Au bout du chemin
127 pages
Français

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Au bout du chemin , livre ebook

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Description

Chemin découverte ou chemin exploration
Chemin initiatique ou chemin apprentissage
Chemin épreuve ou chemin délivrance
Chemin physique ou chemin intérieur


Partez au bout du chemin sur les traces des différents personnages des textes.
Cheminez à leurs côtés, au rythme de leurs pas, émotions, leçons, fascinations...



Marrainé par l'autrice Morgan of Glencoe, ce recueil présente les douze cheminements d’un appel à textes organisé par Marathon Editions et le blog livresque Imagin'encre. En lien avec le thème, les droits d’auteurs de ce livre seront versés à l’association Cœur de forêt qui œuvre pour la protection et la valorisation des forêts.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9791097570767
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Préface « Il disait souvent qu’il y avait une seule route ; qu’elle ressemblait à une grande rivière ; ses sources étaient à chaque porte, et tout sentier était son affluent.C’est une affaire dangereuse de passer ta porte, Frodon,me disait-il.eds, qui saitTu vas sur la route, et si tu ne retiens pas tes pi jusqu’où tu pourrais être emporté. » JRR Tolkien, inle Seigneur des Anneaux Il est bien des vérités dans les histoires, et pas mal de mensonges aussi, mais toutes ont un point commun : elles nous invitent à parcourir un chemin immobile. C’est la première pensée qui m’est venue lorsqu’il y a quelques mois, Marine (Imagin'encre) m’a demandé de marrainer une anthologie sur le thème des chemins. C’est qu’il y en a à vivre et à raconter, des choses, par les chemins ! En Irlande, il y a même un conte à raccourcir le chemin. On le transmet pour passer le temps et oublier ses jambes et le poids des sabots, en marchant dans les collines de l’île verte, au milieu des murets gris, des nuages blancs et des moutons arc-en-ciel. Oui, un mouton irlandais, c’est rayé rose, à pois verts ou mi-parti bleu : les bergers peignent leurs animaux à la bombe pour savo ir lequel est à qui. Et puis ils les laissent tailler la route et tout ce petit monde rentre au soir à la fraîche. D’ailleurs, le conte à raccourcir la route parle de moutons. C’est un conte, alors je ne te l’écrirai pas. Il te faudra voyager jusqu’en Irlande si tu veux l’entendre, ou au moins jusqu’en Bretagne où o n le raconte parfois. Mais ce n’est pas grave : tu as ouvert ce livre et en fait d’une seule histoire à raccourcir la route, tu en as cueilli une douzaine d’un coup, comme autant de conteurs et de conteuses, assises au coin d’une vieille cheminée dans un pub perdu du Kerry… Ou du Berry, peut-être, si tu préfères George Sand à James Joyce. Ou que tu n’as lu aucun des deux, mais que le Berry est plus aisément accessible que le Kerry. Surtout à pied, quand on est français. Mais, hé ! Voilà que même mes mots s’égarent en chemin. Nous avons choisi ensemble, avec Marathon Editions, que l’association Cœur de forêt à qui profiterait cette anthologie serait de celles qui protègent ces sentiers sur lesquels, depuis toujours, les gens se baladent, se perdent et se retrouvent. Et puis les textes sont arrivés, se promenant de page en page, chaque nouvelle suivant sa propre route, chaque jeune plume traçant son propre chemin avec ardeur et bravoure, et comme autant de ruisseaux fo rmant une rivière, de tant de petits sentiers une route est née qui se déroule à présent devant toi, Auguste Lectorat. Nous y voilà donc. Le blog Imagin'encre, Marathon Editions, une petite joyeuse troupe de jeunes auteurices et moi-même avons l’honneur de te convier, Auguste Lectorat, à trouver à ton tour ton propre chemin dans ces lignes. Tu auras pour seule boussole ta propre imagination, qui t’emmènera marcher dans ce décor de mots. Et lorsque tu auras fini, peut-être, à la faveur de son élan, t’en iras-tu à ton tour découvrir ton propre chemin… Si tu te perds, souviens-toi que c’est comme ça qu’on apprend à se retrouver.
