Take five
238 pages
Français

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Description

« Je m’appelle Eden. J’ai 16 ans. J’agonise sur un tas d’ordures fumantes. J’ai été battue, torturée, laissée pour morte. Je ne suis qu’une plaie. Mais tout est bien. C’est là que je devais finir. Je ne suis rien. Ma vie ne valait rien. Je n’ai connu que l’abjection et la haine. Pour peu qu’elle soit rapide, la mort me sera douce. Je m’appelle Eden, j’ai 16 ans, je meurs et je m’en fous...»

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 juin 2015
Nombre de lectures 2
EAN13 9782332902900
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-90288-7

© Edilivre, 2015
Citation


Le jazz c’est des mesures à quatre temps et pas de triche.
Count Basie
1
Je m’appelle Eden. J’ai 16 ans. J’agonise sur un tas d’ordures fumantes. J’ai été battue, torturée, laissée pour morte. Je ne suis qu’une plaie. Le sang obstrue mes narines, ma gorge. J’étouffe. Plus rien n’existe, j’ai dépassé la puanteur, la douleur. C’est à peine si je ressens la morsure du feu sous mes jambes. Mais tout est bien. C’est là que je devais finir. Je ne suis rien. Ma vie ne valait rien. Je n’ai connu que l’abjection et la haine. Pour peu qu’elle soit rapide, la mort me sera douce.
Je m’appelle Eden, j’ai 16 ans, je meurs et je m’en fous…
2
Elle n’a pas frappé ou je n’ai rien entendu, plongé que j’étais dans mon bouquin “Au dessous du Volcan” , sans doute oublié par une fille dans ma chambre un soir de défonce. Mon genre à moi, ce serait plutôt Série Noire et SF. Mais là, j’ai été accroché par l’histoire de ce type qui me ressemble. Enfin, si on veut, un peu… en fait, pas du tout, à part que comme moi, il mène une vie de merde et picole comme un con. C’est le parfum qui m’a alerté. Un truc léger et capiteux à la fois, sur fond de … muguet. J’ai levé la tête. Elle était là, cheveux et yeux sombres, chignon banane. Impeccable, en tailleur blanc, escarpins et bas noirs malgré la chaleur de juillet. Distante, terriblement sexy… et ce parfum !
Soudain, j’ai eu honte de ce bureau miteux, de mon jean et de ma chemise pas très nets, de ma barbe de deux jours. Je l’ai contemplée longuement, sans que ça ait l’air de la gêner, avant de lancer à regret :
– Vous faites erreur, l’agence de mannequins, c’est au fond du couloir.
Elle a reculé jusqu’à la porte d’entrée et lu la plaque :
–  S. Greco, Détective Privé. C’est bien vous ?
Il y a des jours où, comme dit Pierre Dac, « on ferait mieux de la fermer avant de l’ouvrir ». Pourquoi ai-je répondu :
– Euh ! Oui…
Peut-être pour qu’elle ne parte pas tout de suite, pour pouvoir encore la mater, la flairer.
– Alors je ne me suis pas trompée.
Elle regarde autour d’elle à la recherche d’un siège. Il n’y en a qu’un, minable. Je me précipite pour le lui offrir. Elle s’assied, croise les jambes. Je la dévore des yeux. Elle a l’habitude. Elle connait par cœur l’effet qu’elle produit sur les mecs. Je lui tends mon paquet de Gitanes :
– Vous fumez ?
Elle répond d’une voix rauque :
– Des blondes.
Elle ouvre un petit sac en vernis noir, en tire un étui doré gravé d’initiales. Elle saisit une cigarette et la porte délicatement à ses lèvres entre des doigts fins aux ongles écarlates. Contrairement à la mode actuelle. Ses yeux ne sont pas maquillés charbonneux. Seules ses lèvres rouges éclatent dans son visage pâle attirant irrésistiblement le regard.
