Tous aux Abris !
182 pages
Français

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Description

C'est la catastrophe ! Des incendies se déclarent, des guerres font rage, un attentat tourne mal, un volcan entre en éruption, des créatures venues d'ailleurs nous veulent du mal... Neuf auteurs ont pour mission de sauver leurs personnages du désastre imminent. Y parviendront-ils ?

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9791095442530
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

TOUS AUX ABRIS !
Sommaire
 
Qui nous abandonne ?
Basile Breyer
De Poissons et d’Ames mortes
Sylwen Norden
Et la Lumière fut
Alexandre Haas
Ligne de Fuite
Antoine Quoc Vinh Tran
La Part des Flammes
Fabien Clavel
De l'Acide sous la Peau
Xavier Portebois
La Lumière des Ombres
Julie Guinebaud
La grosse
K.T.
La Troisième Guerre des Feys
Tesha Garisaki
Mentions Légales
 
 
 
 
 
 
Qui nous abandonne   ?
Basile Breyer
 
À Baptiste et Gina,
À Marie Patard et Jean-Jacques Crenn
 
Sous la chaleur étouffante d’un été qui n’en finissait pas, la main déjà griffée de tout son long par le travail de la matinée, Ociil cueillit encore une large brassée ; sous ses doigts, les tiges du sumac s’arrachèrent de la fange du fond de la mare. Son eau alourdie, verdie d’épaisseur, se troubla alors. Mais même les ruisseaux n’en pouvaient plus de ce temps, et les vaguelettes allèrent s’endormir au centre de l’étang assoupi. Il fourra les tiges dans son panier, puis se redressa de toute sa petite taille en grognant après son dos. Sans l’avoir réalisé, il ruisselait de sueur du front jusqu’aux pieds, mais au moins il venait d’en terminer. Bien sûr, dès ce soir, il faudrait d’autres de ces longs brins pour continuer le travail ; à présent, ils séchaient si rapidement…
Cela durait depuis une éternité, se rappela-t-il en regardant le ciel d’un bleu implacable où le soleil formait comme un halo flou. Et depuis cette éternité, pas un nuage et pas une goutte de pluie, ce que les vieux eux-mêmes trouvaient inhabituel. Alors qu’Ociil se redressait, il put retrouver les senteurs désormais familières – que Cuix n’en prenne pas ombrage, mais tout de même – de la cendre et des brasiers qui dévoraient tout. Il regretta de ne rien avoir pour s’essuyer un peu, abandonna l’idée de ramasser dans la mare de quoi se rincer, soupira. Rien à faire pour échapper à toute cette chaleur, de toute façon… mais tout de même, un peu de répit ? Il ne demandait pas grand-chose, ça non.
Le vannier cala son panier sous son bras droit, le plus assuré, puis s’écarta du plan d’eau pour rentrer chez lui.
Ce n’était pas vraiment une petite place, ici, juste une rue élargie par la présence de la mare et d’un bras du canal qu’on n’avait jamais pris le temps de correctement aménager. Pendant la saison des pluies – dans une autre éternité –, tout le coin se changeait en lac où les enfants pouvaient s’amuser des heures durant. Le sol de terre un peu rouge, qui renvoyait des nuées de poussière à chaque fois qu’Ociil y posait son pied nu, dessinait maintenant de vraies craquelures, mais il se rabroua pour cesser de ne voir les choses qu’en sombre, comme il le faisait depuis ce matin. Son horizon se limitait à ces rangées de maisons ocre avec leurs portes aux linteaux arrondis surmontés de petites devises à la craie blanche, leurs toits plats qui servaient de terrasses et leurs quelques fenêtres circulaires ; il remonta rapidement le long du cours d’eau moribond, puis emprunta la première rue sur sa gauche – c’était simple, elle commençait à gravir le plateau de Cuāzalā, et l’on y avait installé un sanctuaire surmonté d’une tour à cinq façades qui regardaient vers chacune des grandes directions. En la suivant, il ne fut pas surpris que malgré l’heure un peu avancée, il ne se trouvât que lui à se brûler la plante des pieds par ce temps.
Une bourrasque fit siffler les multiples petits fétiches suspendus à la tour quand il arriva sous son ombre pesante. Lorsqu’il leva la tête pour les regarder se dandiner aussi lourdement que lui aux cérémonies publiques, il put y distinguer des cendres éparses, mais suffisamment grosses pour qu’on les aperçût sans mal, qui se débattaient dans les méandres du vent puis allaient se coller sur les teintes jaunes, safran et indigo des façades sacrées. Ils devaient venir de loin, ces flocons gris, cependant Ociil, en les voyant maculer le sanctuaire, s’en sentit soudainement plus inquiet – depuis cinq jours, c’était la première fois que le phénomène lui apparaissait aussi clairement. Hésitant, il se laissa aller à quelques imprécations entre les dents, se jura de rendre aux esprits pour ces injures, puis repartit en tricotant de ses jambes courtaudes pour s’éloigner du mauvais sort.
Il courait, secouant le panier sous son bras, lorsqu’il atteignit finalement sa propre rue, puis son foyer : au sommet de la montée, pas très loin d’un énième croisement et sous l’ombre de quelques sals qui résistaient aussi vaillamment que possible à la canicule, la façade de la maison lui paraissait un vrai sauvetage – ou à défaut la perspective d’un bain léger voire d’un peu de savon. Il était sorti seulement vêtu de sa huicei, une large pièce de tissu descendant jusqu’aux cuisses qu’on nouait sous le nombril, et ses bras luisaient de sueur, probablement tout autant que sa face, ses épaules, son torse. En outre, il puait pis qu’une charogne sur le marché ; mais quand sa fille se mit à piailler pour célébrer son arrivée, il s’en ficha.
