L Ancestral
84 pages
Français

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L'Ancestral , livre ebook

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Description

Fantastique - 145 pages


Daphné avait surpris certains mots poindre d’entre les chuchotis acerbes.



Superbe... seins ronds et parfaits... une esclave pour le Maître...


Ces flagorneries ne l’avaient pas rassurée une seconde. Les bras croisés sur sa poitrine affermie par la fraîcheur des lieux obscurs, ses doigts crispés sur le tronc du cierge, Daphné s’était mise à marcher, à reculons. Son dos avait alors rencontré un mur. Et ce mur avait frémi. Elle n’avait pas eu le temps de pivoter que de longs bras s’étaient refermés sur elle. Une bouche s’était posée sur sa nuque. Un souffle chaud avait anesthésié son échine. Daphné avait lâché un cri qui s’était perdu dans le cloître aux voussures invisibles. Elle avait senti le cierge glisser d’entre ses doigts. Il était tombé sur le sol dallé de marbre. La flammèche avait fusé sur les cannelures des pavés, pour devenir une ligne de feu qui n’avait cessé de poursuivre un tracé. Daphné s’était trouvée au centre d’une figure géométrique, une étoile, aux cinq branches flamboyantes. Le miroitement bistre du feu s’était reflété sur son corps. Cet homme, puissant, dans son dos, l’avait enserrée, l’empêchant de se débattre.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 6
EAN13 9782379613005
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Ancestral

Seul à les entendre, seul à les voir, seul...


Greg Hocfell
Seul à les entendre, seul à les voir, seul...


Greg Hocfell





Mentions légales
Éditions Élixyria
http://www.editionselixyria.com
https://www.facebook.com/Editions.Elixyria/
ISBN : 978-2-37961-300-5
Photo de couverture : Joe Pchatree
Aux gosses que nous étions,
franchissant le seuil du vidéo-club,
pour aller musarder devant le rayon
« Horreur/Fantastique »...
1

