Démoncratie
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Démoncratie , livre ebook

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Description

La Réunion en 2089


Dans un monde dévasté par la guerre depuis plusieurs décennies, une île abandonnée dérive sur l’océan indien, avec à la barre un capitaine psychopathe et un équipage incompétent. Quant aux passagers survivants, ils galèrent.


Octave Montgâté, petit chef de chantier arriviste, habitué à maltraiter son épouse Isabelle comme son adjoint Sylvain, se montre en revanche servile devant la dictature régnant sur l’île de Maskarenas. Un jour, Octave provoque une explosion fatale dans la carrière qu’il dirige. Peu après, il est enlevé par Mickael, un rebelle qui le fait chanter : soit il aide ses compagnons à tuer son « ami » le roi Alphonse, soit ils le dénoncent. Le coup d’État réussit, mais la nature se met de la partie.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 mars 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782368329900
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Démoncratie
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu'ils produisent à la demande et pour le compte d'un auteur ou d'un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
 
Alain Bled
Démoncratie
Maskarenas 2089
Roman d’anticipation



I - OCTAVE
Accoudé au balcon de sa résidence, le ventre incrusté dans les barreaux comme un travers de porc sur le gril, Octave Montgâté contemplait le coucher de soleil en contrebas, sur la décharge de L’Étang-Salé. Ses lunettes solaires de grande marque, serties de rubis – la tendance en cette année 2089 – protégeaient ses yeux globuleux des reflets de sa piscine dont les eaux scintillantes se confondaient avec celles de l’océan indien, lui cachant la vue de Saint-Alphonse. Mais quelle importance ? Les villes de Maskarenas étaient devenues au fil des ans aussi moches que sa campagne. Vu du large, l’intérieur de l’île était passé en un demi-siècle à peine, du vert bleuté au gris-marron. Même les nuages s’accrochaient moins au relief qu’autrefois. Aux périodes de sécheresse succédaient, en été, de violents cyclones qui ravinaient le sol et brunissaient l’océan d’une terre perdue pour l’agriculture, et mortelle pour toute vie marine.
Octave Montgâté avait gravi l’échelle sociale en écrasant les mains et en piétinant les orteils de ses rivaux, tout en sciant quelques barreaux sous leurs pas ; parfois même, en les poussant dans le vide. Il n’était pas du genre à se poser des questions morales ou existentielles. Tout au moins, jusqu’aux tragiques événements qui allaient marquer ce début d’hiver austral. Sa seule philosophie consistait à profiter de la vie. Pour lui, elle ne constituait qu’une voie sans issue, une impasse mortelle. En conséquence, il ne fallait pas hésiter à flâner en route.
Très tôt, Octave avait compris qu’il était temps pour lui de se ranger du côté des gagnants. La guerre faisait rage en Europe, le monde entier connaissait une crise sans précédent ; des politiciens à la fois corrompus et fanatiques avaient pris le pouvoir dans de nombreux états. Cette escalade vers le chaos découlait des crises financières, des inégalités, et du retour à des croyances moyenâgeuses sous prétexte de revendications identitaires ou religieuses. Les changements climatiques ne faisaient qu’aggraver la situation, entraînant pénurie d’eau et de ressources énergétiques, déplacement de populations, et conflits en tous genres…
Octave en déduisit que la France se verrait rapidement contrainte d’abandonner ses dernières possessions ultramarines, à commencer par celles de l’océan indien. Le jeune homme, raté définitif, trouva son salut dans l’équipe d’un indépendantiste local qui s’était autobaptisé Fêtnat, prétendant ainsi marquer son ironie pour le colonisateur en difficulté.
Dès l’âge de 15 ans, Octave faisait ses premières armes pour son mentor, en collant des affiches et en cassant quelques gueules d’opposants.
Sitôt que Fêtnat se fut proclamé roi, le jeune ambitieux put donc obtenir ses galons de contremaître. Cinq ans plus tard, il supervisait déjà le transport des andains, roches, et galets jusqu’à la mer, en vue de la reconstruction de la nouvelle route littorale. L’ancienne avait été détruite par un cyclone en 2042, deux ans avant l’Indépendance. Des milliers d’ouvriers creusèrent la roche du fond des rivières au sommet des montagnes pour reconstituer cette voie sur l’océan. Des experts osèrent prétendre que tous ces travaux deviendraient rapidement obsolètes, puisque les automobiles étaient de plus en plus rares. Mais après avoir été convoqués par Fêtnat 1er, ils revinrent sur leur opinion, Le roi proposa même aux plus sceptiques d’aller travailler quelques mois sur le chantier, pour se faire une idée du bien-fondé de ce grand projet.
Rêvassant sur son balcon, Octave revivait tous ces événements qui lui semblaient à la fois si proches et si lointains. Il avait connu trois rois différents. Chaque souverain, à peine élu, prenait un malin plaisir à défaire tout ce qu’avait créé son prédécesseur. Ainsi, le nom de l’île-nation avait été modifié trois fois en cinquante ans. Et toujours par un retour vers le passé. La Réunion redevint Bourbon, puis Mascarin, et enfin Maskarenas. Pourtant, les bouleversements politiques n’avaient jamais déstabilisé le petit arriviste cupide qu’il était demeuré. Octave avait progressé au même rythme que son pays s’affaiblissait. Il n’était que l’un des suceurs de sang, qui, du moustique au vampire, rendaient l’île exsangue.