Morgan of Glencoe.
Sommaire Les rumeurs les plus folles circulaient sur la forê t qui bordait Bout-du-Chemin. Certaines parlaient d’une fée,La reine de Ceux-de-la-forêt, qui punissait impitoyablement ceux qui abandonnaient leurs déchets. D’autres évoquaient une pierre dressée auprès de laquelle les amants maudits pouvaient obtenir une aide surnaturelle. OuMourir d’amour. D’autres encore mettaient en garde contre d’inexpliqués faits nocturnes. En dépit de son étrange réputation, Bout-du-Chemin était un village agréable. Surtout tant que l’on ne s’aventurait pasAu-delà du jardin. Ce dernier était le véritable joyau du bourg. Son calme, ses fleurs rayonnantes, ses arbres majestueux et sonChemin verttrès étaient recherchés par les habitants des environs ! Ce jardin était l’écrin des joies et le refuge des peines. Et, Révélation brutale, c’était le dernier rempart avant les dangers de la forêt… Ces légendes fascinaient Alex depuis l’enfance. Chaque instant passé dans le jardin exacerbait son désir d’emprunter le chemin forestier et deDisparaître sous les fougères. Que peuvent bien abriter ces énigmatiques ramures ? Quelles fascinantes découvertes ? Telles étaient ses pensées lorsqu’unChien-louppassa à toute allure dans un coin de son champ de vision, droit vers la forêt, poursuivi par des enfants malicieux… Un bond, et Alex s’élança à leur poursuite. Les enfants renoncèrent lorsque l’animal disparut sous les frondaisons, et s’éloignèrent en chahutant. Debout à l’orée d’un bosquet, Alex hésita. – Viens !Promenons-nous dans les bois! La voix surgissait de nulle part ! – Allez, viens ! C’est ta seule chance deLever le voile sur ce qui te hante !Si tu veux allez plus loin, marchons ensemble! Timidement, Alex s’aventura sous le couvert des branchages… L’étreinte douce du bois était enivrante. Les sons et les odeurs enveloppaient Alex, l’étourdissaient. Les ombres lui paraissaient étran gères. Comme s’il s’agissait d’un univers différent… Certaines étaient reconnaissables, fugitivement, une calèche,Un pirate à vélo, le chien-loup qui disparaissait dans le lointain… – Je suisLe gardien. Une créature en nuances de verts venait d’apparaître à sa droite. – Avance Alex, découvre ce chemin qui t’appelle… Marine deImagin'encre
La Reine de Ceux-de-la-forêt Maud Laborde Il était une fois une jeune fille qui s’appelait Béatrix. Elle était orpheline et elle n’avait pas d’amis, car les autres la trouvaient étrange. Ou plutôt pas d’amihumain. Car depuis la mort de ses parents, deux ans plus tôt, elle rendait régulièrement visite à une drôle de créature qu’elle appelait Humbert, en souvenir de son vieux chat. Humbert était moitié moins grand qu’elle et très, t rès fin. Il paraissait assez jeune malgré l’immense lassitude qui se lisait dans son regard. Ses vêtements d’une fine étoffe argentée semblaient liquides. Il avait une peau dorée, presque scintill ante. Béatrix n’aurait pu dire à quelle sorte de créature exactement elle avait affaire, mais elle aimait bien Humbert tout de même. C’était le seul qui compatissait à sa peine, son seul véritable ami. Béatrix et Humbert pouvaient parler ensemble pendant des heures. Ils s’intéressaient tous les deux à la nature et Humbert était une encyclopédie vivante su r la forêt. Elle était son royaume et