Je lui tends mon zippo. Elle aspire la fumée, me souffle au nez.
– Ça va ? C’est fini ? On peut parler ?
– Quoi donc ?
– L’examen, l’inventaire !
J’allume une gitane :
– Excusez-moi, mais… Je vous en prie, allez-y !
Elle croise et décroise les jambes dans un bruissement excitant. Je ne peux m’empêcher de la lorgner. Elle sourit.
– J’ai quitté Paris il y a quatre ans. J’avais une amie. J’ai essayé de la retrouver, en vain. Elle est partie sans laisser d’adresse.
– Vous êtes allée voir les flics ?
– Non, je ne suis pas de sa famille et je ne connais que son prénom. Je tiens absolument à la retrouver, votre prix sera le mien.
C’est là que j’aurais dû lui avouer que le détective ce n’était pas moi mais mon frère Simon actuellement en vacances. De temps à autre, je passe à son bureau, au cas où…
Et puis j’aurais pu tenter ma chance en lui proposant de prendre un verre un de ces soirs. Mais je n’ai eu aucun mal à me convaincre que son amie ne devait pas être bien difficile à localiser. Qu’elle me serait redevable, et accepterait peut-être un rancard. J’ai dit :
– Je vais voir ce que je peux faire. Elle s’appelle ?
– Eden.
– Eden !… pas commun. Et vous ?
Elle me fixe de ses grands yeux noirs, un regard ironique, cinglant, que j’ai du mal à soutenir, mais je ne cède pas.
– Alors ?
– Louise… finit-elle par lâcher… Marquand.
– Vous avez une photo ?
– Non.
Cette fois, c’est moi qui ironise.
– Une adresse, peut-être ?
– 27, rue du Dragon.
C’est bon, me dis-je, elle habitait le quartier. Je vis à St Germain depuis six ans et j’y connais tout le monde. Ça devrait être du gâteau !
– Et la vôtre ?
A nouveau, ce regard qui semble dire : tu ne me la fais pas, je sais ce que tu veux !
– 9 rue Férou.
– La rue des trois mousquetaires ?
Elle ne bronche pas. J’insiste :
– La Pension Bonassieu… Constance… c’était là…
Toujours pas de réaction. Visiblement, elle s’en tape. J’ai fait un plat. Je remballe mon offensive culturelle et demande d’un ton neutre :
– Un téléphone ?
– Danton 18.09
– Ok, je vous appelle dès que j’ai une piste.
– Et pour vos honoraires ?
Je pense à Philip Marlowe : 20 dollars par jour plus les frais… mais je réponds :
– On verra ça plus tard, si je trouve quelque chose.
– Comme vous voulez !
Elle se lève brusquement et se dirige rapidement vers la porte. Je n’ai que le temps de me déplier pour admirer l’envers de sa silhouette. Elle est déjà dehors.
– Je compte sur vous ! Lance-t-elle sans se retourner. A très bientôt.
Elle a disparu. Ne laissant derrière elle qu’un sillage parfumé au muguet.
* *       *
Avant de rentrer, je décide de faire un tour rue du Dragon. J’y ai habité quelques mois une chambre cagibi avec fenêtre donnant sur un mur. Mais rien à foutre. Ce que je veux, c’est vivre au quartier, quitte à écumer tous les hôtels miteux du coin avec chambres plus ou moins décentes selon l’état de mes finances. A ce jour, celle de l’hôtel du Dragon a été la plus moche. Mais j’en ai eu pour mon argent !
La gardienne, Lucienne, dite Dragon Bourré, est l’indic du quartier. Elle sait tout sur tout le monde et se laisse volontiers aller aux confidences en échange d’un peu de carburant. Je m’arrête rue de Seine pour acheter une bouteille de gros rouge. Le Bordeaux n’est pas dans mes moyens… et elle est bien incapable de faire la différence.
Au bout du couloir sombre. Elle veille derrière son comptoir au pied de l’escalier.
– Salut Lulu !
