Zenga à Londres
125 pages
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Zenga à Londres , livre ebook

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Description

Le don pour l'hypnose court dans la famille Zenga. Massimo accompagne son petit-fils Paul qui part travailler dans la finance à Londres. Un voyage initiatique dans l'histoire de l'hypnose et les états de conscience modifiés.

Informations

Publié par
Date de parution 05 novembre 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312024905
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Zenga à Londres
Marc Millione
Zenga à Londres



















LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2014
ISBN: 978-2-312-02490-5
Chapitre I
Réveil!?
3 h 12! Pas réveil…
Porte?
Je titube jusqu’à la porte d’entrée, pose un premier œil sur l’œilleton. Tiens, Grand-père! J’ouvre la porte, et enfin le deuxième œil. Ceux de Grand-père restent fermés. Son bras s’appuie haut sur le chambranle de la porte pour tenir debout. Son costume est impeccable et sa moustache fière, mais sa cravate est déjà couchée comme en chien de fusil. Je l’attrape par le coude pour le faire entrer. Il se laisse conduire à petits pas jusqu’à la chambre d’amis sans dire un mot. Je lui parle tout bas tout en lui enlevant sa veste, puis ses chaussures.
– Ça tombe bien que tu sois venu, Grand-père. Je voulais justement te parler. Tu peux dormir tranquillement.
Il n’est pas sénile, non, il est juste saoul. Moi, je déteste qu’on me parle fort dans ces moments-là. Je fais claquer une bise sur sa joue. Je le regarde sourire béatement une minute puis m’en retourne vers mon lit. Une fois passé le dérangement du réveil, c’est une telle jubilation, cette grasse matinée qui m’attend. Je suis surtout soulagé de l’avoir auprès de moi un jour comme celui-ci. Mon train pour Londres ne part qu’en début d’après-midi. Nous aurons un peu de temps pour nous parler.
Grand-père est un mythe vivant. J’ai dans ma chambre une affiche encadrée datant de l’après-guerre annonçant le spectacle du Grand Zenga: « Le plus grand hypnotiseur du monde ». Sa vie d’artiste de music-hall, ses voyages à l’étranger et même, paraît-il, un séjour en prison ont contribué à façonner une légende dont j’ai réuni peu à peu les morceaux auprès de Grand-mère et de Maman. Papa ne me parle jamais de son père et il est d’ailleurs difficile de leur trouver le moindre point commun. Je me doute qu’il existe un passé douloureux entre eux mais je n’ai jamais osé poser la question ni à l’un ni à l’autre.
C’est par Grand-mère que j’ai appris le retour de Grand-père en France, il y a quelques années. Il m’a fallu presque un an pour me décider à aller lui rendre visite tant j’étais intimidé et puis, d’un coup, j’ai eu peur qu’il disparaisse sans que j’ai pu le rencontrer. J’ai failli en bafouiller quand il a ouvert sa porte. J’avais vu quelques photos de lui chez Grand-mère mais je n’ai rien trouvé de plus intelligent que de lui demander s’il était bien Massimo Zenga. Je m’attendais à le voir grossi, vieilli et bourru. Tout au contraire, il était mince, élégamment vêtu, même surpris chez lui, et dès le premier regard, ses yeux et son sourire en disaient long, comme s’il m’avait attendu.
Au cours des années qui ont suivi, nous avons largement rattrapé le temps passé loin l’un de l’autre. M’aurait-il fait sauter sur ses genoux que nous ne serions pas plus proches aujourd’hui, j’en suis sûr. Grand-père semble ne pas avoir vieilli quand nous sortons. Nous avons échangé nos endroits favoris, tantôt chez lui à Montparnasse, tantôt chez moi à Montmartre. Je me souviens d’une de nos premières sorties à Pigalle. Grand-père avait déjà retrouvé plusieurs lieux chargés d’émotion pour lui et n’avait pas hésité à se mettre dans le même état d’ébriété qui était son quotidien dans les années cinquante, à l’époque où il écumait le quartier. Il semblait atterré de découvrir le nombre de cabarets qui avaient été remplacés par des restaurants pour touristes ou par des sex-shops. Il ne se laissait pas abattre pour autant et repartait invariablement en disant: « Je connais un autre endroit par ici… ». Il m’avait avoué que, sans moi, il aurait eu tendance à devenir casanier depuis son retour. Il ne traversait plus Paris aussi facilement.
Ce soir-là, nous avions déjà visité un bar et un cabaret, nous étions bien éméchés lorsque nous sommes arrivés devant une boîte à la mode. Son pas, qui l’instant d’avant était mal équilibré, s’est raffermi d’un coup à l’approche du videur qui semblait s’apprêter à nous refuser l’entrée. Il s’est redressé, a avancé sa main vers son visage en le fixant et lui a dit:
– Je suis le Grand Zenga, et vous, vous êtes complètement saoul!
Le cerbère s’est retourné en titubant et nous a ouvert grand la porte. C’était la première fois que je le voyais utiliser l’hypnose. À peine entré, je l’ai retenu par la manche:
– Comment as-tu fait ça, Grand-père?
– Il est vraiment saoul, il tentait désespérément de se contrôler. Tu dois sentir les points de déséquilibre du sujet. Il s’est senti percé à jour, son attention s’est fixée en lui-même et il n’a plus pensé qu’à son ivresse.
Le sentiment de culpabilité qui accompagnait l’utilisation de notre « particularité familiale », ainsi que mon père l’appelait, semblait étranger à Grand-père. Je n’ai pu m’empêcher de lui demander:
– Tu le laisses comme ça?
– Ce type de transe est puissant mais très fugace. Il nous a déjà oublié mais, tu as raison, il pourrait se faire renvoyer si son patron le surprenait maintenant.
Il a ouvert de nouveau la porte pour y passer la tête. J’ai eu le temps d’apercevoir le videur faire trois tours sur lui-même et de nouveau, nous tourner le dos. Il avait retrouvé son équilibre. Cette nuit-là fût la première où il m’a posé une question sur Papa, encore que très indirecte:
– Ton père ne t’a jamais parlé d’hypnose?
J’eus aussitôt en mémoire un souvenir cuisant:
– Très sommairement, et toujours pour me mettre en garde. La première fois alors que je revenais de l’école avec un sac de billes énorme que j’avais gagné après la classe. Il ne m’a pas laissé le temps de m’expliquer, il était vraiment hors de lui. Il m’a dit d’une seule traite, très énervé, que je ne pouvais pas prendre les choses que l’on me donnait. Quand je grandirai, je comprendrai que j’avais un don dont il ne fallait se servir que pour faire le bien. Même si mes amis semblaient heureux de me donner ces billes, il fallait les leur rendre. J’ai tenté de me défendre en lui répondant que l’on ne m’avait pas donné ces billes, que je les avais gagnées à la régulière, mais il n’a rien voulu entendre. La seconde fois j’avais quinze ans et je profitais à fond de ma vie d’adolescent, ne restant jamais bien longtemps avec la même fille. Je l’ai regardé en souriant gentiment pendant qu’il s’empêtrait dans de longues circonvolutions puis, j’ai fini par lui dire que je ne les endormais pas pour profiter d’elle dans leur sommeil, si c’était sa crainte. Il n’est tout de même pas allé jusqu’à me poser des questions sur mes techniques de drague. Il m’a simplement posé la main sur l’épaule, m’a rendu mon sourire et il n’en a plus jamais été question.
– Ton père est intelligent. Il savait sans doute qu’il était sur un mauvais terrain s’il avait essayé d’extirper l’hypnose de l’acte de séduction. Freud a bien résumé le sujet en disant qu’il y a plus de sens à expliquer le sentiment amoureux comme un état hypnotique que d’expliquer l’hypnose comme un état amoureux.
– J’ai découvert les effets de notre don par moi-même et souvent par hasard. Je ne crois pas en avoir jamais profité. Je te rassure, Grand-père, je n’ai jamais eu la pureté du sens moral de Papa. J’ai juste eu de la chance de n’avoir que peu de goût pour les biens matériels et une Grand-mère bibliothécaire ce qui me garantissait plus de livres à disposition que je ne pouvais en lire. Quant aux filles, je me suis toujours demandé quel sombre crétin pourrait en vouloir une qui lui obéisse en tout.
Là-dessus, nous avions trinqué en silence.
Le soleil et Grand-père, par ordre de première apparition à l’écran seulement, c’est le casting d’un superbe dimanche de juin au soleil franc et doux. Il

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