il en connaissait chaque plante, chaque sentier et chaque animal. Il lui avait appris tellement de choses depuis qu’ils se connaissaient ! Béatrix savait désormais quelles plantes elle pouvait manger sans danger et lesquell es elle devait éviter. Une fois, elle avait passé l’après-midi près d’un faon. Assise par terre avec la tête du petit animal posée sur sa cuisse, elle s’était sentie heureuse et apaisée. Elle aimait aussi le côté secret de leur amitié. Parfois, d’autres enfants affirmaient apercevoir fugitivement de drôles de créatures dans les bois, cependant aucun d’eux n’avait réussi à les approcher. Béatrix se sentait honorée d’avoir été choisie comme amie par Humbert et même si un sourire mystérieux se dessinait sur son visage chaque fois qu’elle entendait les autres s’interroger à son sujet, elle se gardait bien de leur dire quoi que ce soit. Bien sûr, elle aurait pu se vanter, mais elle avait trop peur de perdre son ami en agissant ainsi. Comme elle, Humbert était une personne secrète aimant le calme et elle le pensait capable de quitter la forêt si une horde d’enfants bruyants se mettait à troubler la paix de son royaume. Or, il était hor s de question pour elle de se retrouver seule à nouveau ou de peiner son unique ami. Elle se taisai t donc et se contentait de sourire face aux suppositions farfelues des autres enfants, le nez plongé dans un livre pour dissimuler son visage. La jeune fille avait rencontré cette étrange personne à peine un mois après que l’incendie ait ravagé sa maison et lui ait volé ses parents. Elle venait d’entrer à l’orphelinat dans lequel elle séjournait toujours. Elle n’aimait pas l’établissement en lui-même, mais elle adorait l’endroit où il se trouvait. Elle n’avait qu’à emprunter un sentier zi gzagant, derrière le potager, et elle se retrouvait rapidement en pleine forêt. Là, elle se perdait dans la contemplation des plantes et des animaux, soulagée d’être enfin seule et de ne plus avoir à donner le change aux autres. Tandis qu’elle errait, guidée par sa curiosité, elle pouvait oublier son chagrin, sa différence et la solitude qui en découlait. Même si personne ne se montrait malveillant envers elle, elle se rendait compte qu’elle n’avait pas les mêmes centres d’intérêt que les autres enfants. Ell e leur préférait la compagnie des livres qui lui offraient des aventures qu’elle ne vivrait sans dou te jamais et des personnages qui la touchaient plus que les personnes autour d’elle. Quant aux adultes, elle s’efforçait de les satisfaire en faisant ce qu’ils attendaient d’elle afin qu’aucun d’entre eux n’ait l’idée d’utiliser son pouvoir sur elle pour l’empêcher de vagabonder à sa guise. Lorsqu’elle était fatiguée de ses longues marches, elle s’asseyait sur une pierre, toujours la même, et ses pensées enfin libres de la tourmenter remontaient à la surface. Parfois, le chagrin la submergeait et elle se mettait à pleurer, loin des regards et des questions indiscrètes. Béatrix se rappelait parfaitement sa rencontre avec Humbert. C’était arrivé alors qu’elle se reposait sur la pierre après une errance de plusieu rs heures. Un bruit lui avait fait tourner la tête et elle s’était retrouvée face à un être des plus étranges. – Qui es-tu ? lui avait-elle demandé, un peu effrayée. – Je suis moi.