Ce 15 octobre de l’An de Grâce 2007, Daphné potassait son algèbre dans sa piaule. Au rez-de-chaussée, son père espérait qu’elle travaillait vraiment (il essuya ses mains grasses de vinaigre et se prépara à découper les tomates en fines rondelles).
Une voiture passa en trombe dans la rue des Belvédères, une grosse cylindrée que devait conduire le trafiquant notoire du coin, plutôt : de la zone de non-droit qui se trouvait un peu plus bas, une vitrine où les représentants du délit organisé étaient en démonstration permanente.
Claude entendit le poste radio de sa fille saturer sur Slipknot. Tout à l’heure, ce serait le tour de Muse. À son âge, son père avait écouté du Metallica, du Sepultura, oh il en écoutait encore – ces bands n’étaient pas six pieds sous terre, ils avaient leur mot à dire et à hurler, mais voilà, les temps changeaient, et les sons aussi. Et les mœurs, ouch...
Havre de calme où une vingtaine de familles, plutôt aisées, y coulaient des jours relativement paisibles, le Mesnil des Peupliers recevait pourtant la visite de plus en plus régulière de la Gendarmerie ; on ne comptait plus les portières forcées, les parterres de jardin piétinés par des jeunes pour qui la cocaïne figurait un simple condiment acheté au dealer bio du coin.
La fille de Claude ne sortait jamais sans son lecteur MP3, fichue d’une jupe deux fois trop courte, d’un bustier noir à bandes rouges, de bas en dentelles aussi sombres que le plumage d’une corneille, et chaussée de bottes gothiques à semelles compensées. Avant de rejoindre la faune du centre-ville où l’y attendaient ses semblables dont la taille moyenne dépassait le mètre quatre-vingts, la jeune fille aux dix-neuf hivers s’étudiait dans son petit miroir de poche, estompant le fard violet autour de ses yeux gris vert.
Elle était belle... Sa chevelure ondulée, comme trempée d’une liqueur de charbon, la hissait à la plus haute marche du podium des beautés ténébreuses. Claude lui faisait une confiance aveugle quant à ses fréquentations, mais bon, il ne faisait pas semblant d’être naïf. Depuis sa séparation avec Mathilde, sa femme, Daphné avait changé de ton, à tout point de vue. Elle... s’émancipait ?
L’homme presque cinquantenaire surveillait la cuisson des deux cent cinquante grammes de steaks hachés. Il espérait que Daphné ne tordrait pas le nez sur ce plat lorsque sonnerait le souper.
Il savait que sa fille l’aimait... tout autant qu’elle avait aimé sa mère. Sous ses airs taciturnes, c’était un blindage en cristal ; pétrie d’une grande sensibilité, elle pouvait éponger bien des larmes en cachette dans sa chambre, et le rock chargé de testostérone n’était qu’un badigeon sur cette misère.
Pendant que la viande mijotait, Claude alla fermer les volets du salon. Les feuilles de chêne virevoltaient avec fureur dans le jardin, la haie de brande était secouée par un vent puissant qui promettait des pointes à 80 kilomètres à l’heure, et ce dès cette nuit.
L’écran plasma était resté allumé, en mode silence ; les infos passaient en continu sur Live-T ; Daphné avait regardé des clips sur une chaîne musicale, avait zappé comme seuls zappaient les jeunes d’aujourd’hui et avait oublié d’éteindre. Une manie chez elle de tout laisser allumer, l’ordinateur, le lecteur CD, percolateur à café, chargeur..., tout l’arsenal électrique d’une maison.
Claude Rochefort éteignit l’écran et ramassa le pot de yaourt vide renversé sur la table basse, avec la cuillère souillée qui avait laissé une traînée sur les carreaux en terre cuite.
La goutte d’eau qui fit déborder le vase, il héla.
— Daphné ! D AAAFFFFF  !
La jeune fille ne répondit pas, elle n’entendait point ou faisait mine, retranchée derrière les remparts de décibels à défendre sa chambre.
Le fumet des steaks et des pains burgers serpentait jusqu’ici, fin et alléchant. Claude avait le temps de monter dire deux mots à sa diablesse.
Allez, une dernière fois ?
— D AAA  ! P HNÉÉÉ  !
Il avait rugi. Ni plus ni moins.
— Daphné Rochefort ! soupira-t-il ensuite sans colère, en montant les premières marches moquettées de l’escalier.
Une guitare électrique entamait un solo.
Lorsqu’il entrouvrit la porte, après y avoir tambouriné, il vit sa fille de dos, voûtée sur son bureau, pianoter sur son ordinateur portable.
— Daphné, j’existe, je vis dans cette maison !
— Kekya, p’pa ? souffla-t-elle, blasée.
— Kekya ?! La téloche allumée, le pot de yaourt sur la table et... les miettes de cookie sur la banquette, j’ai trouvé ça pas mal, mais peut mieux faire. Merde, tu exagères ! Tu ne ferais pas ça si maman était là !
— Eh bien... fais comme si maman était là, p’pa !
— Tu apprendras à respecter ton père, Daff ! Tu ramasseras cet innommable bazar ! Je ne rangerai rien !
Pourquoi Claude était-il moins sévère avec sa fille que ses parents ne l’avaient été avec lui ? Les mœurs actuelles devaient sûrement contenir l’explication à cela.
— On mange dans un quart d’heure. Tu descendras de suite, je ne tiens pas à déguster des galettes de pneu en guise de burgers.
— Je sais pas si j’ai faim, p'pa.
Tes petits tarés de copains de cons te proposeraient un Mac Do, tu te gaverais !
La formule fila fort heureusement dans les recoins de son esprit. Claude se sentit piteux.
— Tu viendras, Daphné Rochefort. Ce n’est pas négociable.
— Faut que je finisse cet exo avant dîner... ça aussi ce n’est pas négociable.
Claude referma la porte. Il aurait voulu la claquer. La porte, n’est-ce pas ?
2

