On recherche jolie femme brune
46 pages
Français

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On recherche jolie femme brune , livre ebook

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Description

Les terribles exploits du « Tueur de femmes » noircissent les pages de tous les journaux.


Trois victimes en une semaine, toutes de jolies brunes assassinées à coup de couteau dans un compartiment de train.


Gilberte, assise dans le sleeping la menant à Paris, survole d’un œil distrait l’article d’un quotidien relatant ces crimes.


À la lecture de la description du principal suspect, faite par un contrôleur, elle ne peut s’empêcher de se faire la remarque que la personne qui vient de s’asseoir sur la banquette en face d’elle correspond parfaitement au portrait dépeint dans la chronique et elle, à celui des cibles potentielles...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 5
EAN13 9791070031520
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ON RECHERCHE JOLIE FEMME BRUNE

Par
Jean d’AUFFARGIS
CHAPITRE PREMIER
UNE NUIT DANS LE RAPIDE LYON-PARIS
 
La jeune femme posa sa mallette rouge sur la banquette et s'installa dans le coin du compartiment de première classe, côté couloir.
Elle était grande et mince, la poitrine haute, les jambes galbées et finement gainées de soie. Un élégant ensemble bleu clair et un feutre de la même nuance faisaient valoir les boucles extraordinairement brunes – presque bleues – de sa chevelure, les yeux noirs, les dents éclatantes qui brillaient entre des lèvres humides, légèrement carminées.
Elle retournait à Paris et se sentait ravie d'être seule. Au vrai, il y avait encore un peu de monde sur le quai de Lyon-Vaise et le train partait à minuit précis, dans trois minutes. La jeune femme accorda une pensée aux voyageurs qui dormaient dans les sleepings. Sa nuit à elle passerait vite et sans fatigue, cinq heures. Elle déploya une feuille du soir achetée à l'ambulant et tout de suite un titre composé en caractères gras attira son regard : « Le crime de l'express 115. Un cadavre dans le train Vichy-Lyon. Encore une victime, la troisième en cinq jours, du Tueur de femmes. La police sur la piste de l'assassin. »
Elle frissonna, mais voulut néanmoins lire jusqu'au bout. Deux colonnes étaient consacrées à l'attentat commis la nuit précédente dans l'express de Vichy. On avait découvert le corps de la femme d'un industriel lyonnais gisant sur la banquette d'un compartiment de première classe. Celle-ci avait été tuée de deux coups de poignard, dont l'un avait transpercé le cœur. Le vol ne semblait pas être le mobile du crime, car on avait retrouvé le sac à main de la malheureuse ; il contenait des bijoux et une assez forte somme. C'était la troisième victime du tueur, sans doute quelque sadique, en moins d'une semaine. La première, assassinée de la même façon, dans le rapide de Lille, était la fille d'un maître de forges du Nord, la seconde, la femme d'un officier aviateur qui rejoignait son mari au camp de Bron. Comme l'imprimait le journal du soir, on se perdait en conjectures sur les mobiles qui avaient armé le bras du monstre. Les soupçons se portaient sur un individu âgé d'une quarantaine d'années, plutôt grand. Le visage était osseux, les yeux verts ou jaunâtres étaient enfouis sous d'épais sourcils roux qui coupaient le visage d'une barre horizontale, les cheveux jaune pâle découvraient les tempes. Plusieurs dents manquaient dans la bouche aux lèvres si minces qu'on les aurait dites absentes du visage. Le Tueur, vêtu d'un complet gris rayé, de bonne coupe, se trouvait être le seul voyageur occupant le même compartiment que la victime. On tenait son signalement d'un contrôleur. Lors de la découverte du crime, l'homme aux sourcils roux et aux cheveux jaunes avait disparu. Lyon-Soir ajoutait que les victimes appartenaient à la meilleure société et que, détail troublant, elles étaient jeunes, jolies... et brunes. Suivaient des indications d'ordre général touchant à l'enquête du Parquet, les recherches de la police.
 