– Mais comment t’appelles-tu ? – On m’appelle Celui-de-la-Pierre, car j’habite sou s cette pierre. Derrière toi vit ma sœur, Celle-du-Chêne-Tordu. – Quel genre de créature es-tu ? avait continué Béatrix, que ces réponses avaient intriguée. La créature avait froncé les sourcils. Puis il avait répondu : – Nous sommes nous, nous ne nous nommons pas. Mais Ceux-de-la-Mer, nos cousins, nous appellent Ceux-de-la-Forêt. Nous avons toujours vécu dans cette forêt et notre peuple existe depuis bien plus longtemps que les humains. Nous en voyons peu par ici. Pourquoi es-tu venue t’asseoir sur le toit de ma maison ? – J’avais besoin de me reposer. – Et pourquoi pleurais-tu ? – Parce que je me sens très seule… Et des larmes avaient de nouveau inondé les joues de la jeune fille. La créature l’avait laissée s’épancher puis, quand elle n’eut plus d’eau salée à verser, Celui-de-la-Pierre l’avait regardée de ses yeux verts cerclés d’or. Béatrix s’était alors sentie plus calme. – Ça ne te dérange pas si je reviens demain ? avait-elle reniflé. – Tu es libre d’aller et venir. Ce n’est pas ma forêt. À partir de ce moment, Béatrix était revenue chaque jour au même endroit, sauf qu’elle ne s’asseyait plus sur la pierre. Petit à petit, son nouvel ami s’était montré de plus en plus communicatif. Un jour, la jeune fille lui avait déclaré, songeuse : – J’aimerais te donner un nom… – Pourquoi ? – C’est déroutant de ne pas pouvoir te désigner… – Pour moi ça n’a pas d’importance. Béatrix avait réfléchi, elle avait pensé à son chat, un compagnon qu’elle n’oublierait jamais, tout comme elle n’oublierait jamais l’étrange être qui était devenu son ami. – Humbert, ça te va ? – Ce nom n’a aucun sens pour moi, mais si tu l’as choisi, il doit être important. Si tu veux, tu peux m’appeler ainsi. Depuis deux ans, Humbert et Béatrix étaient donc amis. Mais l’étrange petit homme ne parlait pas beaucoup de lui, il préférait parler de sa forêt et de ses habitants, et surtout montrer les merveilles qu’elle renfermait à son amie. Une silencieuse complicité s’était construite entre eux au fil du temps, ils arrivaient à se comprendre d’un simple geste ou au travers d’un regard échangé. Un jour où Béatrix désignait un magnifique rayon de lumière faisant scintiller une toile d’araignée couverte de gouttes d’eau, Humbert n’eut aucune réaction. C’est ainsi que la jeune fille comprit que quelque chose n’allait pas. – Qu’as-tu ? lui demanda -t-elle. Les yeux verts cerclés d’or de Celui-de-la-Pierre scrutèrent le visage de la jeune fille. Il finit par dire : – Notre reine est morte. – Vous avez une reine ! s’exclama Béatrix, étonnée. – Oui, mais elle n’a pas de successeur, car elle a perdu ses enfants lors du Grand Froid, il y a une quarantaine de lunaisons. Elle aussi est tombée malade, mais elle a survécu. Le problème, c’est que tout le monde est digne de la couronne.
Humbert tourna brusquement la tête avant que la voi x ne se fasse entendre, alerté par son sixième sens. – Béatrix ? Où es-tu ? On l’appelait, sans doute pour le dîner… – J’arrive ! hurla-t-elle. – Je reviendrai te voir demain, chuchota-t-elle à l’adresse de son ami. *** La nuit était tombée. Assise à son bureau, Béatrix méditait ce qu’Humbert lui avait appris cet après-midi-là en griffonnant sur son cahier, incapable de se concentrer sur ses devoirs. Ainsi Ceux-de-la-Forêt avaient une reine ! Elle se demanda à quoi elle pouvait bien ressembler et où elle habitait. D’ailleurs, Ceux-de-la-Forêt, étaient-ils nombreux ? Comment choisiraient-ils leur reine ? Rêveuse, Béatrix se mit à tracer des mots dans son cahier et avant même de s’en rendre compte, elle écrivait une histoire. C’était la première fois qu’elle faisait une chose pareille. Trop intimidée par le talent des écrivains qu’elle lisait, elle ne s’était jamais sentie assez douée pour tenter de les imiter. « Il était une fois un peuple mystérieux