Le Sentier couvert d aiguilles
220 pages
Français

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Le Sentier couvert d'aiguilles , livre ebook

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Description

Alain Gasiglia conte le « cas extraordinaire » d’Évariste Cornélius, dont l’existence, de sa naissance miraculeuse à la découverte de sa vocation, est marquée du sceau divin. La tête pleine de poncifs, le jeune homme avance sans but jusqu’à ce que l’ange Gabriel vienne lui proposer d’être le nouveau messie et de partir en mission pour édicter les règles permettant aux Élus de mettre en place leurs destinées. L’irruption répétée du merveilleux dans ce récit fantaisiste n’a donc rien d’étrange, comme lorsque le héros rencontre un dromadaire qui parle. Il parvient à visiter l’enfer, mais le paradis pourra-t-il être le terme de son parcours
mythique ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 avril 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414192526
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-19250-2

© Edilivre, 2018
Première Partie L’envol d’Évariste Cornélius
Violette
La nuit venue, Violette aimait contempler le ciel, un prélude à son sommeil, à ses rêves. Peu importaient la forme et la densité des nuages ou la transparence du drap recouvrant les étoiles, elle traduisait en signes, la voute céleste comme autant d’images de son univers ici-bas. Ainsi, le nez dans les étoiles, contemplait-elle les contours brumeux de son village, avec, en son centre, sa modeste chaumière clôturée par la petite Ourse, la place de la fontaine, dominée par le clocher de la vieille église romane et, plus loin, au firmament, la grande ville et ses milliers de fenêtres éclairées. Exposées dans ce décor, elle tentait de deviner les formes excentriques de ses amis, domestiques ou sauvages, les vaches de Guidou, le fermier des basses terres, les moutons du vieil Alexis sur la Butte du Curé, les volailles de la cour de la ferme d’Antoine, mais aussi, selon la visibilité des constellations, les chevreuils de la clairière, les lapins des fourrés et tous les oiseaux dont elle reconnaissait chants et plumages, le rouge-queue du tilleul, le verdier des cimes, le martin-pêcheur de la rivière, le craintif héron cendré près des roseaux de l’étang ou les turbulents martinets. Il y avait aussi ses deux meilleurs amis, qu’elle devinait sans jamais les voir, car invisibles dans l’obscurité du ciel, Cornélius le corbeau et Corbille la corneille. Elle clignait des yeux, dodelinait la tête afin que tout ce monde se meuve et prenne vie. Les nuits sans nuage, elle observait ravie, ce que d’autres nommaient Voie Lactée et qui pour elle était son jardin secret, un immense champ de violettes, les vraies, d’où elle venait, là où elle vivait encore juste avant sa naissance, ce foutu jour où on l’avait poussée, parfois elle disait chassée. Ainsi était-elle tombée en chute libre comme les anges rebelles et déchus, poussée par les vents cosmiques. Et depuis, elle était sur cette terre hostile, tantôt trop froide, tantôt trop chaude, parfois la faim au ventre, glanant les noix tombées sur la voie ferrée désaffectée, en demandant pardon aux écureuils de les voler. Face à ce ciel, adossé au muret qui menait au jardin potager, ses pieds nus grattant la terre humide, elle savait trouver les histoires de sa vie future, que sa voix murmurait dans un long chapelet de prières. Au plus loin qu’elle descendait les marches de sa mémoire, elle se souvenait avoir chaque jour déroulé ce rite, jusqu’à plus nuit encore, jusqu’à ce que ses yeux se brouillent de fatigue.
Ainsi grandit Violette, solitaire et rêveuse.
A seize ans, encore petite fille dans sa tête, Violette terminait de pousser dans l’indifférence des pierres froides et silencieuses de son village. Les rares garçons de son âge avaient pris l’habitude de se moquer de cette sauvageonne aux cheveux emmêlés qui restait plantée des heures au milieu de la place, avec pour seule compagnie, ce drôle de caillou en forme de cœur qu’elle avait découvert à l’orée de la forêt, le jour de ses premières menstrues. Elle le tenait dans sa main droite, et, assise, sa tête entre les genoux, creusait avec lui le sempiternel petit trou, adossée à la fontaine de la grand place en murmurant des phrases magiques. Un jour, elle le savait, il se fendrait, lui dévoilant d’un coup tous les secrets du bonheur.
A Dix-huit ans, encore petite fille dans sa tête, Violette déambulait désœuvrée et insouciante, les yeux fixés sur les carreaux du trottoir, disposés en quinconce comme ces marelles de son enfance, ignorant les fréquents regards de convoitise des hommes qu’elle croisait et qui se retournaient sur le soyeux balancement de sa courte jupe plissée, confectionnée voilà bientôt six ans par sa mère morte depuis.
Un jour pourtant, un insolite claquement de langue lui fit lever la tête sur deux yeux verts qu’entouraient de longs cheveux noirs souples et ondulés. Elle entendit alors une voix grave à l’accent latin lui susurrer non pas des phrases, mais des mots collés dans un rythme peu assuré, des mots d’appel au frisson… belle… toi… cœur… amour.
Et elle, habituellement si farouche et sauvage, ne comprit pas pourquoi ce jour-là, elle autorisa Yeux-verts-cheveux-noirs-ondulés à la dépouiller du regard, puis à prendre sa main étonnamment offerte pour marcher un moment avec elle.
