Déliquescence
250 pages
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Déliquescence , livre ebook

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Description

Luc se découvre d'étranges capacités. Une fois, il est éjecté de son corps et plane sur un paysage minéral. À l'école il s'amuse à communiquer mentalement avec Hervé. En juillet 1969, l'adolescent vit ses premiers émois amoureux, l'alunissage historique et les injonctions télépathiques d'un homme désespéré : « sauve-toi vite, quitte cette planète ». Deux ans plus tard, il déploie avec Magalie ses capacités hors normes, jusqu'au brusque départ de la jeune fille. Finies leurs escapades de lycéens, leurs expériences secrètes, leurs unions charnelles suivies de décorporations. Devenus des « éveillés » en partance, ils survolaient des paysages lunaires. Ils ignoraient encore tout du destin des « éveillés ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 décembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342046243
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Déliquescence
Patrick Matagne
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Déliquescence
 
 
 
À Mariangeles, Marie et Jean-François.
Qu’ils soient remerciés pour leurs encouragements bienveillants et leur lecture exigeante.
 
 
 
 
Prologue
 
 
 
Une rafale de petits coups secs crépite dans le silence creux de l’appartement. Figé devant le placard ouvert de la cuisine, il suspend sa quête d’un verre propre.
Une seconde salve fait vibrer sa porte. Alors il pivote lentement sur lui-même, se décide à abandonner sa bouteille de whisky sur l’évier, progresse vers l’entrée, actionne le verrou et ouvre.
Elle est magnifique dans son tailleur vert pastel. Elle porte un pendentif en or avec un cœur d’ambre. Ses yeux d’émeraude sont lumineux.
Il se trouve pitoyable dans ses vêtements froissés, avec sa tignasse en pagaille, incrusté depuis des lustres dans son appartement de célibataire endurci. Il l’imagine dans les bras d’autres hommes. Dans les bras de ceux qui lui ont succédé. Il a mal. Il se fait toujours mal depuis qu’elle est sortie de sa vie.
Elle coupe court à ses errances noires en lui balançant en une seule fois, comme un volumineux colis, l’histoire de toute une vie. Cette histoire dit qui elle est devenue, les épreuves qu’elle a traversées au cours de ces trente dernières années.
Le choc est si violent qu’il est plaqué en arrière contre le mur, comme on peut l’être après avoir fait usage d’une arme dont on ne maîtrise pas la puissance du recul. La douleur fuse de son bras gauche immobilisé par une attelle. Il glisse lentement, en grimaçant, pour finir tassé sur le carrelage froid. Il sait tout d’elle. L’accident, la lettre, Bogota, l’hôpital psychiatrique, le réseau.
Il se sent petit. Il lui communique la substance de sa médiocre vie. Il n’a jamais rien tenté, rien osé. C’est un couard. Un minuscule bonhomme sans envergure qui s’est arrangé de la vie, a cédé à quelques plaisirs mesquins et pris la fuite dans un brouillard alcoolique. Tout son être le répugne. Il n’est jamais assez imbibé pour parvenir à anesthésier ce dégoût de lui-même.
Maintenant il sanglote comme un enfant, recroquevillé, à terre, entre l’évier et le balai de la cuisine. Pitoyable lambeau d’homme.
La tête en arrière, ses yeux embués accrochent la boucle de la ceinture qui scintille entre les pans de la veste ouverte. Ainsi prostré, il la désire.
Comme dans un rêve il la voit amorcer une interminable descente. Un genou s’échappe de sa jupe tandis que l’autre aborde le sol en douceur. Son buste se stabilise à la hauteur du visage de Luc. Les bras de la femme entourent ses épaules, le forcent à venir blottir sa tête sur sa poitrine. Un parfum de miel et de vanille l’enveloppe. C’est elle. Elle est toujours aussi déterminée, aussi forte, aussi tendre et aimante.
Ils s’appartiennent. Le temps et l’espace n’y font rien. Ils ne se sont jamais perdus.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’éveil
 
 
 
« Ceux qui rêvent éveillés ont conscience de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent qu’endormis. »
Edgar Allan Poe. « Eleonora ». Histoires grotesques et sérieuses .
 
 
 
 
Les premiers signes
 
 
 