qui vivait dans les bois. On les appelait Ceux-de-la-Forêt. Ils étaient vraiment étranges, avec leur petite taille, leur peau dorée et scintillante et leurs yeux verts cerclés d’or. L’un d’eux, Celui-de-la-Pierre, trouva un jour une humaine qui pleurait, assise sur le toit de sa maison. Elle vivait dans un orphelinat, car elle n’avait pas de famille… » À ce stade de l’histoire, une larme s’écrasa sur sa feuille, effaçant quelques mots. Béatrix renifla, puis elle reprit : « Celui-de-la-Forêt réconforta l’humaine, qui s’app elait Béatrice. La jeune fille revint chaque après-midi, et au fil des discussions, ils d evinrent amis. Elle donna même un prénom à Celui-de-la-Pierre : Humbert, en hommage à son petit frère. Un jour, il lui dit gravement : – Béatrice, notre reine est morte. Avant de fermer les yeux à jamais, elle m’a demandé de te trouver, pour que tu lui succèdes. Levant la tête pour planter son regard dans celui d e son amie, il ajouta : – Elle avait rêvé de toi. Elle m’a dit que celle qu i lui succéderait serait seule et malheureuse, qu’elle aimerait la forêt. Elle n’aurait plus de fa mille. Elle m’a aussi précisé que je n’aurais pas besoin de te chercher, car tu viendrais à moi. Et tu es là ! La jeune fille était interloquée par cette nouvelle. Elle, reine de Ceux-de-la-Forêt ? – Si tu suis ce sentier, continua Humbert, tu arriveras à une clairière. Vas-y demain, et je te présenterai à ta nouvelle famille. Humbert tourna alors les talons, la laissant seule pour digérer la nouvelle. Les bruits familiers de la forêt finirent par percer sa stupeu r et la faire revenir à la réalité. Les mots de son ami continuaient de résonner à ses oreilles tandis qu’elle marchait. Il lui offrait la chance de vivre parmi les siens, dans cette forêt qu’elle avait app ris à connaître et à aimer grâce à lui. Elle n’aurait plus à supporter l’agitation de l’orphelin at, elle pourrait être elle-même. À ces pensées, son cœur se mit à battre de plus en plus vite et un sourire radieux naquit sur son visage. Le lendemain, elle en était sûre, elle suivrait le sentier indiqué par Humbert. »
Béatrix bâilla et regarda la pendule accrochée au m ur. Quand elle vit l’heure, elle comprit pourquoi elle était si fatiguée. Elle glissa son histoire sous son oreiller et s’endormit en souhaitant de toutes ses forces être à la place de Béatrice. *** Appuyée contre un hêtre dans la forêt, Béatrix attendait Humbert. Quand celui-ci arriva enfin, un pli soucieux lui barrait le front. La jeune fill e l’accueillit d’un geste chaleureux de la main, comme à son habitude, et ils commencèrent à déambuler dans la forêt. – Notre reine est morte, annonça-t-il. – Je sais, tu me l’as dit hier… – Avant de fermer les yeux à jamais, elle m’a demandé de te trouver, pour que tu lui succèdes, dit-il. Béatrix ne pouvait en croire ses oreilles. Humbert avait dit mot pour mot ce qu’elle avait écrit ! Elle se pinça pour voir si elle ne rêvait pas. Non ! Elle était bien réveillée ! La marque rouge q ui était apparue sur son bras nu en témoignait. Et si tout se passait exactement comme elle l’avait imaginé ? Elle tenta sa chance : – Ta reine m’a choisie parce qu’elle avait rêvé de moi. Son héritière serait seule, malheureuse, et aimerait la forêt. Demain, j’emprunterai le sentier qui mène à une clairière, et tu me présenteras à ton peuple. Humbert s’inclina très bas. – Si tu sais tout cela, c’est que tu es vraiment notre reine. Je vais annoncer aux autres que je t’ai trouvée. *** De retour à l’orphelinat, Béatrix se précipita sur son cahier pour continuer l’histoire qu’elle avait commencée. Son histoire. Elle suçota le bout de son crayon, les yeux en l’ai r, en quête d’inspiration. Comment sa rencontre avec Ceux-de-la-Forêt allait-elle se passer ? Et si elle parvenait à l’écrire, est-ce que ses mots commanderaient à la réalité ? Un frisson d’anticipation la parcourut. Il