La poitrine alourdie d’émotions, elle se laissa emmener ainsi hors du hameau, le long de la rivière, bien en amont du barrage, là où les eaux coulaient encore indociles.
Assis sur l’herbe tendre, la voix de l’étranger se mélangeait au roulement sourd des eaux dansant sur les rochers. Les deux longues mains de la voix jouèrent un moment avec les plis de sa jupe, mais une fois cette dernière retroussée, ils glissèrent avec douceur le long de ses cuisses.
Étourdie, Violette ne voyait que deux yeux verts, des cheveux noirs et ondulés, n’entendait que l’accent chantant de cette voix qu’accompagnait le roulement des eaux glissant sur les rochers et ne sentait que les soyeuses et câlines caresses de ces mains qui sortaient Dieu savait d’où, et qui la rendait si brûlante.
Violette se trouva nue, allongée sur l’herbe tendre au milieu d’autres violettes, et son corps devint par endroits humides, ses lèvres que d’instinct elle humectait de sa langue, mais aussi son ventre là tout en bas que touchaient pour la première fois d’autres doigts que les siens, par légères pressions. Elle se sentait chaude. Elle se sentait mouillée, aqueuse, comme cette rivière qui tout près d’elle coulait. Et en harmonie, Violette coulait avec elle. Violette était une partie des eaux de la rivière et coulait caressée par les rochers aux formes arrondies par l’érosion.
Violette sentit une légère brûlure pénétrer son ventre. Les images devant ses yeux brillant de fièvre devinrent floues. Alors elle baissa les paupières et s’abandonna frémissante à la douce volupté qui l’enveloppait.
Lorsque Violette se réveilla, son sexe était légèrement endolori. La nuit venait et elle eut froid. Elle jeta un regard autour d’elle. Les yeux verts, les cheveux ondulés et noirs avaient disparu, comme noyés dans la rivière qui toujours glissait en roulant sur les rochers devenus avec le crépuscule curieusement hostiles. Au loin, au-dessus des montagnes, les nuages noirs se rassemblaient pour ensemble déverser leur liquide.
Désemparée, incrédule, elle contempla un moment ce corps pour la première fois investi, puis comme si un quelconque danger rodait autour d’elle, par instinct de protection, elle ramassa prestement ses effets et se revêtit à la hâte, sans prendre garde aux détails d’ajustement, jetant des regards inquiets sur la rivière. Les eaux, maintenant terreuses, grondaient, en se fracassant sur les rochers acérés, comme aveuglés par la demi-pénombre d’une nature par ailleurs silencieuse et paisible.
Violette entreprit de dévaler le chemin sinueux du retour. Une brise appuyée soufflait en sens inverse comme pour ralentir sa marche. Pour tenter de regagner le bourg avant la nuit, elle courut un peu. Elle trébucha sur une racine et son genou se mit à saigner. Maintenant Violette avait peur. Maintenant Violette avait froid et une sueur glacée perlait entre ses seins. Lorsque les nuages disparurent, laissant place à la lune pleine et immobile, elle se rasséréna. Les collines de l’ouest rougeoyaient encore lorsqu’elle atteignit les premières maisons.
La fonte des neiges cessa, le débit de la rivière s’en trouva fort diminué, les jours commencèrent à raccourcir, les nuits à rafraîchir, et la jupe plissée commença alors à lui serrer.
L’étrange secret de Violette
Le ventre de Violette s’épanouit jusqu’à la fin de l’hiver. Malgré cette rondeur naissante, il lui arrivait de douter de la réalité d’un homme l’étreignant ce fameux jour au bord de la rivière. L’image qu’elle en avait retenue était si floue, que ce doute se mua alors pour constituer peu à peu sa propre vérité. Elle répondait à ses propres questions comme elle l’aurait fait devant un inspecteur de police… Non, ce n’était pas un homme… ni moi ni personne ne l’avions jamais vu auparavant… plus jamais vu ensuite… c’était comme une apparition soudaine… sans forme humaine, sans corps, sans jambes… juste deux yeux verts, ronds, doux et remplis d’amour. C’était l’Amour, avec tout autour une chevelure noire et ondulée. C’était comme un visage… mais sans contour, sans limite, un visage infini qui se perdait dans l’azur du ciel et qui murmurait des mots d’amour, émis par… non, je ne me souvenais pas d’une bouche, des mots d’amour qui sortaient, comme murmurés par la rivière. Oui deux yeux verts, rien que deux yeux verts et… ah oui ! Il y avait ces deux mains, ces deux longues mains qui jouaient avec les plis de ma jupe et qui me caressaient doucement. Un sexe, mais… y avait-il eu un sexe en cet après-midi ? Elle n’avait rien vu qui ait pu ressembler à un sexe. Pourtant, elle se souvenait très bien de cette sensation, cette douce meurtrissure dans son corps humide… humide comme la rivière qui elle aussi étendue, coulait tout près.
Non ! Elle n’avait pas vu de sexe, continua-t-elle en contemplant bêtement son ventre si rond, mystérieusement rond. Pas de sexe, pas d’homme, juste deux yeux étranges, étrangement verts, qui volaient dans l’espace avec deux mains d’une incroyable douceur, et cette pénétration si ouatée, trop ouatée d’ailleurs, eu égard à ce qu’on lui avait raconté, eu égard à ce qu’elle avait lu dans les romans d’amour que possédait sa mère et empruntés à son insu. C’était peut-être un sexe au fond, mais peut-être pas, peut-être… un rayon, qui sait… si doux, si chaud… sûreme

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