CHRÓMA
242 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

CHRÓMA , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
242 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« "Un phénomène mondial ? On coupe!!! J'ai dit on coupe ! Bulletin d'information exceptionnel. Dans une heure. Le ministère est en ligne ??? Bien sûr que je décroche !!!" C'était le branle-bas de combat au second étage. Affolées, les maquilleuses essayaient de donner une mine potable aux deux présentateurs vedettes de la chaîne, inhabituellement tirés du lit par une dépêche AFP pour le moins incongrue et rédigée en ces termes : "Disparition totale de la couleur rouge constatée depuis le lever du jour. Pas d'explication pour l'instant. Phénomène d'envergure planétaire à vérifier" ».
À mi-chemin entre thriller et roman d'anticipation, CHRÓMA dessine les errances de notre moderne humanité, en proie à la disparition des couleurs.
Haletant et sinistrement réaliste.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 mai 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334129695
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-12967-1

© Edilivre, 2016
Dédicace

À Sébastien,

Mon générateur d’intensité et inconditionnel amour,

Et à Elliot et Enée, les plus fabuleux gosses dont on puisse rêver.
1 Rouge
Les épingles en métal de son chignon couture lui entraient douloureusement dans le crâne. Elle se massa la tête et chercha le réveil. C’était l’un des rares objets qu’elle avait pensé à rapporter de chez elle, depuis qu’elle campait sur le chantier. Enfin, pas vraiment un bouge cette piaule. Plutôt une loge de luxe prêtée par sa gracieuse direction. D’un bras engourdi elle explora la table basse, bousculant tour à tour une bouteille de Bordeaux somptueusement vide, un cendrier, et la robe froissée qu’elle portait la veille pour la conférence de presse. Elle se frotta les yeux. Impossible de voir ces satanés chiffres. Ils avaient dû bien forcer sur la bouteille hier. C’est à ça qu’on reconnaissait une bonne équipe. Faut dire aussi qu’ils avaient enfin réussi à tout boucler avant le jour J. Le podium était monté, drapé dans un luxueux velours rouge qu’il avait fallu importer d’Inde. La maison ne se refusait aucun caprice pour mettre en valeur sa célèbre semelle. Alors quand le tapissier avait enfoncé le dernier clou, vers vingt-et-une heures, après plus de dix jours de boulot infernal, elle ne s’était pas privée de célébrer la fin des travaux. Responsable du défilé Louboutin, à son âge, c’était pas un poste qu’on laissait passer de sitôt.
« Allez ! Bouge-toi ma grosse ! », murmura-t-elle pour se donner du courage.
Dehors, tout était encore sombre mais il fallait qu’elle se secoue. Elle avait du pain sur planche.
Elle se leva et chercha à tâtons l’interrupteur de la machine à café.
Rien ne clignotait. Il y avait peut-être eu une panne pendant la nuit. Pas le temps de vérifier. Elle s’engouffra dans la salle de bain. Dernière vérification avant le coup de feu.
« Vingt-six tenues à inspecter, et avec un peu de chance, j’aurai le temps de me prendre un café croissant en terrasse avant l’envoi. »
Elle ferma la porte des bureaux de la direction et sortit son portable. Cinq heures vingt-huit. « Je peux pas monter au front sans anti-cerne », songea-t-elle en jetant un œil rapide à son reflet. Le miroir de l’ascenseur n’était pas tendre.
Dans le vaste vestiaire, elle fut rassurée d’apercevoir les portiques soigneusement étiquetés. Elle saisit son bloc notes et commença l’inventaire pour la quatrième fois en moins de vingt-quatre heures. Il n’y avait pas intérêt à ce qu’un bouton de manchette ne fasse défaut. C’est d’ailleurs grâce à la négligence de la dernière organisatrice qu’elle avait eu le poste. Parce qu’il manquait un foulard à un mannequin et que le plan du maître avait dramatiquement dévié par la faute d’une petite main. L’épervier voyait tout. Tenait la maison Louboutin dans ses gracieuses serres et ne tolérait aucun écart.
Capeline, chemisier, ceinturon. Elle biffa sa liste au fur et à mesure. Jupe, bas marron. Elle retourna le feuillet. Porte jarretelles ? Non pas sur la 14. Natasha. Dans quelques heures, elle dirait « Natasha » bien sûr. Les mannequins, susceptibles, n’aimaient pas être numérotés comme du bétail. Elle poursuivit, mâchonnant son crayon. Elle arrivait au bout. Blouse blanche, ceinture ocre, broche Art déco et bas résille.
Les chaussures, reines de la cérémonie reposaient dans un écrin de cuir, au bas de chaque portique. Prêtes à être enfilées, gueules ouvertes.
Ah ! Posséder une paire d’escarpins Louboutin ! Elle en avait rêvé depuis ses douze ans, ne comptant plus le nombre de ballerines dont elle avait peinturluré la semelle au vernis à ongles rouge, pour imiter la prestigieuse signature.
Nostalgique, elle s’agenouilla devant le dernier lot et prit un escarpin dans la main. Mais alors qu’elle le remettait en place, pressée de siroter son expresso, son sang se figea.
La semelle. Elle se frotta les yeux. Grise. Pas rouge. Pas flamboyante ni luisante comme toute Louboutin qui se respecte. D’un cendre mat à glacer les os.
Elle jeta la paire en vrac dans la boîte et se précipita sur le portique 25. Arracha les escarpins noirs et les brandit au dessus d’elle, dans le faisceau de lumière crue.