Il savait qu’il était plus fragile depuis sa séparation avec Mathilde, plus vulnérable devant le ton cassant de sa fille ; il avait choppé un côté papa poule, il couvait sa progéniture et elle s’en fichait ou, du moins, excellait pour le lui faire croire.
Les burgers avaient été réussis, voire exquis, avec cette touche de ciboulette, Daphné avait goûté le sien du bout des lèvres, avec la gueule de fossoyeuse en règle, son portable avait vibré plusieurs fois et elle avait composé durant le repas un chapelet de textos. Son père ne l’avait pas attendue pour le dessert, dessert auquel elle n’avait pas touché.
Elle était remontée dans sa chambre et avait remis un groupe de rock au nom mortuaire pour hérisser son alcôve de décibels méphistophéliques.
Seul, Claude se livrait maintenant à la plonge. Plutôt que de laisser un lave-vaisselle s’en charger, il préférait frotter les assiettes, les casseroles et méditer sur lui, sa situation. Il était chef de projet, avec un salaire, hmm, mouais, plus que confortable, jamais il n’avait eu de problèmes d’argent, malgré le spectre récurrent de plusieurs crises financières internationales et... ah, deux secondes.
Un bruit de moteur. Qui bourdonnait depuis de nombreuses minutes devant la maison.
Il tendit le cou au-dessus de l’évier et regarda la rue des Belvédères. Un scooter... Et le pilote qui allait avec. Vêtu de sombre. Ni l’un ni l’autre ne bougeait d’un millimètre. Le casque à visière réfléchissante était tourné vers Claude. Ce dernier déglutit, mal à l’aise, et baissa la tête pour frotter à nouveau sa casserole en cuivre.
Si Daphné sortait ce soir, son père espérait que son cavalier n’avait rien à voir avec ce type, il n’y avait pas de place pour deux sur cet engin. Et puis, les propriétaires de scooter roulaient généralement comme des cons.
Le moteur de la bécane tournait... L’inconnu garé sur le trottoir d’en face était toujours à fixer de son regard dérobé la fenêtre derrière laquelle se tenait Claude.
Peut-être un adolescent qui n’était même pas en âge d’avoir un scooter… Un petit malfrat qui attendait probablement une certaine Daphné Rochefort pour l’enlever à son père et la promettre à une virée aux relents d’alcool, d’herbe, de poudreuse, de... (ah, deux secondes)
Ce moteur qui tournait en pétaradant de façon aigre, ça énervait Claude.
Le roulement tonitruant d’un camion de livraison se rapprocha et finit par passer devant ce petit con et son scoot' de merde.
Claude releva la tête, avec une moue contrariée. Le scooter n’était plus sur le trottoir d’en face. On ne voyait plus que les grilles du square, les ramures des saules pleureurs qui pendaient par-dessus pour venir effleurer le bitume.
Un chanteur à la voix gutturale vomissait sur le monde, à l’étage. Daff n’avait pas été emportée par le sombre cavalier. Qui avait disparu de façon singulière.
3

Octobre était là, le froid et le vent aussi. Daphné avait glissé une barrette-araignée cinabre dans ses mèches pour les plaquer sur le faîte de sa chevelure, elle était prête à faire des ravages dans les cœurs, elle ne le savait que trop bien. Elle nouait ses bottes à semelles compensées sur le tapis de l’entrée. Rien ne pourrait plus l’empêcher de sortir. Charles, un grand échalas d’un mètre quatre-vingt-dix-sept, poireautait dans sa Renault 25, devant la maison.
— Inutile de te dire de ne pas rentrer trop tard, soupira Claude.
— Inutile, en effet, murmura la jeune fille.
— Charles te ramène ?
— C’est le capitaine de soirée.
Claude opina et attendit le baiser de sa fille… en vain. Depuis la séparation, il ne retentissait plus au creux de ses joues.
Comme la drôle de loupiote se redressait et enfilait son long manteau noir brodé de signes tribaux sur les manches, Claude ouvrit la porte et le perron dallé d’ardoises se trouva éclairé par la lumière bistre du vestibule.
La Renault 25 démarra. Pendant qu’une ombre chevelue fit un signe de la main à Claude, Daphné trottina sans se retourner vers l’antiquité aux 190 000 kilomètres.
Pas mal, ce masque de joie, songea Claude, tu dois

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