« Pa ! Es rentré !
— Oui oui, es rentré. Un ‘ment, que je me lave ‘vant de te faire un ‘isou. »
Mais les enfants, comme ses propres parents l’en avaient averti, n’écoutent rien, et Zuti n’en fit qu’à sa tête alors qu’il laissait tomber le panier à ses pieds, s’empara d’autorité de sa jambe gauche, et s’y nicha pour un gros câlin plein de tendresse gazouillante. Finalement, Ociil décida que la toilette pouvait attendre, et prit l’enfant dans ses grosses pognes un peu maladroites, caressa ses épais cheveux noirs.
« Zuti, laisse-z-y Oci tranquille, qu’y puisse au moins ranger tout c’qu’y nous rapporte en ce matin.
— Oh. Oui, pa. »
À la voix profonde de son père, Zuti savait qu’elle ne pourrait pas longtemps empêcher Paganq de venir l’attraper pour la ramener dans la pièce du fond : alors, la petite fille, pas plus haute qu’une quinzaine d’ocles, lâcha Oci pour rejoindre son père.
Enfin, son père. Ils étaient tous deux son père, mais Oci n’était jamais que le second… Néanmoins, elle restait sa fille, et il l’aimait comme telle – et Paganq, tout affairé à la saisir en pleine course pour la faire planer comme un oiseau, n'avait jamais voulu qu'il en soit autrement. Il repoussa son panier du pied à côté de l’embrasure de la porte, embrassa rapidement la pièce du regard, puis accomplit ses tâches dans l’ordre des priorités. Il rejoignit leurs jarres de provisions, plongea la main gauche dans celle qui contenait leurs lentilles – moins d’un tiers de za, cela commençait à devenir embêtant – puis se rendit dans le coin le plus proche de la porte d’entrée. Là, sur le sol et en bas du mur, leur petit autel dessiné à la craie ne cessait de pâlir, mais ils n’avaient pas le temps de le rafraîchir… Il posa les deux genoux à terre, puis laissa choir toutes les lentilles entre ses doigts.
« Neca d’la rivière, ‘ccepte ces grains pou’tes r’seaux. »
Et, après une brève réflexion, il décala du pouce avec un air de voleur deux des cosses pour Cuix : ce n’était pas pour un service rendu, mais plus pour sa récrimination du bord de la mare… et afin d’éviter de tenter plus encore le mauvais sort. Ni lui, ni son foyer, ni sa cité n’en avaient le moindre besoin en ce moment.
Ensuite, il se remit péniblement sur pied, et passa dans la seconde pièce : elle était aveugle à la rue et donnait sur leur petit jardin moribond où l’attendait la pompe. Il y avait là un léger prétexte à bonne humeur, dans cette matinée morose – tous les quartiers de Tacaluntan ne pouvaient se vanter de disposer de rigoles et de réservoirs en assez grand nombre ; il l’actionna, et après quelques crachotis, assez d’eau remonta des profondeurs du sol mort de soif pour qu’il puisse se frotter le visage, les mains, son crâne mal rasé et sa couronne de cheveux courts. En terminant de se frictionner les joues, il se rendit compte qu’elles piquaient de plus en plus… il lui faudrait aller voir quelqu’un de la coupe.
Quelqu’un d’autre, depuis que leur voisine Acolhua était morte. Comme barbière, elle s’était toujours imposée comme une experte, mais comme pompière, elle n’avait pas su faire.
« Mieux ? »
Paganq vint se caler dans l’arcade de leur porte, adossé nonchalamment à sa colonne centrale, et le regarda avec un sourire sympathique terminer de se frotter les joues. Oci, plus frais, le rejoignit, et ils s’embrassèrent brièvement.
« P’don, pas d’rasoir d’p’is bien neuf jours.
— Oh. »
Il s’en voulut dès qu’il s’écarta pour le regarder : Paganq avait légèrement pâli, et ses traits tirés vers l’arrière de son crâne lui semblèrent soudainement amollis de chagrin. Son mari lui paraissait toujours d’une grande beauté – sa peau d’un brun foncé, mais pas bronzée de travail comme la sienne, sa composition de gaillard souple, son menton prononcé – et il regretta de l’abîmer en lui rappelant tous leurs soucis. Maladroitement, il lui caressa le visage de sa pogne qui lui parut plus lourde qu’une brique alors qu’il l’avançait, mais Paganq le laissa faire avec un sourire dont on devinait sans peine tout l’effort qu’il lui demandait.
« Rassure-t-y, ti. C’y ira.
— P’don, j’voulais pas.
— C’y ira. Et on-y-a respecté les rites. »
Oci préféra ne pas rebondir là-dessus : lui-même, il suivait à la lettre les commandements des prêtresses et des chamanes, mais demeurait toujours une petite angoisse superstitieuse que les morts, ou les mauvaises actions, reviennent un jour hanter ceux qui les avaient croisés ou engendrés – une tradition que plusieurs de leurs voisins, qui étaient nés et avaient grandi à Tacaluntan, considéraient poliment comme bizarre… et Oci ne leur en voulait pas vraiment. Il continuait juste d’offrir tant et plus de poignées de lentilles en implorant très fort que le sort en soit conjuré ; mais peut-être ses parents, son clan, ne faisaient cela que pour se prémunir le mieux possible des catastrophes. Après tout, un clan de fermiers pauvres se devait de se concilier tout ce que ce monde comptait d’esprits, des plus sympathiques aux moins agréables – et dan

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