n’y avait qu’un moyen de le savoir. Elle commença péniblement à écrire. Elle avait du mal à trouver ses mots. «Le lendemain, Béatrice se rendit très tôt dans la forêt. Elle brûlait de rencontrer le peuple d’Humbert au complet. C’est presque en courant qu’elle suivit le sentier indiqué par son ami. Elle arriva enfin dans la clairière. » La main de Béatrix noircissait le papier plus rapid ement. Désormais les mots lui venaient facilement. « Une centaine de petits êtres à la peau dorée se serraient dans l’espace dépourvu d’arbres. Quand ils virent Béatrice, ils inclinèrent tous la tête devant elle. Elle en fut très émue. Elle
s’approcha d’un tout petit être, un enfant : – Comment t’appelles-tu ? lui demanda-t-elle. – Je suis moi. M ais on m’appelle Celle-de-la-Souche , répondit la fillette d’une voix haut perchée. C’est alors qu’Humbert fendit la foule et se porta à sa rencontre. Il mit en genou en terre devant elle : – Ma reine, votre couronne ! Aussitôt, deux petites femmes amenèrent une sorte d e plateau fait de branchages entremêlés. Il était recouvert par un morceau d’étoffe semblabl e à celle qui servait de vêtement à ce peuple étrange. Sur ce coussin improvisé était posée la plus belle couronne que Béatrice eut jamais vue. Faite d’or blanc ciselé, elle imitait des brindille s de chêne s’entrelaçant. Les fausses feuilles d’arbre, sculptées dans du jade, étaient parfaitement imitées, ainsi que la rose sauvage de verre rouge piquée dans la couronne. On aurait presque pu sentir son enivrant parfum. Béatrice s’agenouilla pour recevoir le fabuleux présent. Humbert leva les bras pour poser cérémonieusement la couronne sur la tête de la jeun e fille. – Nous vous faisons reine, Béatrice, puissiez-vous en être digne durant votre règne. Elle se releva, le visage rayonnant. À ce moment-là , Ceux-de-la-Forêt scandèrent son nom. Deux petits hommes lui apportèrent une longue et ma gnifique robe à sa taille. Elle était faite de cette étoffe argentée qui coulait entre les doigts, comme liquide. Elle la passa par-dessus ses vêtements et une agréa ble chaleur l’enveloppa. Humbert lui annonça alors : – Nous avons commencé à te construire un palais, au plus profond de la forêt. Dis-nous comment tu veux qu’il soit et nous le bâtirons selo n tes instructions. Béatrice fut soulagée de l’entendre s’adresser à elle moins cérémonieusement. – Merci ! Ce fut tout ce qu’elle trouva à dire sur le moment. Puis elle ajouta : – Je vais y réfléchir cette nuit. » Béatrix reposa son crayon. Si on lui proposait de lui construire le palais de ses rêves, comment serait-il ? Déjà pas trop imposant, pour que des hu mains ne le repèrent pas au milieu des arbres. Elle avait conscience qu’elle devrait sans doute renoncer à la compagnie de ses semblables si elle devenait la reine d’un peuple qui avait su rester si secret… Les yeux dans le vague, elle laissa divaguer son imagination sans s’imposer aucune limite. Après tout, c’était son histoire à elle, tout lui était permis. Son palais serait donc de marbre, si Ceux-de-la-Forêt connaissaient ce matériau. Sinon, il serait de bois. Elle imaginait très bien le dôme étincelant de verre et d’argent, les fenêtres encadrées de noyer sculpté, les murs blancs et lisses, la grande porte à double battants… Et son lit ! Elle ne dormirait plus dans le lit de fer au matelas défoncé de l’orphelinat, non, elle passerait ses nuits dans un grand lit à baldaquin, de plumes et d’argent. Béatrix s’endormit en rêvant de son petit palais au milieu des bois. *** Le cœur léger, Béatrix suivit le sentier de mousse en sautillant comme un oiseau, son baluchon se balançant allégrement sur son épaule. Elle avait tellement hâte de rencontrer le peuple d’Humbert au grand complet ! Justement, ils étaient tous là, rassemblés dans la clairière dans laquelle elle venait d’arriver.
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