Souvenirs
104 pages
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Souvenirs , livre ebook

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Description

« Adolescent, je voulais m’extraire de leurs décors médiocres. Pourquoi n’ai-je pas réussi à prendre ce train où une femme peut disparaître ? J’aurais tracé mon prénom sur une de ses vitres embuées en regardant rapetisser à une vitesse folle leurs ombres pantoises sur les quais lisses de leurs gares. »

On situe l’adolescence comme une époque de la vie courant de dix ou douze ans à dix-huit ans. Dans ce livre, ce sont les moments troublés de cette période qui sont abordés, comme dans le précédent, Réminiscences, dont celui-ci est une suite. Cet ouvrage est constitué de fragments de mémoire, probablement flous, fragiles et déformés. Quarante textes tout autant bribes de vérité que fictions installées.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 juillet 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334164344
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-16432-0

© Edilivre, 2016
Avertissement
Quand j’étais encore petit mais plus trop , dans la parfaite continuité de mon enfance, on ne me comprenait pas. J’avais l’adolescence en vrac, de celle qu’on devait enfermer. On s’affligeait, on s’emportait, on me corrigeait, on m’examinait ; docteur, au secours… et encore le cortex sondé ! On voulait au moins une fois, Bon Dieu ! Une seule fois mon accord sur un petit quelque chose ou même sur rien. Mais je désertais les espérances de mes pseudo-tuteurs. Je leur tournais le dos. Je m’enfuyais dans un corridor si étroit et si long qu’ils n’osaient pas s’y aventurer. Cet asile était un exil mais au moins c’était le mien. J’ai eu tellement d’occasions de me cogner aux murs de ce boyau étranglé où j’ai couru à perdre haleine que mon corps s’est esquinté bien plus qu’il l’aurait dû. Quant aux heures sombres il rouvre des blessures que je croyais cicatrisées, je m’applique à l’exercice des « pas de côté » en maniant le crayon comme on le ferait d’un fouet pour dompter des passés dérangeants ; et quand les figures de mes anciens temps sont charmantes, c’est encore le crayon qui en avive les couleurs.
Je suis toujours un individu déconcertant, une structure sur pattes qui ne serait pas encore finie. On le disait déjà quand je faisais mon catéchisme 1 . Il me manque des cases, des briques, et cela m’est une bénédiction. De nombreuses années sont passées. Elles m’ont abîmé, bien sûr, mais je suis resté baigné d’une naïveté indécrottable qui me sert de garde-fou. Les mondes que j’écris inlassablement me sont des cocons. Car mon envie, plutôt mon besoin, ma nécessité d’écrire comme monsieur M., 2 Jacques de son prénom, a laissé intacte en moi une part de rêve que je ne cèderai à personne, pas même au diable.
1 . Confère « Réminiscences Quand j’étais encore petit », Réminiscence (3) , Catéchisme.
2 . Confère l’avertissement évoquant l’année 1965 dans « Réminiscences Quand j’étais encore petit » .


« Le souvenir commence avec la cicatrice. »
Alain
dans Propos sur l’éducation
Si le souvenir naît quand les plaies sont refermées, s’il se manifeste quand les cicatrices tirent ou démangent, bienheureusement il remonte aussi au gré des madeleines. Les fragments de mémoire rassemblés ici sont de couleurs différentes, tantôt douloureux, tantôt exaltés, parfois plaisants, parfois choquants et souvent écorchés. C’est que l’adolescence est un terrain abrupt fait de sommets et d’abîmes, une période gourmande des tourments du corps et de l’esprit : éruptions, tumultes, apathies, naïvetés, utopies, révoltes, trahisons, violences, mélanges instables et successifs de douleurs et de douceurs. Ces fragments qui s’opposent ou se complètent sont des bribes de vérité ou des fictions installées, qu’importe.
Aux amours gravés à mon bras : Véronique ma femme, Cédric et Luc nos enfants. Pour eux, ce regard sur l’adolescence qui n’est pas une fin ; ou ce regard sur l’adolescence, qui n’est pas une fin.
Citation


L’obsolescence de l’adolescence est une calamité.
Hubert Mandrill dans L’esprit brillant au cul du singe.
Réalité
Adolescent , j’étais un glandeur fini. C’était bien la seule chose aboutie chez moi. J’étais une espèce d’objet à peine animé, une solitude muette dont on ménageait le confort matériel pour que je n’aie aucun motif de la ramener.
Ce qu’on aimait en moi, c’était ma capacité à ne pas peser.
Souvenir (1)
Cafés
Adolescent , j’oscillais entre absentéisme et décrochage scolaire. À seize ans, j’avais mes habitudes. Chaque début d’après-midi, je ralliais lentement l’unique place de mon quartier, qu’il vente, qu’il pleuve, que le soleil resplendisse ou que la neige – rarement – rendît glissants les trottoirs. À me voir déambuler comme un automate, vêtu de noir de la tête au pied avec mon éternel chapeau melon sur le chef et mes petites lunettes qui ne laissaient rien distinguer de mon regard, les voisins plaignaient spontanément mes parents de devoir veiller sur cette étrangeté. Ils m’accablaient parce que je n’étais pas naturellement du monde des vivants comme il aurait été convenable de l’être, parce que j’étais seulement une ombre silencieuse qui ne leur rendait jamais leurs saluts.
À treize heures pétantes, j’entrais dans le bistrot tenu par Bruno. J’avançais de quelques pas, me postais dans l’axe de l’entrée face à la fontaine à bière plantée sur le comptoir, ne regardais personne et commandais à voix basse : « café avec ». Il me servait aussitôt un expresso sans sucre accompagné d’une Porter bien foncée, presque noire. Invariablement, je les buvais l’un après l’autre, d’abord le café avec une lenteur toute mécanique, les yeux fixés sur le fond de la tasse, puis la bière que j’engloutissais d’un seul trait. Ensuite, je saluais machinalement le zinc et quittais le bar en silence. Bruno pratiquait aimablement l’ardoise. Délicat, il attendait toujours que je sois sorti pour inscrire le montant des consommations sur son carnet rangé sous le comptoir. Il devait prier pour qu’un jour enfin je le règle mais n’y faisait jamais allusion.
Ce manège avait duré de longs mois, une année peut-être, jusqu’à ce qu’un malfrat éclate le visage souriant du patron à coups de revolver, effaçant ainsi d’un même élan...

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