Quand le monstre bleu redémarre après m’avoir largué, je reste planté devant l’arrêt d’autobus pour épier le chauffeur. Il manipule un grand tube terminé par une boule de métal. Il fait une grimace quand il le pousse vers l’avant. Les grosses veines de son bras se gonflent, comme celles de tonton Charles quand il fend son bois. On entend des craquements, la porte en accordéon se referme avec un gros soupir et la carcasse tremble. Si la bête ne disparaissait pas en grondant à l’angle du cimetière, je resterais encore plus longtemps à regarder les bouffées de fumée noire s’échapper de son derrière.
Les cuisses collées au siège en plastique, aujourd’hui ça ne va pas. J’ai mal aux bras et aux jambes. Il faut pourtant que je me lève. Je descends au prochain arrêt. La tête me tourne. Soudain, une épée de feu traverse ma poitrine, me coupe la respiration et me fait cogner la vitre de la tête.
* * *
« Il n’a rien, aucun symptôme madame Geneton. Sa tension est bonne, il n’a pas d’anomalie cardiaque. Son électro-encéphalogramme est normal ainsi que ses analyses de sang et d’urine ». Je ne comprends pas grand-chose à ce charabia qui me réveille, mais je croise le regard soulagé de ma mère et cela me suffit. Mon mal de tête se fait tout petit. L’homme en blanc qui m’examine maintenant en silence ajoute en rangeant dans un sac noir un drôle d’appareil avec un cadran et des tubes en caoutchouc, qu’encore inconscient je n’ai cessé de balbutier : « je suis éveillé, je suis éveillé, je suis éveillé. »
Ma mère m’explique que le chauffeur m’a trouvé sur mon siège, un filet de sang séché en travers du visage, alors qu’il inspectait son car, parqué comme d’habitude au dépôt à la fin de son service. Moi, j’ai l’impression d’avoir été éjecté de mon corps, d’avoir voyagé au-dessus de montagnes grises, avant de tomber d’une falaise sans fond. J’ai beau n’avoir que huit ans, il ne faut pas me raconter d’histoires. Je n’ai pas rêvé. Tout ça n’est pas normal.
* * *
C’est la rentrée. La nouvelle maîtresse a placé les petits au premier rang et les grands dans le fond. Je n’aime pas être devant mais je suppose que c’est comme ça dans toutes les classes de l’école cette année. Elle a l’air de savoir ce qu’elle veut. La preuve, dès le premier jour, elle commence par une leçon de calcul.
Assis juste sous le regard de la maîtresse, j’écris un résultat à la craie. Aussitôt je l’efface. J’ai dû me tromper dans la table de sept. Je commence à compter sur mes doigts mais une image bizarre m’empêche de me concentrer : une figure joufflue rebondit dans ma tête comme un ballon et me crie quelque chose. Avant de comprendre ce qui m’arrive, un ressort invisible me projette si brusquement de mon banc que mon ardoise m’échappe. Elle fait une drôle de pirouette et se brise sur un angle de l’estrade. Ma table a stoppé ma chute vers l’avant. Je viens de comprendre ce que la tête-ballon me répète en criant dans mon cerveau. Je m’appuie des deux mains sur mon pupitre pour me redresser, me dégage, prends un crayon et marche comme un robot jusqu’au fond de la salle. Je le donne à un gros garçon que je ne connais pas, assis au dernier rang. J’ai fait tout ça comme dans un rêve cotonneux. Il m’a suffi de me laisser guider par un fil noir se détachant d’un épais brouillard. Il s’évapore et la classe réapparaît. Je sens sur ma nuque le souffle tiède de l’institutrice essoufflée qui vient de me rattraper. Je me retourne. Elle s’est penchée de travers et regarde par-dessus mon épaule. Elle découvre avec moi que l’élève resté assis, calme et souriant, a écrit sur sa table : « Luc, donne-moi un crayon. »
Il pose l’objet dans la rainure de sa table. La tête-ballon qui danse encore devant mes yeux est souriante. Elle ressemble à la figure ronde de ce garçon qui sourit aussi. La tête-ballon qui est dans ma tête devient boudeuse. Je sais que c’est un jeu. Nous regardons alors la maîtresse en faisant une mine renfrognée, que nous transformons aussitôt en un large sourire. Elle devient toute pâle, se met à bafouiller, passant un doigt tremblant sur l’encre encore fraîche. On ne comprend rien à ce qu’elle raconte mais ça nous est égal. Les autres élèves tendent le cou vers nous. La maîtresse à l’air de s’en apercevoir seulement maintenant. Elle tousse et dit en séparant les mots comme pour une dictée : « Hervé, efface ça tout de suite. »
Elle n’attend pas qu’il ait fini de faire l’inventaire de sa trousse pour se sauver vers son bureau. Elle tombe sur sa chaise, passe un mouchoir sur son visage et reprend la leçon d’une voix aiguë. On dirait qu’elle ne nous voit plus. Je retourne alors tranquillement à ma place, laissant Hervé, toujours souriant, barbouiller l’encre avec un minuscule bout de gomme bleue.
 
 
 
Les cahiers jumeaux
 
 
 
Ça y est, on a réussi. Nos cahiers de jour sont identiques. Mêmes réussites, mêmes erreurs de calcul, mêmes fautes d’orthographe. Au début de l’année des ratures les distinguaient. Il fallait d’abord que chacun écrive sa réponse puis voie dans sa tête celle de l’autre. Après une sorte de chamaillerie mentale, l’une des deux était gardée, l’autre corrigée. Maintenant il suffit de cligner des yeux pour voir nos deux cahiers, comme si on était assis au même pupitre.
Depuis les vacances de la Toussaint on s’entraîne à distance à guider la main de l’autre : une phrase avec la grosse écriture ronde d’Hervé, une autre avec la mienne, pointue et penchée. On reste bien tranquilles, mais dans nos têtes c’est la fête. C’est comme si on était dans une autre classe, copie parfaite de la vraie, dans laquelle on sauterait de joie. Deux lutins qui dansent quand tout le monde est endormi.
Aujourd’hui on a décoré les marges de nos cahiers avec des petits dessins identiques. Fleurs, fusées et bateaux s’alignent en frises verticales.
 
 
 
Hallucinations
 
 
 
Moi, Josette Goffart, institutrice, une des meilleures de ma promotion de 1962, je ne vais pas me laisser déstabiliser par deux enfants. Je vais régler cet incident discrètement pour éviter d’être confrontée aux réactions, voire aux quolibets de mes collègues. Je les entends déjà ricaner : « Ils sont plus malins que toi ces deux gamins, et ils n’ont que neuf ans » ; « fichtre, ils ont inventé une nouvelle manière de copier l’un sur l’autre et tu n’y as vu que du feu » ; « tu as

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