La même semelle cendrée. Elle hurla. Qui ? Qui avait osé lui faire un coup pareil à quelques heures à peine du coup d’envoi, du défilé de fin d’année pour lequel ils avaient tous bossé comme des dératés. Elle continua l’inspection, le souffle court. Portique 23, 22, 21.
Gris, du gris et encore du gris. C’etait à en devenir dingue.
De plus en plus essoufflée, elle retourna les écrins, arracha les souliers pour passer, toujours plus vite aux suivants. Toutes les chaussures avaient été subtilisées, et remplacées par leurs jumelles, à un détail prés. Désormais, toutes les semelles en berne affichaient un gris sombre du plus mauvais augure.
Reste calme ma fille. Respire. C’est forcément une blague. Les Louboutin d’origine doivent être planquées quelque part. On me fait un sale tour pour tester mon sang froid. C’est ça. Un dernier examen de passage pour voir si j’ai l’envergure pour le poste. Un coup de l’épervier qui veut s’assurer que la petite jeune tient la route. Alors on se ressaisit, et on cherche où papa lapin a caché les chaussures d’Alice. Elle s’épongea le front d’un revers de manche. Tant pis pour les restes de fond de teint sur le coton blanc. Il fallait qu’elle fasse vite. Le podium. Elles ne sont sûrement pas loin du podium.
Enjambant les couvercles épars, elle se rua vers la sortie, jusqu’à la salle de spectacle. Où est ce putain d’interrupteur ! Elle chercha en vain le pointeur clignotant, plaqua sa paume sur la moulure et rencontra enfin le rectangle froid. Lumière.
Au premier coup d’œil, elle sut que quelque chose clochait. Les secondes qui suivirent confirmèrent le drame qui se dessinait dans sa rétine révulsée. Le merveilleux velours qui drapait le podium, ce bijou d’Inde payé au prix fort et fixé avec tant de méticulosité toute la semaine, l’écrin suprême de ce temple de la chaussure ; pas rouge.
Gris.
Alice sentit son pouls s’accélérer brutalement.
Assieds-toi. Il y a forcément une explication. Réfléchis. Elle voulut se ronger les ongles. Au point où elle en était maintenant la manucure pourrait bien se fendre d’une petite retouche de dernière minute. Elle allait s’attaquer au pouce. Il ne lui avait fallu qu’une demi-seconde pour s’en dissuader. Le temps de constater que le carmin sublime qu’on lui avait appliqué la veille avait cédé place à un gris sombre, d’un terne effrayant. D’un bond elle attrapa son sac et bondit vers la rue. Il fallait qu’elle sorte. Tout de suite.
Sur le trottoir, l’air frais lui fit du bien. Elle s’assit sur le banc, près du kiosque à journaux.
D’abord, téléphoner. Elle se ravisa : « Je ne peux appeler personne. Si l’épervier découvre ça, il me vire ». Elle passa une main nerveuse sous la boule de son chignon défait et en sortit une épingle. Elle commença à la mordiller pour rassembler ses esprits. Elle ne trouvait pas le fil. Aucune explication plausible ne faisait sens dans son esprit en vrac. Et le temps pressait. Elle leva la tête en sursaut. Toute en proie à son agitation, elle n’avait pas vu le chaos qui semblait avoir pris possession de la rue, au carrefour.
Il était à peine six heures, et pourtant la fourmilière s’agitait dans ce quartier tranquille.
– Ça fait une plombe que je leur dis qu’avec ce nouveau maire, tout l’équipement de la ville va partir à veau l’eau ! Et un feu de carrefour principal en plus ! En pleine semaine !
Elle regarda le vieux, qui secouait sa canne en direction du feu de signalisation. Deux voitures étaient encastrées de part et d’autre du poteau. Dans l’un des véhicules, on entendait les cris d’un bébé.
Alice sortit de sa torpeur :
– Vous avez appelé les pompiers ?
– Parce que vous avez du réseau vous peut-être ?
Elle regarda tour à tour le vieux et son portable, qui n’affichait même pas une barre. Dans ces conditions, impossible de passer le moindre appel, effectivement. Et cela n’arrangerait en rien ses affaires. La rue s’encombrait de plus en plus et les premiers techniciens de sa boîte n’allaient pas tarder à arriver. Et ils chercheraient à la joindre, elle, Alice, la grande organisatrice du défilé Louboutin, qui avait mis un point d’honneur à dormir seule, sur les lieux du sacre à venir, pour s’assurer, en grande professionnelle qu’elle était, que tout serait parfait. Comme si elle en était capable. Rien n’était moins vrai en cette froide matinée.
Les cris du nouveau-né la tirèrent de ses ruminations. Par miracle, elle entendit simultanément la sirène des pompiers. Son soulagement fut de courte durée pourtant : le véhicule qui débarqua à vive allure pour freiner brusquement aux abord de l’accident n’avait rien du rassurant camion flamboyant de son enfance. On pouvait bien y lire les lettres « POMPIERS » en caractères blancs. Mais elle sut ce qui clochait. Tout de suite.
Lettres blanches en berne sur un fond gris. Implacablement et désespérément gris. Elle entendit des murmures autour d’elle. Les pompiers eux-même semblaient perplexes.
– Poussez-vous ! Tout le monde s’écarte. Pour la couleur du camion, on n’en sait rien non plus !
Ils étaient quatre. Le plus vif, un antillais costaud qui devait mesurer pas moins de deux mètres se précipita sur la portière. Il la plia d’un coup de genou.
– Amenez-moi la perf et le masque à oxygène ! Y a un bébé encore en vie là-dedans bon dieu et j’peux rien faire pour lui si vous me laissez pas bosser !
Effectivement, une quarantaine de personnes étaient maintenant attroupées autour du camion gris. La perplexi

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents