Rouge
99 pages
Français

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Description


Pol[ys]émique



Revue variablement périodique,



Panégyrique de la nouvelle à caractère laudatif modéré,



Compendium de mots plus ou moins compliqués,



... et plus prosaïquement recueil collectif.







Disponible en quatorze nuances de rouge déclinées par Catherine Quilliet, Cécile-Marie Hadrien, Charlotte Monégier, Corinne Valton, Delphine Bertholon, Emmanuel Roche, Fabien Muller, Fabien Pesty, Gilles Marchand, Héloïse Simon, Lunatik, Marie-Line Musset, Pierre Mikaïloff, Yohann Brossard.


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782366511451
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Titre
Pol[ys]émique – Rouge
Revue



Titre


Préface
Je déteste la vue du sang (spécialement le mien).
Je pense, en effet, que certaines choses doivent rester cachées. Enfouies.
Liste non exhaustive : la fabrication d’un Kouign-amann, les rêves érotiques de Michel Fourniret, le bilan hépatique de Michel Houellebecq, la femme de Xavier Dupont de Ligonnès.
Ces choses-là sont du domaine du non-dit, du jamais écrit. Ce sont des choses auxquelles on ose tout juste accorder une pensée.
Je n’ai aucune passion pour l’adultère, par exemple (surtout si ma femme fait partie des protagonistes). C’est ainsi.
J’ai d’autres défauts, bien sûr (je suis claustrophobe et j’ai la phobie des nains – visionner Fort Boyard dans un ascenseur ne fait pas partie de mes projets à court terme), mais disons qu’on a déjà pas mal parlé de moi et il est temps de présenter ce bouquin (bordel).
Ainsi donc, ce que vous avez entre les mains se nomme une revue. C’est un choix. Nous aurions pu appeler ça une anthologie, mais vu que nous avions déjà glissé « polysémique » dans le bousin, on s’est dit qu’il ne fallait peut-être pas exagérer.
Pour ceux qui seraient intéressés par le sens de polysémique (ce qui serait hautement comique, considérant qu’il désigne un terme qui en a plusieurs), je serais bien tenté de les renvoyer vers la première occurrence de cette revue, mais l’on m’accuserait de subtilité à visée commerciale et je déteste encore plus les marchands de tapis que la vue d’une goutte de mon sang – c‘est dire ma capacité à écouler du stock de notre production (chérie, toi qui te demandes souvent pourquoi on a quinze étagères Billy d’invendus, voici un indice).
Pour en revenir à nos moutons (merci de ne pas les compter, je n’ai pas fini), vous trouverez dans ces pages quatorze auteurs qui s’essayent avec réussite à l’exploration du rouge.
Vous allez ainsi comprendre à quel point toutes les choses dangereuses sont rouges : la robe de ma voisine du 7 e , les communistes (c’est cette même voisine qui me l’a dit, moi je n’ai pas d’avis sur la question), le sang – donc – qui s’écoule d’une veine à peine tranchée, le feu que l’on grille, le voile qui oblitère la vision de Tom Cruise lorsqu’il négocie mal un virage. Il n’y a guère que les Ferrari qui échappent à cette malédiction du vermillon.
Bref, le rouge, « ça craint du boudin » (Abel, 3 ans).
Qu’a-t-on donc fait au rouge pour qu’il en veuille ainsi à l’humanité (vous noterez que je ne parle pas du journal) ? L’aurait-on déçu ? Lui aurait-on préféré une autre teinte ? Lui a-t-on « piqué sa compote à la crèche » (Abel, toujours 3 ans) ?
Toutes ces questions resteront assurément sans réponses et c’est mieux ainsi.
Évidemment, il y a une nuance de rouge que je n’ai pas encore évoquée (sans doute la plus dangereuse de toutes). Je vous laisse réfléchir à tout ça pendant que je vais en prendre un verre.
Bonne dégustation.


Avant-propos d’après-préface
Résumé de l’épisode précédent du passionnant feuilleton Pol[ys]émique : Paul & Mike sont bien décidés à mettre en avant le style de la nouvelle. Pour cela ils ont convié quatorze spécialistes du genre, déjà édités ou non, chez Paul & Mike ou non, et déterminés à poser leur bagage littéraire en Polysémie. Nous les avions ainsi quittés, avec regret, dispersés aux quatre coins du Déconnecté.
Pour ce nouveau numéro, nos aventuriers vont accoster sur les pages de l’Île Camaïeu et tenter l’ascension du Mot Rouge. Mais qui sont donc ces quatorze inconscientes et inconscients qui osent ainsi braver les conventions et s’attaquer à ces terres trop méconnues de la Nouvelle ? La réponse semblerait se trouver dans ce mystérieux manuscrit, que d’éminents experts tentent toujours de décrypter…
 
Ô colporteur de bonnes nouvelles, de littérature fragile marchand, pose ici lettres, mots et souvenirs. Ô toi Ulysse, mâle alpha, bien mû, l’air de rien, par l’appel du texte, dis adieu à ces femmes.
Laisse ta brosse à Rio, Anne n’en n’aura plus l’usage.
Oublie cette épouse modèle, fine : Berthe, au long court, en viendra à te remplacer.
Plus de promenades, d’embrassades, ni d’œillades, rien : ses cils, Marie les clignera pour un autre.
Non plus de roulades dans l’humus et, marrie, Line fera montre d’un courroux intempestif à bien des égards.
Tu délaisses à la délicate Rine, qui est déjà inscrite à l’Amicale of Pi, errements et tournages en rond.
 
Lors, lâche au clochard l’haute monnaie, j’y ai connu Athénien plus riche en décrochant une Lune attique. Lors, arme-toi de ta plume car l’approche est manuelle, et l’on aperçoit déjà la Polysémie et ses six monts, et l’eau y zigzague, et au cours de cet ultime carnaval, ton corps inassouvi, ichtyoïde, telle l’anguille languide et languissante sur la langue ondoiera en tons rouges.



Delphine Bertholon
Si tu devais choisir un mot pour te définir en tant qu’auteure 
Sensible. Et anxieuse, de fait !
Comment et quand écris-tu ? 
Chez moi, au calme, la plupart du temps sans musique sauf pour quelques scènes précises. Mes horaires de travail varient beaucoup selon les sujets. Certains s’écrivent plutôt de jour, d’autres plutôt de nuit…
Dans quelles conditions lis-tu ? Où ? 
Aux terrasses de café, presque exclusivement. Été comme hiver !
Comment te viennent tes idées ? 
Si je le savais, j’en aurais peut-être davantage ! Plus sérieusement, c’est vrai que c’est un peu mystérieux. Les faits divers m’inspirent, le cinéma aussi. Et l’adolescence, notamment la mienne.
La nouvelle ou le recueil qui t’a donné envie d’écrire des nouvelles
Un jour rêvé pour le poisson banane , de J.D. Salinger.
Ton nouvelliste culte
Richard Brautigan.


Red Light
La première fois qu’il l’avait vue, il était occupé à rouler un joint, assis sur le muret en face de son lycée ; le lycée de la fille, s’entend. Ian, ça faisait un bail qu’il avait lâché l’affaire – les études, les notes, toutes ces normes d’un monde calibré qui lui avait toujours semblé parallèle, depuis l’enfance. Mais il bossait, au moins. Ses potes, pour l’emmerder, l’appelaient le « coiffeur ». Ian, lui, se voyait plutôt comme un artiste : teindre des mamies en mauve, il trouvait ça punk.
Sur le muret, il y avait Marco à sa droite et Jipp à sa gauche, le joint une fois léché passant de main en main, de doigts en doigts, de bouche en bouche, le filtre tété, écrasé, humide, un peu dégueulasse. Marco pleurnichait parce qu’il venait d’écorcher son blouson en cuir noir contre le dérouleur de papier toilette des exigus WC d’une salle de cinéma. « Sérieux, ils pensent que tous les spectateurs débarquent de Lilliput ? » (Marco ne retenait les références culturelles que dans la mesure où elles recelaient une possible grossièreté) « Tout ça pour voir ce navet intersidéral ? Je vous jure, je vais buter quelqu’un ». Marco tenait à son perfecto comme Sailor à sa veste en python dans le film de David Lynch, on ne le maîtrisait plus avec son accroc à l’épaule, il avait la rage et l’envie de « cramer ce putain de Multiplex ».
—File-moi le joint fissa , Coiffeur, ou je fais un carnage.
Ledit Multiplex siégeait entre le salon familial où travaillait Ian et ce lycée huppé où il n’avait, donc, jamais mis les pieds. En quittant la salle, ils s’étaient posés au premier endroit venu, un muret en briques rouges abrité d’une kyrielle de platanes aux feuilles juste naissantes. Il était dix-huit heures, le jour déclinait. Les portes de l’établissement crachaient des élèves par salves intermittentes, des hordes de gosses bigarrés qui, déjà, s’engrenaient sur le trottoir, s’embrassaient, se checkaient ou s’allumaient des clopes. Eux, les bad boys du dimanche, étaient aux premières loges : Ian et son mal-être d’artiste incompris, Marco et sa rage de chômeur écorché, Jipp et son flegme de junkie à la petite semaine – soixante ans à eux trois et des milliers d’années à la lisière du monde, ce monde qui était peut-être réel pour les autres mais tellement pas pour eux.
Elle apparut, petite et blonde, beaucoup plus petite que ses copines, beaucoup plus blonde, quasiment platine, mais on aurait dit qu’il s’agissait de sa couleur naturelle. Du moins, c’est ce que Ian avait pensé, déformation professionnelle. Elle portait une queue de cheval, très longue et perchée haut sur le crâne, qui se balançait, va-et-vient hypnotique, à chacun de ses mouvements. Des Converse marine, un jean retroussé sur des chevilles graciles, un chemisier bleu ciel à fines rayures blanches – un corsage de première de la classe. Le regard de Ian avait été happé par cette jolie chose, lisse et policée, parfaitement dans l’époque. Pour autant, même s’il était incapable de l’expliquer, il en était certain : elle était délurée, à l’intérieur. Déphasée. Diabolique. Elle était fissure – et elle était lumière.
Il l’avait observée longtemps, jusqu’à en oublier de tirer les taffes qui lui étaient destinées, ignorant les lazzis de Jipp et Marco, les coups de coude, « Hey, Coiffeur, t’es parti où ? Mais tu mates quoi, là, en fait ?! » Ian ne cherchait pas de fille. Enfin, pas de « petite amie », comme on disait aux temps anciens, dans ces séries télé que regardait son père quand il était gamin, genre Happy Days , l’une de ces conneries diffusées par une chaîne berlusconienne aujourd’hui disparue. Il ne savait déjà pas quoi faire de lui-même. Alors qu’est-ce qu’il aurait fait d’une fille, d’une vraie fille ? Les filles, c’étaient des coups d’un soir, des créatures enfilées à la va-vite dans des toilettes de boîte (il n’en était pas fier mais voilà, c’était cela – juste des corps). Et maintenant cette petite, une exoplanète à elle toute seule, une immensité. Elle ne se doutait de rien, elle riait avec sa copine, une fille ronde surmoulée dans une minirobe d’un rose iridescent. Ian admira cette capacité à se foutr

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