironique.
Fabienne lui jeta un regard meurtrier. Ses lèvres tremblaient et son teint était devenu cireux.
— Ne dis donc pas d'idioties, veux-tu ?
— Je constate simplement que le départ de Francis vous affecte apparemment plus qu'il ne m'a troublée moi-même !
Elle avait su Francis inconséquent, volage et trompeur... Elle l'avait aimé ainsi. C'était un mauvais ange, elle aimait le lui dire. Elle lui avait pardonné bien des frasques en dix-huit mois de liaison, mais elle s'étonnait subitement d'apprendre qu'il l'avait trompée également avec Fabienne, et que cela, maintenant, la laissât aussi froide. Pas même vexée. Seulement étonnée. Formidablement.
— Il est parti où ? dit Fabienne d'une voix qui se raffermissait.
— En province. Il est parti retrouver celle qui l'avait fait souffrir juste avant que je ne fasse sa connaissance... Vous savez, la petite merveille rose et blonde que nous avions incidemment retrouvée dans je ne sais plus quel restaurant. Cette gamine de dix-huit ans...
Un rire incompréhensible, odieux, terrifiant, agita Fabienne.
— Nora ? demanda-t-elle.
— Oui, je crois que c'est ce prénom...
Maria eut un sourire à la fois languide et étonné.
— C'est étrange, brusquement, de constater que Francis vous était à ce point proche... Familier... Ce nom de Nora ne m'avait pas tellement frappée... Je crois même que je n'avais jamais pris au sérieux la soi-disant passion de Francis pour elle... Comme c'est étrange, comme l'on se connaît mal, et comme on connaît mal ceux qu'on aime...
— Et aussi ceux que l'on hait ! dit Fabienne d'une voix dure.
Maria sourit. Distraitement.
— C'est pour moi que vous dites cela ?
Fabienne haussa les épaules. Ses traits s'étaient recomposés, mais Maria, qui l'observait attentivement, nota qu'il lui fallait une fameuse dose de courage pour imposer ce semblant de sourire à ses lèvres...

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