Tout condamné à mort aura la tête tranchée
202 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Tout condamné à mort aura la tête tranchée , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
202 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« le seul mode de perturbation d'un cours pratiqué en ces lieux consistait à murmurer. Bouches closes, sans qu'aucun geste ni mimique ne trahisse qui que ce soit, toute la classe murmurait... un bourdonnement sourd, plus ou moins fort, plus ou moins modulé, à rendre fou n'importe quelle victime de cette coutume immémoriale dans ce genre d'établissement... Eh bien en fait d'“école libre” comme ils avaient et ont toujours le culot de qualifier les boîtes confessionnelles, j'avais découvert au Sacré-Cœur l'“école de la lâcheté” ! » La découverte d'un cadavre au sein même de l'institution va permettre à travers l'enquête de découvrir des personnages pas vraiment en odeur de sainteté. L'auteur s'est inspiré de ses cinq années vécues en internat chez les Jésuites pour dénoncer à travers une farce policière les travers de l'Institution et de ceux qui la représentaient à la fin des années cinquante. Un livre sans concession sur des méthodes et des pratiques très éloignées des valeurs dites « chrétiennes ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 août 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342055160
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Tout condamné à mort aura la tête tranchée
Marie-Christine Ferret
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Tout condamné à mort aura la tête tranchée
 
Avant-propos
Jean-Paul Ferret, né en 1945 à Étampes (91), après des études d’ethnologie et de linguistique, a enseigné pendant vingt ans dans différents pays africains avant de s’installer à Saint-Nazaire comme biographe. Il rédige alors quelques nouvelles puis se lance dans la rédaction de Tout condamné à mort… qu’il termine mais n’a pas le temps de publier : un cancer l’emporte en quelques mois.
 
J’ai voulu, moi sa femme, et avec mon fils Frédéric, à travers cette publication, laisser à ses amis et sa famille un souvenir de sa plume qui selon les circonstances se révélait grinçante, satirique, érudite, émouvante et quelquefois assassine. Toujours avec un humour qui pouvait devenir… noir, très noir mais qui ne laissait jamais insensible. Une plume à double tranchant qui le servait autant qu’elle le desservait et qui lui valut quelques renvois et des ennemis à vie.
 
Sa liberté de penser et de s’exprimer a toujours chez cet anarchiste de gauche primé sur la défense de ses intérêts particuliers ou de sa carrière. Son charisme faisait… ou défaisait le reste… pour rire… ou pour pleurer.
 
Chapeau l’artiste, je me suis bien amusée.
Première partie   : Jean-Pierre Fournier
1.
C’était aux temps farouches du gaullisme triomphant. L’Algérie était encore française, les prêtres portaient toujours la soutane et, à l’étude du soir, Amédée ramassait les billets de confession.
 
Un sourire benêt lézardant sa face de carême, ce malingre condisciple effectuait sa récolte quotidienne entre les rangées de pupitres de la salle des grands. Il comptait parmi les rares petits séminaristes du Sacré-Cœur de l’Enfant Jésus, l’institution auvergnate où j’avais fini par échouer après diverses expériences peu convaincantes dans des établissements publics de la région. Les curés l’avaient recueilli après la mort de ses parents, de modestes agriculteurs victimes d’un accident de la route alors qu’ils se rendaient en ville pour y faire leurs Pâques. Sa famille ne se résumait plus qu’à sa seule tante Élise, une encore presque jeune personne connue sur le boulevard, où elle négociait avec bonheur des charmes aussi rentables que plantureux, sous le pseudonyme de Grazziela. Elle avait proposé de prendre dorénavant en charge la scolarité de son neveu et les frais d’internat. Mais les bons pères prétendaient se contenter de leur quotidienne rondelle azyme plutôt que de se goinfrer de pain de fesse. L’évêché prit d’office l’orphelin sous sa coupe, à condition qu’il s’engage, dès son entrée en sixième, dans le processus devant le mener à une ordination ; lointaine, mais rigoureusement programmée. Un investissement certes coûteux, mais tous les moyens étaient bons pour assurer une relève qui s’annonçait délicate vu l’inquiétante pénurie de candidats. Malgré d’encore nombreux avantages, la fonction perdait de son prestige. Et des deux plus vieux métiers du monde, celui qu’exerçait Grazziela était devenu le plus lucratif. O tempora, o mores ! La vocation d’Amédée naquit au forceps dans le bureau du Supérieur, stimulée par de peu résistibles incitations. Il renonça à sa tante, à ses pompes et à ses œuvres et choisit de consacrer sa vie à Dieu. Petit facteur de la repentance, il achevait pour le moment sa tournée à l’étage auprès des confesseurs tapis dans leurs cellules à l’affût de juvéniles et vespérales contritions.
 
Pensionnaire au Sacré-Cœur depuis plus de six mois, je n’avais pas encore osé franchir le pas et on commençait à me regarder comme un dangereux mécréant. Pour moi, le grand soir arrivait… Je m’étais enfin décidé à faire comme les autres. Et donc à prendre un directeur de conscience. «  Directeur de conscience  », l’expression même me révulsait. Mais il fallait y passer… Restait à sélectionner l’heureux élu parmi une bonne vingtaine d’impétrants. Pas question de me rabattre sur un de mes profs : il serait capable d’en profiter pour me faire réviser au noir. J’avais ensuite éliminé de la liste des admissibles les faciès pervers, les regards torves, les lippes vicelardes, soit plus de la moitié du contingent. Les chefs et responsables de quelque chose attiraient déjà presque toute la clientèle. Par élimination, il ne restait plus que le père Batteux qui semblait correspondre grosso modo à mes critères : la cinquantaine encore svelte, une tête déplumée du haut mais ornée en bas d’une barbichette poivre et sel, une réputation chez les petits de prof débonnaire à tendance bucolique et d’ailleurs, à ma connaissance, le seul du troupeau à ne pas « bénéficier » d’un sobriquet grotesque ou vengeur. L’oiseau rare ? Allez, va pour Batteux !
 
