Sacrées voies du Seigneur !
73 pages
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Sacrées voies du Seigneur ! , livre ebook

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Description

La famille Brunet est-elle victime d’une malédiction ?
Agathe va-t-elle mourir elle aussi ?
Une ancienne amie de la famille, Marie Dupuis, surnommée L’Araignée par ses élèves, tentera de mettre la jeune fille en garde en lui révélant les secrets et les drames successifs que sa famille a vécu mais qu'Agathe ignore...

Informations

Publié par
Date de parution 07 octobre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312048314
Langue Français

Extrait

Sacrées voies du Seigneur !
Arlette Lameyre
Sacrées voies du Seigneur !
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2016
ISBN : 978-2-312-04831-4
L’enfer, qu’elle disait la mère Geneviève, est pavé de bonnes intentions. ç a, les dictons, elle en connaissait un tas ! C’était son truc à elle. Jamais une pensée personnelle. Répétait ce qu’on lui avait appris, ou entendu, ou lu dans le journal. De toute façon tout le monde se foutait de ses opinions.
Pas rebelle, la mère Geneviève, bien élevée, toujours conciliante. Jamais pu dire « ma » mère. Normal, c’était pas ma mère. La vraie avait fichu le camp. Récupérée par des inconnus je fus recyclée puis estampillée « bonne famille ».
Elle cognait pas , la mère Geneviève. Les punitions c’étaient des boulets de charbon. La grande menace : l’enfer et ses flammes. Connerie de bigote , mais ça n’a marché qu’un certain temps ! Pour chacune de mes fautes, je devais dessiner le charbon qui me consumerait chez les damnés. Les murs de ma chambre étaient tapissés de feuillets recouverts de mes sinistres œuvres. Coudes sur la table : un boulet de charbon ; mauvaises notes à l’école, nouveau boulet ; ongles noirs, poche déchirée, livre abîmé, retard, genou couronné, insolence… les tas de charbon s’amoncelaient. Je les crayonnais énormes, monstrueux, noirâtres. Ils me fascinaient et me terrorisaient. Je les jetterai à la gueule de Mammon (de Maman ?) en arrivant là-haut… et qu’ils me brûlent, qu’ils alimentent mon brasier ! Comment peut-on terroriser les enfants avec ce genre d’idioties ?
Ma seule consolation à l’époque, quand je pensais à Geneviève et son époux Charles Dupuis, c’est qu’ils n’étaient pas mes géniteurs. Peut-être les vrais étaient-ils pires, mais eux au moins je ne les subissais pas. Et il m’arrivait même d’applaudir le courage de cette mère inconnue : un jour, épuisée par ta douleur et tes cris, tu te retrouves avec un truc gluant, rougeaud et braillard sur le ventre, un truc qui t’a déchiré les entrailles et que tu viens d’expulser comme un étron, un truc qui t’a parasitée pendant des mois, t’a fait vomir, a déformé ta silhouette, a rendu ta démarche canardeuse ; il paraît que tu dois être heureuse qu’il y ait un connard de plus dans la fourmilière humaine. Ma mère ne s’est pas réjouie, elle m’a balancée sans un regard… et peut-être même avec profit financier ?
Enfant poubelle, récupérée par des inconnus : l’honorable docteur Dupuis et son inféconde épouse Geneviève de Breuil. Une jeune fille de bonne famille qui fut élevée en pension et en avait gardé les tics de langage exhumés du fond de sa province bien pensante. Elle disait « Plaît-il ? » Cette interrogation m’horripilait comme m’agace le « Quoi ? » que lancent aujourd’hui mes élèves et qui, selon l’intonation et la grimace qui l’accompagnent, signifie « Je n’ai pas compris ou pas entendu », celui-là est bref, agressif et vulgaire. Il y a aussi le « quoiouaoua… » admiratif, exprimé en ouvrant grand les yeux. Quant au « quoi » sec, prononcé dans les aigus, il signifie que la chose entendue est surprenante, qu’on a peine à y croire.
Peut-être, après tout, ces variations peuvent-elles aussi s’appliquer au « Plaît-il ? », mais ma bourge de mère ne le prononçait que sur un ton courtois et attentionné, invitant ainsi son interlocuteur à répéter sa dernière phrase.
Ah mes élèves du cours d’anglais ! Je sais qu’entre eux ils me surnomment l’Araignée. Sans doute à cause de ma maigreur et parce que je m’habille souvent en noir. Je pourrais être froissée mais j’adore les araignées.
Agathe Brunet doit passer chez moi aujourd’hui à 15 heures. J’essaie de ne pas être nerveuse. La première fois que je l’ai vue… j’en ai encore la chair de poule ! Elle avait douze ans et sortait du lycée en tenant par la main une amie de sa classe ; elles riaient. Je l’ai tout de suite reconnue ; une veine de mon cou a failli éclater tellement mon émotion était forte. J’avais du mal à marcher tant je tremblais. Les fillettes m’ont croisée sans se soucier de ma présence. Elles avaient toutes les deux des couettes, moi à leur âge j’étais coiffée avec des tresses en macarons sur les oreilles. Je haïssais ! Une vague de souvenirs m’inonda. Toutes ces années j’avais tenté d’oublier la famille Brunet et soudain un tas d’images m’assaillaient. Je me voyais à l’âge d’Agathe avec Marie, mon amie de cœur ; nous nous tenions pareillement par la main ; nous étions joyeuses et insouciantes. Jamais je n’avais envisagé qu’Agathe fût élève dans mon lycée et maintenant je me retrouvais face à mon passé. Des semaines durant je n’ai pu dormir tant m’envahissait une irrépressible angoisse. Puis une question me tourmenta : va-t-elle mourir elle aussi ? Et un leitmotiv obsédant : je dois la sauver. Comment la sauver ? Quelques semaines durant je me mis à la chercher dans la cour, à l’observer, à l’espionner. Puis je me suis calmée, j’ai repris mon train-train habituel, tentant de l’ignorer à nouveau, elle et toute la famille Brunet.
Lorsque deux ans après cette rencontre je l’ai eue comme élève dans mon cours d’anglais, cette idée m’a hantée à nouveau : comment la protéger ? Je me retenais pour ne pas la regarder tout le temps. Elle est si jolie… et ressemble tellement à Marie ! Et lorsque je fais « l’appel », ma voix tremble toujours en prononçant « Agathe Brunet ». Cette gosse ne peut pas mourir, ne doit pas mourir.
Peu à peu l’idée m’est venue de la mettre en garde. Toutes ces heures que j’ai passées à élaborer un plan, à le construire, à le changer, à le compléter. Tous ces moments de découragement où je me disais que je ne pouvais rien contre un destin déjà écrit. Tous ces doutes qui me torturaient : après tout il ne se passera peut-être rien. Tous ces cauchemars où je la voyais morte parce que je n’avais rien fait, rien dit ; à cause de ma lâcheté. Doit-on se mêler de la destinée des autres ? Doit-on bouleverser leur existence sous le prétexte incertain de leur sauver la vie ? Et puis elle a eu seize ans et presqu’à mon insu je l’ai retenue après le cours en lui demandant de passer chez moi. Elle a écarquillé les yeux et je lisais clairement « Qu’est qu’elle me veut cette bonne femme ? » Tu ne vas pas tarder à le savoir ma chérie et d’ailleurs je l’aperçois qui pousse son vélo dans la cour, elle est en retard, comme si elle voulait m’accorder encore un instant de répit. Je me sens un peu nerveuse mais mon discours est prêt et aussi les mouchoirs en papier. Je suppose qu’elle va beaucoup pleurer. Il faut que j’arrête de trembler, que j’aie l’air calme et sereine. Mais je me suis juré de lui raconter toute l’histoire lorsqu’elle aurait 16 ans et je ne faiblirai pas !
J’ai squatté la tribu Brunet pendant tant d’années. Il est temps de rendre des comptes à la petite Agathe, de la mettre en garde. La malchance ? Tu parles ! Rien à voir avec leur tragédie.
*
* *
Fiasco complet ! Cette fille a un fichu caractère, elle n’a rien voulu entendre, je dirais même qu’elle m’a carrément envoyée promener. « Qu’est-ce qui vous permet de parler de ma famille ? J’ai horreur des ragots ! », Elle tremblait de colère et moi d’émotion… non plutôt de rage… ou d’injustice. Me traiter carrément de concierge alors que je veux la protéger. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Il faut qu’elle sache. IL FAUT ABSOLUMENT QU’ELLE SACHE ! C’est une question de vie ou de mort.
Je vais lui écrire ce qu’elle n’a pas voulu entendre. Je vais sortir mon IBM à boule, celle que j’ai eu la faiblesse de m’offrir sous le prétexte de préparer mes cours et que j’ai peu utilisé, elle va m’être vraiment utile aujourd’hui.
Il faudra bien qu’elle lise. ELLE FINIRA PAR LE LIRE !
Mercredi 19 avril 1978
Extrait du journal d’Agathe Brunet
Aujourd’hui j’ai 17 ans mais je n’ai pas voulu de festivités pour l’occasion. Maman m’a demandé ce qui me ferait plaisir et j’ai suggéré un voyage en Corse en tête à tête avec elle. Elle m’a observée

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