– Oh ! Greco ! Qu’est-ce qui t’amène, mon joli ! Tu t’es enfin décidé à me sauter ?
Elle rit grassement. Je lui montre la bouteille :
– Je viens boire un coup avec toi !
Elle marmonne d’une voix avinée :
– J’aurais préféré que tu viennes en tirer un… de coup… mais bon, c’est toujours ça… entre, assieds-toi.
Elle sort un tire-bouchon et deux verres à la propreté douteuse de sous son comptoir. La bouteille éclusée, Lulu devient sentimentale :
– Tu me manques tu sais ! Les nouveaux sont moches, sinistres. Avec toi, on rigolait… ce défilé de minettes et tes copains musiciens !… tu es toujours musicien, hein ?
C’est le moment d’aborder l’objet de ma visite.
– Non. Détective !
– Tu te fous de moi ! Toi, détective !
– Provisoirement. Je remplace mon frère sur une affaire. Une fille qui habitait en face. Je n’ai que son prénom : Eden.
Elle réagit au quart de tour :
– Ah, la blonde du 27. Un drôle de numéro ! Elle avait pas le temps de remettre sa culotte !… en plus, je sais pas ce qu’elle trafiquait, mais les flics sont venus plusieurs fois. Ils l’emmenaient et le lendemain, elle était revenue et recommençait.
– Tu connais son nom de famille ?
– Non… mais le propriétaire doit le connaître.
– Tu sais qui c’est ?
– Je peux me renseigner si tu veux. Qu’est-ce que je ferais pas pour toi, mon chéri !
– Il y a longtemps qu’elle est partie ?
– Je sais pas… peut-être deux ans ou trois… je passe pas mon temps à observer ce genre de merdeuse !
Tu parles ! Me dis-je.
– Elle était comment, la merdeuse ?
Elle fait la moue :
– Pas mal. Blonde, les yeux clairs, plutôt bien roulée, la vingtaine. A cet âge, elles sont toutes mignonnes. Mais avec la vie qu’elle mène, elle doit déjà être complètement tapée.
Je décroche de l’hôtel du Dragon sans avoir pu éviter le baiser mouillé de Lulu. J’attends d’être dans la rue pour m’essuyer les lèvres et me console en pensant que si je continue à bien manœuvrer, je vais peut-être pouvoir me faire la belle indifférente.
Boulevard St Germain, je croise mon copain Barney, meilleur saxo-ténor européen. J’ai joué avec lui à Nice au Hot Club. Mais il fait carrière, lui ! Il zigzague, nez en l’air.
– Salut Barney, tu vas ?
– Salut… euh…
Je ne m’arrête pas. Il est tellement chargé qu’il ne reconnaîtrait pas sa mère. Je descends jusqu’à Odéon. Là, je prends le passage du Commerce St André qui conduit direct rue St André des Arts, où je crèche. Mon statut social a évolué. Je suis passé du 3 étoiles au-dessous de zéro à ½ au-dessus. Depuis un an, j’ai un boulot stable : piano bar au Living Room sur la rive droite. C’est pas le Pérou mais ça paie l’hôtel : 9 francs par jour pour une chambre au 3 ème sans ascenseur, sans téléphone, douches dans le couloir. Spartiate mais propre, donnant sur la rue.
Mademoiselle Huguette, la patronne, est au comptoir. Tailleur gris, chemisier blanc au col fermé par un camée, cheveux tirés, lunettes d’écaille. Vraiment pas le style St Germain. Plutôt « institutrice », comme dit Robert, un des locataires qui fantasme sur les « sévères » à lunettes et bas à couture. Le samedi, il drague à Mimi Pinson ou au bal de la Coupole.
– Bonjour Mademoiselle.
– Bonjour Monsieur Greco. Une jeune femme est passée. Elle a laissé un message.
Elle attrape le papier dans mon casier et me le tend avec la clé. Un instant, je rêve que c’est Louise. Impossible ! Si je la veux, je vais devoir me taper tout le chemin. Je ta

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