Je suis devenu un requin , pensa-t-il. De nos jours, seuls les carnivores peuvent survivre… Et dire que durant mon enfance naïve, je souhaitais être une baleine…
À l’époque qui nous intéresse, la plupart des quarante-quatre mille Maskarins survivants ne connaissaient guère leurs origines. Le roi Fêtnat 1er avait en effet ordonné la destruction de l’intégralité des archives antérieures à son règne. La plupart des relations avec les autres nations furent coupées, ainsi que de nombreuses têtes. L’État brouilla au maximum les liaisons satellites déjà mises à mal par le conflit international. Ainsi l’île se referma sur elle-même comme une huitre sans perle, un coffre sans trésor, un corps sans âme.
Le jeune Gustave, fils du pseudo-libérateur de Maskarenas se lançait souvent dans d’âpres discussions avec son père, dénonçant ce projet de nouvelle route qu’il jugeait aussi coûteux qu’inutile. Aussi, dès que Fêtnat 1er chuta stupidement du parapente que pilotait son rejeton, et sombra dans les eaux de la côte ouest, ce dernier mit fin aux travaux. Gustave, autoproclamé Fêtnat II en mémoire de son père, jugea plus urgent de sauver l’agriculture en récupérant de la terre fertile partout où elle n’avait pas encore disparu. Il prit donc la décision de supprimer le statut de réserve naturelle qui protégeait encore un quart de l’île.
Ayant toujours fait preuve de diplomatie envers les deux protagonistes, Octave, dès l’avènement du nouveau souverain, fut reconduit comme responsable des nouveaux chantiers d’extraction de terre. Il espérait devenir ministre de l’Équipement, mais n’ayant aucun lien de parenté avec la famille royale, il dut renoncer à ce rêve.
Il se considérait toutefois comme privilégié. Dès l’âge de 27 ans, il avait pu s’offrir cette grande villa blanche, au style aussi colonial que prétentieux, dominant l’ex-Saint-Pierre de La Réunion ; ce qui lui évita de subir le sort des riches habitants de la côte, tous engloutis trois ans plus tard par le grand tsunami.
Il possédait donc l’essentiel, mais aussi le superflu. Le super-flou, pensa-t-il avec un sourire amusé. Il faisait bien sûr allusion à tous ces produits et jeux inutiles que le pouvoir et ses alliés proposaient aux plus pauvres pour leur faire oublier leur sort. Chaînes de grands magasins, chaînes de télévision, chaînes de motos… Certes, tout cela avait disparu depuis la Grande Guerre, remplacé par les chaînes d’un autre esclavage mental. Le collier paraissait moins serré, mais la laisse était de plus en plus courte.
Octave n’était pas dupe des turpitudes du Pouvoir. Toutefois, il en tirait trop d’avantages pour ressentir le moindre scrupule.
Ses parents avaient connu une vie misérable, lui avaient fait une enfance misérable ; ils étaient trop honnêtes pour réussir, pensait-il. Aussi les avait-il quittés très tôt. De toute façon, ils avaient dû être égorgés comme des moutons qu’ils étaient, durant la Grande Purge de 46.
Au fil du temps, Octave était passé du pragmatisme au cynisme. L’âge le rendait à présent moins combatif. Il se posait parfois des questions, observant les rides de son visage ingrat, les comparant à celles de son île défigurée. Il prenait alors conscience de se diriger vers le crépuscule : même le soleil ne l’éblouissait plus. À l’instar de son pays, que l’astre du jour peinait à éclairer, tant sa lumière se perdait à travers la fumée des brûlis et la poussière des chantiers.
Mais ce genre de pensées, Octave les chassait bien vite. Se remettre en question était d’autant plus douloureux que le temps avait figé ses certitudes. Comment oserait-il renier tout son passé, s’avouer qu’il s’était trompé durant toute sa vie ?
Il regardait le soleil s’apprêtant à toucher l’horizon. Sombrerait-il lamentablement dans l’océan, caché par les nuages, ou terminerait-il sa course en apothéose ?
Son apogée à lui, Octave, ne l’avait-il pas connue au cours des années 50 ? À cette époque il s’était lié d’amitié avec un certain Alphonse Boyer, alors ministre de la Justice. Sur la proposition de ce dernier, Octave organisa une tournée de ses chantiers pour Fêtnat II. C’est lors de cette visite officielle que, de nouveau, un tragique et imprévisible accident priva Maskarenas de son souverain ; deux ans seulement après son couronnement. On ne retrouva jamais le corps, l’éboulement l’ayant enseveli tout au fond de la montagne. L’enquête, supervisée par le ministre de la Justice, lava Octave de tout soupçon. Des témoins affirmèrent, dans un premier temps, avoir entendu un bruit d’explosion au-dessous de la falaise d’où le roi contemplait la carrière ; mais ils revinrent rapidement sur leurs déclarations.
C’est ainsi qu’Alphonse Boyer, de sombre corbeau du Pouvoir, devint Alphonse 1 er , autoproclamé le Grand Papangue 1 .
Ah, le Grand Papangue, 33 ans qu’il nous tient dans ses serres… songea Octave en quittant son balcon pour regagner le salon. Il méritera bien après sa mort la meilleure place au Muséum. Empaillé et exposé au public dans la vitrine principale, afin que les générations futures ne l’oublient pas. Il contribua grandement à rétablir l’ordre et la prospérité, grâce à des lois sévères, certes, mais qui

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