Promenades incertaines
108 pages
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Promenades incertaines , livre ebook

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Description

Léna mène une vie un peu morne, résignée, dans son appartement niçois dont elle a hérité à la mort de sa mère. Une existence passive vaguement meublée par son emploi de gestionnaire de patrimoine. Au matin du 1er janvier, elle rencontre sur la plage un homme qui lui raconte spontanément qu’en guise de réveillon, il vient de quitter la femme qu’il aime pourtant passionnément. Ses confidences ramènent Léna des années en arrière, lorsqu’elle travaillait à Paris dans une agence de publicité où elle avait rencontré Boris. Ce brillant directeur artistique qui la taquinait sur son ignorance du peintre Chagall et de son fameux bleu mais qui l’avait conquise rapidement avec sa culture, son humour et sa verve. Amour, désamour. Aujourd’hui, dix ans après la disparition de Boris, Léna décide d’aller visiter le musée Chagall, récemment ouvert à Nice, pour reprendre l’histoire à ses débuts et tenter de découvrir qui était réellement ce Boris qu’elle connaissait finalement si peu.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 novembre 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414154241
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-15422-7

© Edilivre, 2017
Tous les nœuds vont au peigne disait la vieille Ada qui habitait sur le même palier que nous, la porte en face.
Les nœuds dans les cheveux ne se voient pas jusqu’au moment ou le peigne les fait apparaître au bout de la chevelure
Ce qui se voit et ce qui ne se voit pas. Ce qui est dit et ce qui est tu. Toute stratégie pour échapper à la fiction de notre vie semble inutile. Pour s’en convaincre, il suffirait de s’attabler autour d’un repas de famille quand les bouteilles sont vides et les serviettes tâchées. Tout ce qui se dit là est pure fiction, construction collective d’un passé qui n’a jamais existé et d’un avenir qui ne sera pas.
Au moment de desservir, les acteurs de cette comédie tombent le masque et retournent à leurs petits arrangements dont ils nourriront leurs existences jusqu’à la prochaine célébration familiale.
Je sais que vous vous gardez bien de passer au peigne fin les méandres de vos vies. Ce que vous perdez en esthétique vous le gagnez en confort.
Au fond, vous passez votre temps à vous raconter des histoires et à vous promener dans les histoires des autres.
Les chemins empruntés se croisent, s’éloignent et parfois se rejoignent. Les traces laissées demeurent dans la mémoire sous les feuilles lisses et desséchées de quelques souvenirs. Revenir sur ses pas n’est pas sans danger.
La passion comme l’indifférence sont des destinations incertaines.
1
1 er Janvier 2005
Une vague sensation de nausée me tient depuis une semaine. Le sol se dérobe un peu sous mes pieds sans me conduire jusqu’au titubement. Ce n’est pas les excès de boissons ou de nourriture qui peuvent justifier cet état inconfortable. Certes, la période est propice aux malaises et autres désagréments digestifs. Les fameuses fêtes de fin d’année qui crucifient les estomacs et les vésicules biliaires se terminent ce matin. J’ai passé cette « semaine sainte » seule et n’ai abusé de rien, pas même de la joie, feinte ou réelle, de ces journées dédiées à la famille et aux réjouissances gustatives.
Une lumière grise se faufile au travers des volets à jalousie. Comme tous les jours, je me lève les cheveux collés sur le haut de la tête, la bouche pâteuse, les yeux encombrés de sommeil. Encore une journée à faire passer. Pas de café, juste un verre d’eau et un bout de pain desséché qui attend sur la table de la cuisine depuis deux jours.
Personne à voir, rien à faire. Heureusement, j’ai un emploi, une raison sociale. Gestionnaire de patrimoine chez Monsieur Laure. Ce cher Lionel méticuleux et fade. Je n’aime pas mon travail mais il m’occupe suffisamment pour que les journées passent sans trop d’ennui. Demain sera un autre jour.
Mon image dans le miroir de la salle-de-bain m’afflige. Ce n’est plus possible de se traîner comme ça, jour après jour, portée, ballottée par les événements, petits ou grands, sans que je fasse le moindre choix.
Je n’avais pas toujours été aussi passive et indifférente.
Un message sur mon portable fait un petit bip : « Bonne année Lena. Arthur ». Toujours « accro » le Arthur. Quel âge avait-il maintenant ? Soixante ans ? Cet « ex » de jeunesse qui n’avait jamais digéré notre rupture, à mon initiative, évidemment. Digérer. Toujours cette envie diffuse de vomir. Pas de réponse pour Arthur.
Arthur appartenait à mon « époque glaciaire ». Entre 17 et 25 ans, l’idée de m’attacher à un homme ne m’avait jamais effleurée. Je n’étais jamais amoureuse comme mes copines qui tombaient régulièrement, toujours de manière passagère, sous le charme plus ou moins évident de mâles en demande d’affection ou plus selon. Cette prédisposition au détachement me valait des remarques inamicales des filles et des malentendus répétés du côté des garçons. Je passais pour une fille libre et froide, ce qui attirait et surprenait. Je marchais la tête haute, tenant à distance les confidences féminines et les débordements sentimentaux des uns et des autres.
Je cultivais ma différence avec arrogance certaine de mon bon droit. Il n’y a pas mieux que de mettre la barre haute pour s’éviter des petites médiocrités sans attrait. Je le croyais. Perchée sur mes certitudes, je regardais le monde avec une certaine condescendance. Je m’imaginais un destin. J’étais seule. Je ne m’ennuyais pas. Je passais au travers. Je m’amusais du fourmillement ordinaire pensant échapper au quotidien.
