La Porte des Sorcières
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La Porte des Sorcières , livre ebook

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Description

Dans cette Venise du bout de l’univers, tout tombe en ruine, les derniers robots, les machines, aussi bien que les vieux palais solitaires. Depuis plus d’un siècle, la ville vit isolée et ne capte plus des autres planètes que de curieux messages qui semblent venir de l’Au-delà.
Lorsque d’étranges lueurs viennent hanter les canaux désolés de la cité lacustre, plongeant les derniers hommes dans des rêves inquiétants et les forçant à les rejoindre sous les flots, tout semble perdu pour ses habitants.
Défiant l’Inquisition qui règne d'une main de maître sur la ville, Ygraine a retrouvé dans un vieux grimoire le secret de la gomme noire, de la gomme des sorcières.
Aidée de quelques amis et d’un robot défectueux qui prédit l’avenir, la jeune femme se lance dans une course de vitesse pour lutter contre ce fléau qui a décimé les hommes à travers la galaxie. Elle est prête à combattre la Mère des Éphémères et à risquer sa vie sur les nefs de feu de l’Inquisition pour réussir à créer un passage, à ouvrir une porte : la Porte des Sorcières.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 60
EAN13 9791095442370
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

la porte deS sOrCiereS

SYLWEN NORDEN
 
la porte deS sOrCiereS
 
 
 
— Les démons existent-ils ?
— Je ne sais pas, mais depuis que je suis une sorcière, il y a parfois des choses qui m’appellent la nuit.
Frater Rudolph , Récits d’Inquisition et de Ténèbres , recueillis en l’an 2798, planète Sigil-6
 
Le vent, la nuit, la peur.
Harold Kempler , Lettre ouverte à l’Obscurité , Munich 1746, planète Terre
 
 
 
 
La lune brillait à la pointe des vagues.
Et c’était quelque chose de beau et d’enivrant. Je la voyais qui se levait au-dessus de cet océan sans limites. À sa surface, des clartés mortes dansaient. Des jeux de lumière dus aux grandes roches siliceuses qui barraient sa sphère opalescente.
Et ce soir, entre les nuages qui montaient du Nord, son éclat paraissait encore plus vénéneux que d’habitude.
«  La lune des sorcières ! » ne pus-je m’empêcher de murmurer en continuant de mâcher la gomme noire.
Le vent soufflait du large et agitait mes cheveux. Si quelqu’un m’avait vue, là, sur la grande jetée, offerte aux éléments et baignée par les effluves magiques de la lune et les embruns venus de l’océan, je suis certaine qu’il aurait prévenu les prélats de l’Inquisition.
Ces pourceaux sans jugement et sans imagination.
Mais ici, dans cette partie abandonnée de la ville, bien peu de monde osait encore s’aventurer après le crépuscule. Derrière moi, au bord de la nuit montante, les canaux de la cité clapotaient sournoisement. La ville qui n’était qu’une Venise extraterrestre, une Venise mortifère, perdue au sein des marées convulsives d’une planète océane.
Dans mon dos, Oracle fit un bruit d’enfer en heurtant je ne sais quelle saleté qui traînait sur le sol. Heureusement, le tintamarre fut rapidement avalé par la violence des vagues qui venaient s’écraser sur la jetée.
Je me retournai vers lui avec agacement, mais il fit semblant de s’intéresser à la grande façade rongée par le sel d’un palazzo fantôme. Un instant, son écran ventral se mit à luire dangereusement sous la lumière de la lune, je crus même qu’il allait s’allumer, et j’en vins à me demander si c’était vraiment une bonne idée d’emmener ce gros balourd dans mes expéditions nocturnes. Puis je me souvins du nombre de fois où ses prophéties m’avaient sauvée de la question et du bûcher. Surtout depuis cette nuit où j’avais découvert le grimoire de Lisa von Blut dans les salles poussiéreuses d’un palais hanté par les courants d’air. Grâce à ce livre, j’avais retrouvé le secret de la gomme noire et lancé mon premier sortilège !
Mais l’heure n’était pas aux souvenirs et je m’éloignai de la jetée. Il Palazzo della Luna Nera se cachait au fond d’une suite de canaux à demi obstrués. Ses hauts murs verdâtres, les yeux sans pupille de ses fenêtres, ses pilotis mangés par les concrétions, se trouvaient à l’angle d’une ruelle qui donnait sur la jetée. C’était là, dans les eaux noires du canal, que les plants de noctules étaient les plus beaux et les plus nombreux. Et je comptais bien en ramener un ou deux sacs. L’endroit n’était pas facile d’accès, surtout à pied, mais j’évitais autant que possible de prendre une barque. C’était un moyen de transport plus rapide, mais peu discret, et je préférais faire de nombreux détours et raser les murs pour échapper aux patrouilles de l’Inquisition, plutôt que de risquer d’être surprise sur l’eau, à minuit, sans aucune raison valable de me trouver là.
Je jetai un dernier coup d’œil à l’océan. Le ciel était de nouveau couvert. Lentement, la tempête montait du large. Le vent amenait avec lui des nuages qui ne laissaient plus filtrer de la lune qu’une clarté saumâtre. Au loin, des flammèches d’écume dansaient comme une dentelle spectrale à la limite de l’horizon. Tout cela était beau, envoûtant, et donnait envie de se jeter dans les flots déchaînés et de mourir dans l’étreinte ultime et salée de l’Océan.
Mais je devais vivre. Quelque chose, tout au fond de moi, me disait que j’allais avoir un rôle important à jouer dans les événements à venir. Et dans cette prédiction-là, Oracle n’y était pour rien.
Soudain des voix me parvinrent, lointaines, perdues dans la tempête qui fonçait sur nous. Instinctivement, attrapant le robot par le bras, je reculai jusqu’à l’entrée de la rue et m’enfonçai dans l’ombre d’un porche.
Par une grille branlante, j’apercevais le calme chuchotant d’un jardin intérieur. Des feuilles à demi phosphorées remuaient du sommeil agité de la nuit, des ombellifères bleutées nageaient au milieu d’un parterre d’herbes grises, et, dans un recoin de végétation, l’eau s’écoulait péniblement d’une fontaine. Des taches de mousses s’élevaient jusqu’aux marbres des balcons. L’ensemble suintait l’abandon et la tristesse.
Dans la ruelle, les bruits de pas se rapprochaient. Des rires parvenaient jusqu’à moi et des phrases se perdaient en borborygmes dans le vent. La pluie claquait à présent sur les pavés et fouettait les façades des palais.
Cachée sous mon porche, je vis alors passer plusieurs silhouettes qui revenaient probablement d’un bal. Une procession de formes perdues dans des robes de gaze que les bourrasques et la pluie transformaient en chiffons. Malgré le vent, certaines de ces silhouettes portaient encore des masques délavés, froissés par des nuits de fête sans nombre et blêmis par la clarté morose de la lune. Je remarquai aussi deux ou trois hommes, mangés par la pluie et l’obscurité qui rongeaient la ruelle. Le groupe passa devant nous sans se douter de notre présence. Parfois, des visages angoissés scrutaient les ténèbres des canaux, les hautes silhouettes macabres des palazzi à l’abandon, mais rien de plus. Certains essayaient encore de chanter dans le vent et la pluie, mais cela tournait vite à la comptine ridicule et à la débâcle.
Je haussai les épaules, me demandant bien quel goût du morbide et de l’étrange pouvait les amener dans ce coin paumé. Mais contrairement à moi, leur présence n’aurait rien eu de suspect aux yeux d’une patrouille. La nuit, la ville était pleine de noctambules qui rentraient, seuls ou par groupes, d’une multitude de soirées et de bals. On les voyait souvent déambuler dans les rues désertes de la cité mourante ; les costumes et les masques qui les affublaient leurs donnaient des airs de spectres anachroniques.
J’attendis encore une minute qu’ils se soient éloignés puis je sortis de ma cachette. Je m’approchai des eaux noires qui venaient lécher les pierres rongées des constructions. Une volée de marches vaseuses y donnait accès. Je laissai tomber ma longue cape et ajustai la tenue de plongée que j’avais revêtue en dessous. Sous la surface agitée, des lueurs tristes dansaient dans le courant. J’enfilai mon masque et glissai mes dernières recharges d’oxygène dans le chargeur. J’allais activer l’infrarouge et me jeter à l’eau lorsqu’Oracle me retint par la main. Un instant, je vis son écran ventral s’allumer, mais il l’éteignit d’un geste rapide de la main pour que je ne voie pas les images s’afficher.
Je détestais quand il faisait ça !
« Quoi ? chuchotai-je. Qu’est-ce que tu vois ?
— Dans l’eau… il faut que vous alliez dans l’eau… Je vais me cacher… »
J’eus à peine le temps de protester qu’il me flanqua à la flotte d’un geste rapide. Je m’enfonçai d’un bon mètre dans le canal avant d’activer les infrarouges. Connaissant bien le coin, j’aurais pu m’en passer, mais on ne savait jamais ce qui pouvait nager dans ces eaux troubles. Il me fallut quelques secondes pour me repérer. Je regardai aussitôt vers la surface.
Oracle avait disparu.
Qu’avait-il bien pu voir ?
Depuis que je l’avais trouvé, au fond d’une arrière-cour sordide, dans un quartier fantôme de la ville, avec ses circuits grillés, sa tête un peu bancale, il ne m’avait plus quittée. La décharge d’un déflagrateur avait dû le toucher de plein fouet pendant la période des Grands Bûchers, endommageant ses circuits, et depuis, d’étr

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