Talons rouges et sable blanc
144 pages
Français

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Talons rouges et sable blanc , livre ebook

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Description

De Madagascar au Vietnam, des femmes jeunes et belles, perchées sur de hauts talons rouges, se déhanchent sur les pistes de danse où des hommes esseulés et des jeunes soldats cherchent le réconfort...

Sur le sable blanc, au bord du Tanganyika, ceux qui ont fui les collines avant d’être enrôlés par les assaillants ou de succomber sous les coups des machettes s’entassent dans des abris faits de bric et de broc.

Sur le sable blanc, au pied des falaises du pays de Caux, les amants s’enlacent pour la dernière fois...

Des histoires vécues lors des missions humanitaires, et d’autres imaginées composent ce recueil de onze nouvelles écrites au fil des ans.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 août 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332982810
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-98279-7

© Edilivre, 2015
« Pourquoi écrivez-vous, demanda Daniel Rondeau à Paul Bowles ?
– Parce que je suis encore au pays des vivants, répondit le vieil écrivain ».
Cap-Est
Shahondra est seule dans la case.
Ziva, son mari est parti depuis hier pour la ville. Il doit y acheter des semences et des outils.
D’ici une semaine il sera de retour et,  si la pluie cesse, il brûlera les herbes de la parcelle qu’il a récemment défrichée.
La terre noircie sera retournée puis ensemencée.
À la saison prochaine, Ziva récoltera le riz « Tavy », ce riz des collines qui bordent les côtes de Madagascar.
Les girofliers et les pieds de vanille qu’il a repiqués ne produiront que dans sept ans.
Shahondra a confiance en l’avenir.
Elle connaît le courage de son mari et sait qu’ils ne manqueront pas de nourriture. Elle est heureuse, pense à la pièce que Ziva est en train d’ajouter à la case. Ils auront bientôt une chambre.
Shahondra sourit.
Son regard se promène sur le potager.
À la saison prochaine, les brèdes, les tomates et les haricots sortiront de terre.
Les bananiers fourniront de beaux fruits.
Les poules pondront de gros œufs.
Et dans quelques semaines Shahondra donnera à Ziva son premier enfant.
Depuis deux jours, le bébé dans son ventre remue moins.
Francette, sa voisine, lui a dit que c’est signe qu’il ne tardera pas à sortir.
D’ici là, son mari sera rentré et il la conduira chez Noémie, la matrone.
Après un an de mariage, Shahondra craignait d’être inféconde.
À Madagascar comme dans beaucoup d’autres pays, la stérilité est redoutée. Sans descendance, qui prendrait soin des anciens ?
Même s’il s’agit d’une jeune fille célibataire, la grossesse est toujours considérée comme une bénédiction.
La nouvelle a donc été accueillie dans la joie et, selon la tradition, la future mère est devenue l’objet d’attentions particulières. Ses voisines lui ont appris une multitude d’interdits et l’ont conseillée sur le choix des aliments.
Ce matin encore le ciel est bas, tout gris.
Une pluie fine détrempe le sol, transformant les chemins en bourbiers.
Suivie de ses trois enfants, le quatrième maintenu sur son dos par le pagne qui lui ceint les reins, Francette rejoint Shahondra :
– À la radio, ils parlent d’un terrible cyclone qui balaiera la côte d’ici quelques heures.
Il y a un mois, la même annonce avait été faite, mais le cyclone avait dévié sa course meurtrière.
Il avait touché les côtes plus au sud puis était passé entre les hauts plateaux pour traverser l’île d’est en ouest.
Puissant, il avait continué jusqu’au Mozambique pour y faire encore d’autres victimes.
Ensuite, la radio locale avait parlé de dizaines de morts, de cultures détruites et de maisons emportées.
Les deux femmes espèrent que celui-ci se perdra dans l’Océan Indien et ne touchera pas les terres.
* *       *
La nouvelle tombe sur la province d’Antalaha. Elle est diffusée sur toutes les ondes. En malgache et en français.
Équipé d’une antenne satellite, Paul suit l’avancée du cyclone.
– C’est du sérieux, annonce-t-il. Il faut préparer les touristes, assurer leur sécurité et amarrer solidement le bateau.
Résidant au Cap-Est depuis cinq ans, il a construit un complexe hôtelier constitué de cases simples mais confortables, en bordure d’une jolie plage abritée des vents.
Le gouvernement n’acceptant pas l’achat de terrains immobiliers par les étrangers, il loue cette belle parcelle à un Chinois natif de Madagascar et producteur de vanille.
Tsai Shen 1 porte bien son nom. Il est, sans aucun doute, le plus fortuné de la région.
Rapidement, il a jaugé l’homme quand Paul s’est présenté à lui.
Il a apprécié le projet exposé par ce dernier, a évalué les profits qu’il pourrait en tirer.
Il s’est dit que le terrain serait entretenu et si le Français décidait un jour de quitter l’île, les constructions resteraient.
Et aussi riche soit-il, un loyer est toujours bon à prendre !
Le bail fût signé.