Je prends une douche pour me laver de la nuit.
J’aime toujours sentir les caresses de l’eau sur mon visage et sur mon ventre. Les caresses, vague souvenir, mais toujours présent.
Au sortir de la cabine une friction vigoureuse me fait reprendre pied et abandonner mes rêveries aquatiques au fond du bac.
Mes cheveux pendent de chaque côté de mon visage en boucles cuivrées.
Je remercie chaque jour Lydia, ma coiffeuse, de maintenir à coups de couleur ammoniaquée, cette teinte si particulière héritée de ma mère. Seul cadeau maternel que je n’ai jamais accepté. Sur l’héritage il y aurait beaucoup à dire et à faire.
J’ai sorti mon cadeau de Noël que je me suis offert quelques jours auparavant.
L’adage qui consiste à dire que « l’on est jamais si bien servi que par soi-même » demeure depuis longtemps une de mes vérités premières.
C’est encore une histoire de peau. Pantalon et blouson de cuir noir. Pas très chaud le costume pour un mois de janvier, mais avec un bon pull, je suis parée pour affronter le froid. Peau de bête. Pauvres bêtes.
Les bêtes dans l’inventaire de mes souvenirs.
Les « Kiki » et « Zazie ». Tous chiens ou chats sujets mais plutôt objets d’amour de ma mère. Celle-ci confondait régulièrement mon prénom avec celui de son chien ou de son chat du moment. L’inverse n’était jamais vrai. Cerise sur les croquettes, après son décès, j’avais trouvé, dans le tiroir de sa table de nuit un bout de papier sur lequel était écrit : « Pierre et Zazie partis la vie est finie ». Pierre étant son deuxième mari et Zazie sa chienne. Pour être pathétique ce requiem m’avait conforté dans l’appréciation que j’avais des sentiments maternels à mon égard.
Les chiens et les chats ne parlent pas, ils se soumettent, surtout les chiens, ils s’adaptent, surtout les chats. C’est une question de survie. Ce silence animal ne pouvait que plaire à Nora. La soumission aussi. Nora, vaisseau amiral, usait de ses animaux de compagnie comme des annexes chargées de lui procurer du plaisir ou d’évacuer sa merde. Le bâtiment devant rester propre. Immanquablement les « Kiki » et « Zazie » finissaient obèses avec de vilaines maladies. A croire qu’ils n’avaient jamais le temps de complètement décharger les cargaisons toxiques maternelles.
Je devrais les remercier d’avoir endossé ce rôle.
Cet instantané familial serait incomplet si je n’y faisais figurer mon père.
Il avait eu l’élégance de mourir assez jeune, et par là même, de se racheter auprès de ma mère pour tout le mépris qu’il avait suscité en elle.
Il m’arrivait, surtout l’été, de le retrouver le soir au bar « l’Entr’acte » où les pistaches crépitaient dans les doigts des clients et l’anisette Gras réchauffait très vite les regards. Lorsque les portes des ateliers s’ouvraient et que les flots de « bleus » traversaient la rue pour se retrouver à l’intérieur ou à la terrasse du café, le patron M. Moussa s’affairait frénétiquement derrière son bar. C’était le coup de feu de 18h. Le vendredi c’était son 14 juillet. Les chaudronniers étaient les plus assoiffés. Giovanni, outre sa soif permanente, avait toujours la bouche ouverte. Il parlait, interpellait, saluait, rigolait. Giovanni, c’était un homme qui rigolait. « Je rigole, collègue ! ». Giovanni c’était le Sud à lui tout seul. Fils d’immigrés italiens, provençal par alliance, méditerranéen par patriotisme culturel. A « l’Entr’acte » se mélangeaient des pieds-noirs, des algériens, des français de fraîche date et des locaux. Ils travaillaient dans les mêmes ateliers sous-traitants compris. Ce n’était pas la fraternité simplement ils se reconnaissaient le droit de prendre du bon temps après le travail en se gardant bien de trop se mélanger.
Mon père, l’immigré du Nord de la France, le col blanc, l’Ingénieur, n’était pas là pour parler ou se faire des amis. Il regardait, écoutait, s’amusait à regarder et buvait. Il ne buvait pas pour se faire plaisir. Il buvait contre la terre entière. Il buvait pour ne pas rentrer chez lui et constater que rien ne change, qu’il était planté dans sa vie sans espoir de voir un autre horizon. Il n’est pas parti. Il est devenu absent. Absent à lui-même. Lâche.
Quand Giovanni s’accoudait au bar à côté de lui et l’interpellait : « Oh ! Monsieur Denver, vous buvez seul ? C’est pas marrant de boire seul ! ». Il lui renvoyait un petit sourire. Silencieux comme toujours. Il devait envier sa santé morale et physique et son bonheur à vivre. Il me parlait souvent de Giovanni.
Ce que Giovanni ne saura jamais lui qui s’inquiétait bruyamment de son bonheur, c’est que le « M. Denver » n’était jamais aussi heureux que lorsqu’il rentrait à la maison visiblement ivre et que sa femme hurlait et menaçait avant de servir le repas et de s’enfermer dans un silence buté et sans appel.
Les champs de bataille des faibles ne dépassent pas la ligne de front de l’édredon.
Parfois il ne rentrait pas. Je devais sur injonction maternelle aller le chercher. Je fouillais les rues du centre-ville. Je finissais par le retrouver, à ma vue, il me suivait sans mot dire. Il m’attendait.
Souvent le dimanche il sortait sa moto, une vieille Moto Guzzi noire, et partait sur la route, droit devant, sans but. Il rentrait à la nuit hiver comme été.
Il s’abîmait jour après jour avec détermination, s’immolant so

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