* * *
 
Le rapide avait quitté la gare depuis quelques instants déjà ; il roulait maintenant au milieu d'un enchevêtrement d'aiguillages, de passerelles et de disques verts et rouges. Bientôt, il attaquerait la campagne lyonnaise en forçant son allure.
La jeune femme brune ne lisait plus, bien qu'elle feignît de le faire. C'est qu'elle éprouvait la sensation désagréable qu'elle n'était plus seule. Elle n'était ni poltronne ni brave, et elle accusa son impressionnabilité excessive qui lui glaçait soudainement les mains tout en lui enfiévrant les joues. Quel horrible fait divers ! Quelqu'un était certainement venu s'asseoir sur la banquette en face sans qu'elle l'eût entendu. Et puis après ? N'était-elle pas stupide de se laisser bouleverser par les détails, sans doute complaisamment étalés par un journaliste en mal de copie, d'un crime commis en chemin de fer ? Avec toutes ces histoires absurdes, on ne pourrait bientôt plus voyager en paix. Mais elle avait beau essayer de se reprendre, l'analogie de sa situation avec celle de l'infortunée femme de l'industriel, quand elle avait été frappée, s'imposait à elle.
Tenant toujours son journal et sans lever la tête, la jeune femme coula avec précaution un regard dans le fond du compartiment, là où elle croyait sentir une respiration. Elle ne discerna d'abord qu'une ombre roulée en boule dans l'encoignure, sous la lumière blafarde tombant du plafonnier. L'homme, un feutre sur les yeux, sommeillait ou bien voulait en donner l'impression. Mais il eut un vague mouvement du corps et elle se mordit les lèvres pour ne pas hurler d'épouvante, car elle venait nettement de distinguer sur son visage la barre dure et épaisse des sourcils roux...
Elle avait dû laisser échapper un gémissement. D'un revers de la main, le voyageur repoussa son chapeau qui laissa voir les tempes dégarnies sous des cheveux fades. Il la fixa un instant avec une insistance déconcertante, comme s'il découvrait seulement sa présence. Puis il tira de la poche intérieure de son veston gris rayé un étui à cigarettes en or, en choisit une et, s'apprêtant à l'allumer, demanda :
— La fumée ne vous incommode pas, madame ?
Plus morte que vive, la jeune femme esquissa un geste inconscient, qu'il prit pour une autorisation. La flamme du briquet éclaira sa face osseuse et triangulaire, son menton fuyant, sa bouche cruelle où se remarquait l'absence d'une ou deux dents. Plus aucun doute n'était permis.
— C'est bien lui... l'assassin, pensa la jeune femme. Que faire ? Me lever ? Je n'en ai pas la force et le couloir est noir et désert. Attendre le passage du contrôleur ? Il ne me laissera pas le temps de tirer la sonnette d'alarme...
Les deux voyageurs s'épiaient, elle, ramassée dans sa peur, mais l'esprit clair, lui, carré dans son coin, la détaillant sans façon.
— Il guette ma lassitude, espère mon sommeil. Si je m'endors, il se lève et frappe... Le contrôleur... Le contrôleur...
Le timbre sourd, comme voilé du voyageur, rompit à nouveau le silence.
— Je vois, madame, que vous avez lu cette affaire...
Il en avait profité pour se rapprocher légèrement.
— À propos de crime, vous êtes-vous fait cette réflexion que les attentats dans les chemins de fer se reproduisent selon un rite immuable : on remarque un individu, d'allure toujours un peu équivoque, qui parcourt le train avec une indifférence affectée, choisit un wagon où les voyageurs sont clairsemés, s'installe dans un compartiment en face d'une personne isolée, l'abat et disparaît ?
Il fit entendre un rire déplaisant, comme un gargouillis.
— Dans le cas de l'assassin dont parle votre journal, reprit-il, sans plus se soucier de savoir si on l'écoutait, dans le cas du Tueur de femmes, je me demande s'il n'y a pas autre chose qu'une simple manifestation de sadisme, comme...

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