J’ai découpé un quart de feuille aux dimensions réglementaires et me suis résolu à inscrire la formule consacrée : Jean-Pierre Fournier, élève de seconde classique, prie Monsieur l’Abbé Batteux de le recevoir pour l’écouter en confession. Heure, date et signature. Il n’y avait plus qu’à patienter… Amédée descendit et redistribua les billets à ceux qui étaient attendus au premier. Un sursis pour moi : Batteux recevait d’abord un de ses habitués, un certain Bernard. Je lui succéderai à son retour…
 
L’étude du soir se languissait dans la lumière glauque de quatre antiques plafonniers. Perché sur une immense estrade, Césarini arborait derrière son bureau sa trogne des mauvais jours, ceux qui se terminaient généralement par une de ses crises de démence gratinées. Lui aussi appartenait à la faune domestique du Sacré-Cœur. On l’utilisait à divers petits boulots d’entretien, mais il assurait aussi et surtout la surveillance des internes. Sauf au dortoir, heureusement… L’Institution avait récupéré cet ancien légionnaire à son retour d’Indochine dans un état de délabrement mental a priori peu compatible avec le type d’activité de son nouvel employeur. D’une sociabilité bourrue mais la plupart du temps acceptable, ce singulier paroissien était régulièrement en proie à de subits accès de violence. Il se mettait alors à beugler des horreurs blasphématoires et anticléricales en fracassant tout ce qui se trouvait à sa portée. Les gros bras devaient se relever les manches et, sous les insultes, le déculotter en évitant les coups pour permettre au plus adroit d’entre eux de lui injecter une quantité éléphantesque de sédatif dans son musculeux gigot. J’avais déjà assisté à ce happening grand-guignolesque. Césarini s’écroulait au bout de quelques secondes, ses infirmiers d’occasion le transportaient dans sa chambre et on ne le voyait plus pendant trois jours. Mais entre ces périodes de récupération pour tout le monde, on vivait dans l’angoisse.
 
Je le surveillais du coin de l’œil tout en lisant L’Équipe . Avec lui, on pouvait faire n’importe quoi à condition de lui foutre la paix. Pas comme l’Apache, le Préfet de discipline. Un vrai sadique, celui-là… Il survenait à l’improviste, glissant sur le carrelage en charentaises de son pas d’Indien sur le sentier de la guerre. D’où son surnom… Placé juste derrière moi, mon grand copain Emmanuel Potillon me prévenait d’un discret coup de pied sous mon banc lorsque ce myrmidon déjeté arrivait dans notre dos. Je transmettais à mon tour le signal à Bœuf, assis devant moi. Ah, Bœuf ! Un sacré spécimen… Mais mon prédécesseur revenait déjà de sa séance purificatrice, la mine tristounette. Il me transmettait le témoin : mon billet contresigné par Batteux sous un court autographe : Je t’attends ! Bigre…
 
Passage obligé sur l’estrade pour obtenir un coup de tampon. Les yeux de Césarini entamaient une inquiétante partie de yoyo. Il glougloutait comme un dindon furieux. Un salut de la main faussement faraud à la compagnie et en route pour l’aventure !
 
Il fallait d’abord enfiler l’interminable couloir qui menait au cloître. À chacun de mes pas, l’écho de mes semelles ferrées sur les dalles résonnait en cascade de cliquetis métalliques qui semblaient se multiplier après mon passage comme autant de marcheurs à mes trousses. J’étais un défilé militaire à moi tout seul… Mais l’angoissante impression d’être suivi par des bidasses me fit accélérer et je franchis les derniers mètres en courant, à la tête d’une charge de cavalerie. L’ascension de l’escalier en bois recouvert de carpette me procura un moment de repos, avant de déboucher dans la galerie dominant les arcades, avant le jardin oblong où Bidault, le concierge, entretenait sa basse-cour. Et y engraissait un cochon…
 
À part lui (le concierge), les autres adultes du Sacré-Cœur gîtaient derrière les portes qui se succédaient tous les dix mètres environ autour du cloître. Mais les noms n’étaient pas indiqués. Seulement des numéros. J’aurais dû me renseigner en bas, auprès de Bernard. Ou d’Amédée, le lèche-cul en chef… Pas question de traverser à nouveau le pont d’Arcole ! Tant pis, je frappe à la première et je me renseigne…
— Oui ? Entrez !
Un grincement de gonds et je découvre, déambulant au milieu d’un capharnaüm de mobilier enfoui sous les livres, une grosse masse blanche ovoïde à la claudication caractéristique. Gausus ! Gausus, mon prof de latin, en chemise de nuit blanche, un bonnet de nuit blanc enfoncé jusqu’au ras des sourcils, les pieds, les jambes et les genoux aussi nus que d’aspect crayeux à force d’être blancs, une hallucination géronto-boulevardière ! L’Immaculé Gausus ! Le sénile corbac clopinant transformé en monstrueuse hermine… L’écarquillement d

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents