Pourquoi ce meurtre ?
46 pages
Français

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Description

À Orléans, un peintre célèbre est retrouvé assassiné chez lui, le matin, par sa bonne.


La scène de crime laisse peu de doute sur le fait que le tueur soit une femme : tube de rouge à lèvres, des griffures sur le poignet de la victime, un mouchoir de soie brodé des lettres S. F.


Le commissaire Simon, chargé de l’enquête, apprend qu’une Parisienne a loué, dans la nuit, une chambre à l’hôtel près de la gare.


Son nom, Suzanne Fabrègues : S. F.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 6
EAN13 9791070031988
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

POURQUOI CE MEURTRE ?

Par
Jean d’AUFFARGIS
CHAPITRE PREMIER
DEUX FEMMES DANS LA NUIT
 
On connaît Orléans, ramassée dans sa ceinture d'ormes et de bouleaux qu'on appelle ici les mails. C'est une allée circulaire comme toutes celles du même genre, calme, paisible, très provinciale, avec sa voûte sylvestre, ses bancs, son kiosque, les deux cinémas qui se font concurrence, les grands cafés à terrasse qui semblent convier les voyageurs à reprendre leur souffle avant de s'élancer, par l'avenue de la Gare, à la conquête de la cité de Jeanne d'Arc. Une fois par mois, les mails abritent la foire : un événement ! Les dimanches y sont également très animés : détente publique et rituelle à laquelle la société orléanaise qui se respecte a accoutumé de se livrer de quatre à sept. Mais en semaine, un vendredi, le soir, à l'arrivée du train de Paris : dix-neuf heures vingt-trois, certifie le Chaix, monument de précision et d'exactitude ! Ajoutons que février étirait maussadement ses vingt-huit jours que tout annonçait comme devant être jusqu'au bout pluvieux et crottés.
Lorsque le semi-direct de dix-neuf heures vingt-trois – omnibus depuis Étampes – dégorgea ses dernières bouffées de vapeur asthmatique sous la haute verrière encrassée, les Orléanais que leurs affaires avaient contraints, le matin même, à « faire un saut » jusqu'à Paris s'empressèrent de foncer vers la demeure familiale où les attendaient les pantoufles tièdes et la soupe fumante. Quelques voyageurs de commerce aussi, des habitués, qui ne se hâtaient pas moins que les indigènes, car il importe d'être bon premier si l'on ne veut pas que plus débrouillard que soi vous souffle à l' Hôtel Blanc votre chambre préférée.
Tout ceci explique au lecteur pourquoi la place de la gare se trouva bientôt nettoyée de la cinquantaine d'usagers de la S.N.C.F. À droite et à gauche s'amorçait l'ombre des mails, trouée de loin en loin par la lumière avare et jaunâtre des lampadaires. Il avait plu toute la journée, tellement qu'on ne s'apercevait pas de l'accalmie.
Poussant la petite porte vitrée, qui bascule comme un assommoir, deux voyageuses attardées, qui ne semblaient pas se connaître, firent quelques pas jusqu'au milieu de la place. La première s'arrêta et parut chercher un point de repère. Elle donnait l'impression de ne pas savoir où aller et, peut-être, en effet, n'avait-elle pas une idée précise de la topographie de la ville. Elle eut un geste de lassitude et avisant un café se dirigea dans sa direction.
C'était une jeune fille d'une vingtaine d'années ; il y avait quelque chose d'accablé et de résigné dans sa démarche. Pourtant, un observateur l'eût jugée de bonne condition. Elle était habillée d'une façon impeccable, tailleur gris rayé avec la note vive d'un chemisier vert, cravate assortie. Un petit feutre à bords relevés, incliné sur l'oreille, coiffait une jolie tête aux cheveux du blond le plus tendre. Le visage, à peine fardé, était éclairé par des yeux violets, étonnamment expressifs, bien que trahissant une immense détresse. Elle portait une gabardine grise sur le bras et pas de valise, rien qu'un petit réticule de cuir vert. Parvenue devant l'entrée, elle jeta encore, mais comme machinalement, un regard alentour et poussa la porte de l'établissement.
Deux joueurs de billard achevaient une partie en cent points. Carré sur une banquette, un consommateur solitaire parcourait sans conviction une feuille du soir. C'était un gros homme au crâne dégarni, aux yeux saillants et aux doigts courts. La jeune fille s'assit non loin de lui et demanda un verre de rhum. Le garçon marqua sa surprise. Un verre de rhum ! Cette commande, à sept heures trente, et formulée par une jeune femme, sur le mode neutre, d'une voix blanche.
— S'il vous plaît, mademoiselle ?
Elle accusa un peu d'énervement.
— Un rhum.
Le consommateur au journal, intrigué lui aussi, coula un regard inquisiteur dans sa direction. Elle avait bu d'un trait et le garçon n'avait pas rapporté son plateau et sa bouteille au comptoir que déjà la même voix sans timbre l'immobilisait :
— Garçon ! Un second rhum, je vous prie.
Décidé à ne plus s'étonner des fantaisies d'une cliente de passage qui lampait le rhum comme d'autres du Vichy-fraise, il fit prestement demi-tour.
— Payez-vous...
— C'est onze francs, mademoiselle.
Elle laissa tomber sur le marbre une pièce de vingt francs, ramassa son sac, sa gabardine et s'en fut du même pas lent qui ne menait nulle part, sans attendre sa monnaie.
Le garçon se toucha le front du doigt et eut un sourire entendu à l'intention du consommateur solitaire qui fit un effort désespéré de compréhension avant de répondre :
— Vous avez peut-être raison, Léon.
— On en voit qui sont bien étranges, monsieur le commissaire.
 
* * *
 
L'autre voyageuse, elle, n'offrait rien, dans son allure, d'accablé et d'hésitant. Elle prit tout de suite à gauche, par les mails, allant d'un pas rapide au milieu de la promenade. On eût pu, à la lueur incertaine d'un réverbère, lui attribuer une trentaine d'années. Elle portait un ample manteau beige, à col de fourrure, aux manches larges serrées aux poignets. Le visage, encadré de cheveux châtains bouclés sous le feutre, était joli, la bouche trop charnue peut-être, les yeux verts profonds, brillants d'une lueur fiévreuse, quelque peu inquiétante. Aucune valise elle non plus ; seulement un sac à main de dimension respectable que la voyageuse serrait étroitement sous son bras crispé.
Elle marcha du même pas pressé pendant une vingtaine de minutes. Les mails avaient une allure plus équivoque à laquelle contribuait certainement l'absence de toute boutique. Les maisons aussi se faisaient plus rares, plus espacées. Celles qu'on devinait disparaissaient à demi derrière leur mur de clôture et des grilles d'où pointaient des branches dépouillées. D'une demeure bourgeoise tapie dans un jardin spacieux partit l'aboi rauque d'un chien. La jeune femme allait toujours, mais son allure se ralentissait insensiblement et comme à son insu. L'endroit maintenant était désert, fort éloigné du centre de la ville.
Cependant, l'ampoule d'un lampadaire plaquait une lumière crue au sol alourdi de pluie de la promenade. La jeune femme s'arrêta, atteignit dans son sac une clé qu'elle serra dans sa main. Le rectangle d'une grille de fer se découpait dans un mur tout recouvert de lierre. L'inconnue, après avoir inspecté du regard les alentours, introduisit la clé dans la serrure et tourna la poignée sans bruit. C'est à peine si on entendit ses souliers crisser sur le gravier de la petite allée menant à une villa d'un étage en pierres blanches et à auvent en tuiles rouges. D'une fenêtre du rez-de-chaussée aux volets rabattus, filtraient des rais et s'échappaient, feutrés et comme lointains, des accords de piano...
Or, à la minute précise où une main gantée de chamois faisait jouer la serrure de la petite grille, l'autre voyageuse, la jeune fille dont le comportement bizarre avait frappé Léon, le garçon du Café Blanc, orientait ses pas dans la même direction que la dame au manteau beige. Mais alors qu'il avait fallu à cette dernière une demi-heure pour atteindre la villa au mur de lierre, la jeune fille, elle, qui d'ailleurs allait comme une personne accablée sous le faix de ses pensées et indifférente sur la route à suivre, mit plus d'une heure à couvrir la même distance.
 
* * *
 
Le commissaire de police se levait tard, non qu'il fût particulièrement paresseux, mais tout au contraire parce que c'était un consciencieux. S'il arrivait à son cabinet peu avant midi, il ne regagnait généralement son chez-soi guère avant onze heures du soir. Adrien Simon, c'était son nom, alors que ses collaborateurs immédiats quittaient leur service à l'heure apéritive, s'astreignait, lui, son vermouth expédié – et il le prenait seul en lisant son journal – à retourner au commissariat expédier les affaires courantes. Adrien Simon était un...

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