Océania
99 pages
Français

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Description

Dans un futur plus ou moins lointain, après une de ces guerres spatiales absurdes qui a vu la Terre triompher de Mars, les Humains partent coloniser des planètes, parce que la Terre est mourante et qu’ils en ont encore les moyens.


Après la lutte pour la survie que le colon Marko a vécu sur Esmeralda (tome 1) et après la découverte par le militaire Rand Ducan d’une forme de vie cachée sur la planète désertique de Donoma (tome 2), la planète Océania est un autre de ces mondes que choisit l’Humanité afin de se disséminer à des millions d’années-lumière les uns des autres, sans possibilité de contact.


Dans ce troisième tome du cycle des Voyages sans retour, Bernard Fischli narre les aventures d’Ana Da Silva, biologiste moléculaire, poussée au départ par le manque de perspective et de sécurité sur Terra. Elle est envoyée sur Océania, une planète où l’élément liquide prédomine et entoure un continent unique. L’Océan est peuplé de microbes et de bactéries qui assurent une concentration suffisante d’oxygène dans l’atmosphère, mais aucune forme de vie intelligente, ou alors consciente n’est à signaler.


Bernard Fischli, loin de l’action et de l’émerveillement hollywoodiens, met en scène les dimensions anthropologiques, scientifiques et routinières de l’établissement d’humains exogènes dans un nouvel écosystème.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782940700400
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Bernard Fischli, 2021 pour le texte
© Krum, 2021 pour le dessin de couverture
© Hélice Hélas Editeur, 2021
Maquette graphique : Mary&Jo - Studio
ISBN Numérique : 9782940700400
www.helicehelas.org

Collection Cavorite et calabi-yau
dirigée par Jean-François Thomas
Introduction

Il y avait eu la guerre.
Enfin, une guerre de plus. Mais celle-là avait été interplanétaire. Et les deux planètes en question avaient dégusté.
L’une, c’était Mars. Enfin, la colonie martienne. Des gens qui vivaient sous verre. Des tas de gens qui étaient partis là-bas pour essayer de commencer une nouvelle vie, et qui trimaient pour survivre. On les avait appelés les Martiens, assez vite. Mais c’étaient juste des humains qui crevaient là-bas, parce que Mars, ce n’est pas vraiment un endroit accueillant. C’est froid, sec, irrespirable.
L’autre, c’était la Terre. Un endroit à peine plus vivable que Mars, à vrai dire : chaud, sec et presque irrespirable. Et grouillante d’hommes. Près de douze milliards, avant qu’on ait arrêté de compter. Crevant de faim, de soif, de maladies. Des cités énormes, des conflits partout. Il y a toujours des bruits de flingues. De la fumée noire qui obscurcit le ciel.
Je ne sais pas comment cette guerre a commencé, ni quand, ni pourquoi. Une histoire d’emba rgo, à ce qu’on m’a dit. On a su que c’était la guerre quand on a commencé à prendre des bombes atomiques sur la gueule.
La Terre a gagné, faute de combattants. Les Martiens ont été exterminés. Nous, ici, on l’a senti passer aussi. Il y a eu des millions de morts. Certains disent des milliards, mais je ne crois pas. La Terre et Mars se sont balancé des missiles nucléaires, mais les Martiens étaient meilleurs à ce jeu. D’accord, la cible était plus grande, mais ils avaient un truc qui les rendait indétectables. Ça s’appelle le Saut. Un machin va d’un point à un autre sans passer par le milieu. C’est ça qu’ils utilisent maintenant sur les vaisseaux qui partent pour les colonies.
Les colonies, c’est ces planètes que l’armée prétend avoir découvertes, là-bas, très loin dans l’espace. En tout cas, c’est un aller simple. Si tu t’embarques, tu ne reviendras pas ici, ou alors dans des siècles, quand il n’y aura plus personne sur Terre. Il y en a des tas qui partent. Ceux qui n’ont plus rien à perdre, c’est-à-dire la pl upart des gens.
Je n’en suis pas encore là. Je préfère un enfer connu à un paradis inconnu. Et puis je n’y crois pas, qu’il y ait des Terres toutes neuves là-haut. Mars, c’est la porte à côté et c’est déjà invivable. Alors plus loin…
Et ici, c’est encore chez nous. Moche, irrespirable, dangereux, mais chez nous. Et même sacrément chez nous : nous sommes une des dernières espèces vivantes, à ce qu’il paraît.
En tout cas, les bêtes, il ne reste que des petits machins qui piquent, vous filent des maladies et vous bouffent vivant. Mais les bêtes les plus dangereuses, c’est nous.
On verra. Quand tout s’effondrera, que tout le monde commencera à bouffer son voisin, je m’en irai aussi. Pour le moment, ça tient encore. Il y a l’armée, les milices du quartier.
L’usine de bouffe synthétique tourne toujours. On a de l’électricité, quelques heures par jour.
Ça tient encore.
1 : Eudora

Ana aimait l’Océan. Il lui rappelait le lointain pays de son enfance, si lointain qu’il ne survivait plus que dans ses souvenirs, comme ces êtres chers que la mort rend plus intimes puisqu’ils n’existent plus qu’à l’intérieur de nous. Des souvenirs fragiles enfouis dans un corps plus fragile encore : petite femme perdue si loin de chez elle, sur un monde étranger, qui n’avait pas conscience de sa présence, et n’avait rien à faire de ses souvenirs. Qui la détruirait sans états d’âme. Et pourtant Ana aimait l’Océan, sans attendre qu’il l’aime en retour.
Il faisait déjà chaud, comme chaque jour. Il avait plu durant la nuit, et l’air avait une saveur de poussière humide. Le vent se levait, venant du large. L’odeur d’algues qu’Ana s’imaginait sentir ne venait pas de l’Océan, mais de sa mémoire. La plage de l’Atlantique, où elle aimait courir pieds nus dans le sable, avec les autres enfants. Souvent, elle regardait vers le large, vers cet horizon sans limite, et elle s’imaginait capitaine d’un grand navire à voile, le visage dans le vent, emmenant son équipage vers de terribles dangers : tempêtes et monstres marins dont son courage et son ingéniosité venaient toujours à bout. Et elle respirait à pleins poumons l’air qui avait le parfum de ces aventures.
L’Océan, lui, ne sentait rien.
Le soleil du matin ne tarderait pas à l’éblouir, mais elle retardait le plus possible le moment de mettre ses lunettes filtrantes. L’étoile était un peu plus chaude que le Soleil, un peu plus grosse, mais elle était aussi un peu plus lointaine : on pouvait s’y tromper. On lui avait dit son nom, des dizaines de fois — Iota Persei — mais elle ne parvenait pas à le retenir. Ce nom était absurde. Il désignait un point à peine visible dans le ciel de Terra, logé dans une constellation qui n’avait plus cours ici. Ce nom, comme tout le reste, appartenait au passé.
Il y avait l’Océan, il y aurait le Soleil. Son esprit, incapable d’envisager le gouffre glacial que le vaisseau avait franchi, se raccrochait à ce qu’il connaissait, formant une sorte de rempart instinctif contre cette vertigineuse réalité. Face à ses terreurs ancestrales, l’espèce humaine avait su dresser des barricades rationnelles, établissant un territoire de plus en plus vaste, dans lequel l’esprit pouvait définir, calculer et prévoir. Ana était un être rationnel. Elle dominait cet animal en elle qui n’avait qu’une envie : se recroqueviller et hurler à la mort. Supplier qu’on le ramène chez lui.
Ce monde avait été baptisé Océania dès sa découverte par le réseau télescopique HAST. La couleur des quelques pixels qui constituaient son image était indéniablement bleu clair. L’analyse de sa masse, de son atmosphère, de tous les paramètres disponibles à une si grande distance avaient conduit les scientifiques à déclarer la planète potentiellement habitable, avec une importante proportion d’eau liquide à la surface. A quel point importante, ils n’étaient pas parvenus à l’estimer.
 
Depuis l’espace déjà, l’équipage du vaisseau d’exploration s’était rendu compte que le choix du site d’atterrissage ne ferait pas l’objet de longs débats : les mers couvraient près de quatre-vingt dix-neuf pour cent de la planète. L’unique continent fut appelé l’Île. Nommer autrement ces terres vastes comme deux fois l’Australie aurait paru prétentieux face à l’omniprésence de l’Océan.
Colossal par la taille, celui-ci l’était aussi par sa profondeur : douze kilomètres en moyenne, alors que sur Terra elle était de trois... Une masse d’eau gigantesque, dont l’inertie thermique gommait les différences de température sur Océania. Bien que son axe fût incliné de 22 degrés, la planète ne connaissait qu’une saison. Les nuits restaient presque aussi chaudes que les jours. Il n’existait pas de calottes polaires.
Aujourd’hui comme tous les jours précédents, les vagues étaient faibles, clapotant mollement contre les rochers en contrebas. Ana avait été surprise, à son arrivée, par la tranquillité de cette monstrueuse masse d’eau. Bien sûr, il n’en allait pas toujours ainsi, mais les tempêtes étaient rares. L’atmosphère ne se déchaînait pas pour équilibrer des différences de pression qui restaient faibles toute l’année. Les seules sources d’agitation étaient les courants ascendants, mais ils ne donnaient pas naissance aux cyclones qui se seraient déchaînés sur Terra.
L’Océan assurait sa propre stabilité.
Quant aux tsunamis, avec une tectonique inexistante, ils étaient inconnus ici : l’Île était la boursoufflure d’une croûte globale, d’un seul tenant. Le coeur d’Océania ne battait plus, il s’était refroidi depuis des centaines de millions d’années. Cette bosse timide qui avait émergé lors de sa jeunesse était condamnée à une lente érosion, et dans une époque lointaine elle aurait totalement disparu.
Ana chercha une dernière fois des yeux le petit glisseur qui s’éloignait, avec à son bord les trois techniciens chargés de récolter des prélèvements au large, afin d’éviter qu’ils soient contaminés par les activités humaines. Elle l’aperçut, minuscule, mais visible de très loin sur cette surface à peine ridée. Enfin, elle tourna le dos à l’Océan et regarda l’Île. C’était toujours avec un serrement de coeur qu’elle le faisait, car toute illusion se dissipait. L’Île était autre . Pas dépaysante non plus au premier abord : des collines douces qui moutonnaient sous le ciel bleu, des plaines qui chauffaient au soleil, ça et là un escarpement ou une crevasse qui donnait au relief un peu de rudesse bienvenue.
Mais sans la moindre trace de vie.
La roche, les pierres, le sable, tout était gris-brun. Pas une trace de vert. Pas le plus petit signe d’une verticalité végétale, pas un seul brin qui s’agiterait dans le vent. Sur Océania, la vie n’avait jamais conquis les terres. Les terres : du basalte, à perte de vue également, largement corrodé par l’atmosphère et ses vingt-quatre pour cent d’oxygène, que les pluies usaient à chaque fois un peu plus, et emportaient vers les profondeurs marines d’où il était issu. L’Eau gagnait son long combat contre le Feu.
Au milieu de ce décor silencieux, les bâtiments de la base Eudora, tristes et fonctionnels, n’ajoutaient aucune gaité. Les laboratoires et les logements, tous amenés par navette-cargo — le spatioport était hors de vue, situé à une dizaine de kilomètres à l’est — et assemblés ici, faisaient songer à un village que l’on aurait abandonné à peine construit. Pourtant, actuellement, Eudora hébergeait cent quatre-vingt-treize personnes. Les hommes, comme partout, avaient fait des efforts louables pour rendre les lieux plus agréables, et comme partout cela s’était traduit par un bar à mauvais alcool décoré d’images de filles à gros seins.
Le bracelet d’Ana vibra sur son poignet droit. Elle pressa le bouton de

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