Le lendemain, il lui envoya une cuisinière, un « lavandier », un homme à tout faire.
D’homme à tout faire, Théo est vite devenu l’homme de confiance. Efficace, astucieux, énergique, consciencieux, honnête, discret, Paul découvrit vite les qualités de ce garçon muet.
Tous deux travaillèrent d’arrache-pied et quelques semaines plus tard, Paul y amena Lisa.
Les deux jeunes gens se connaissent depuis l’enfance. Antalaha n’est pas une grande ville, juste un gros bourg.
Un peu plus âgé qu’elle, Théo a vu grandir Lisa.
Il a vu la petite fille devenir une jolie jeune fille.
Et ce jour-là, quand Paul lui fait visiter l’hôtel, le jeune homme découvre quelle vie de femme elle a choisie.
Paul, l’homme qu’il apprécie chaque jour un peu plus depuis qu’ils travaillent ensemble, se révèle être un vieux vazaha 2 qui profite de son argent pour s’offrir une jolie jeune fille !
Depuis son arrivée en mille-neuf-cent-quatre-vingt-quinze, Paul a agrandi l’hôtel d’une construction en dur qui sert de restaurant et de salon.
Lisa s’occupe des réservations, se trompe souvent, s’embrouille dans les comptes mais obtient toujours l’indulgence de son compagnon.
Celui-ci supervise le bon fonctionnement de l’établissement.
Il emmène aussi ses clients admirer le ballet des baleines quand elles remontent du sud, passant entre Sainte-Marie et le Cap-Est.
Les eaux peu profondes de la baie protègent les baleineaux des grands prédateurs, tels les requins et les orques.
Le spectacle de la grande nageoire caudale sortant largement hors de l’eau ravit les touristes.
Les chorégraphies de ces gracieux cétacés laissent alors un souvenir impérissable et des photos magnifiques.
Pour l’heure, chacun s’active avant l’arrivée du cyclone.
Théo range le matériel de plage, plie les transats, ferme les parasols, pose le tout sur la remorque attelée au quatre-quatre.
Pas de gestes inutiles, pas d’inquiétude sur son visage, il agit rapidement, mais sans précipitation.
Paul assure l’amarrage du « Kyrié », pose les pare-battages, démâte le dériveur de Lisa et le remonte sur la plage.
Lisa informe les trois couples de touristes.
– Ça risque de balayer fort. D’habitude, les cases résistent bien aux vents violents, mais je vous conseille de me rejoindre au salon.
Nous avons un générateur pour pallier les coupures de courant.
Le bateau est à l’abri pour la sortie de demain…
Pêle-mêle, débitant les prévisions, les solutions, laissant les touristes gagnés par l’angoisse, elle retourne à sa tâche.
En attachant solidement les persiennes, elle se souvient de sa rencontre avec Paul.
Elle fêtait ses dix-huit ans avec quelques copines dans la discothèque d’Antalaha.
Il était en vacances à Madagascar pour trois semaines.
Cette nuit-là, ils ont dansé, bu, beaucoup parlé.
Oui, c’est sûr, il était et est toujours un peu plus vieux que son père !
Il lui a dit combien il s’ennuyait avec la mère de ses enfants épousée trente-cinq ans plus tôt et à quel point il redoutait sa vie quand il cesserait, au printemps, son activité d’entrepreneur de travaux publics.
Elle lui a dit comme elle aimerait avoir de jolies chaussures, des vêtements à la mode, des colifichets pour ses cheveux, s’amuser, danser, manger des « camarons », ces délicieuses crevettes de Madagascar, aller à Tana 3 et de là, s’envoler pour Paris.
Il a ri de ses désirs.
Il lui a expliqué le parcours professionnel de ses trois filles et ce qu’elles attendaient de l’avenir.
– Pareil que moi, rétorqua-t-elle ingénument, elles font tout ça pour s’acheter ce qui est à la mode !
Il rit de sa candeur. Il y avait si longtemps qu’il n’avait pas ri de si bon cœur.
– Mais elles ont fait des études pour être indépendantes, dit-il.
– Moi, je ne ferai pas d’études, j’épouserai un homme riche et je serai indépendante, insista-t-elle.
– Encore faudra-t-il qu’il t’aime beaucoup et qu’il te fasse confiance pour te donner cette indépendance.
Sérieuse, elle lui expliqua que l’homme qui lui offrirait des chaussures rouges à talons, des barrettes à fleurs pour ses cheveux, de jolies robes serait le plus heureux des hommes.
Elle affirma que cet homme aurait la femme la plus fidèle qui soit à Madagascar.
– Lisa, ma belle, arrête de rêvasser et retrouve-nous au salon, sollicite Paul.
Talons aiguilles rouges, taille de guêpe dans sa robe froufroutante, énergie de ses vingt-trois printemps, Isa rejoint Paul, Théo et les touristes.
* *       *
La nuit est tombée.
Dans la case, Francette est inquiète.
Il y a à peine un quart d’heure, Shahondra a eu sa première contraction et voilà qu’à nouveau son visage se crispe.
Normalement, le premier enfant prend son temps. Il fait languir. Il fait souffrir.
Les rafales balayent tout sur leur passage.
Les tôles gémissent, certaines s’envolent.
Le bambou ploie.
La pluie torrentielle cingle.
Shahondra geint et Francette craint.
Impossible d’aller chercher Noémie la matrone ou qui que ce soit connaissant mieux qu’elle les gestes à faire, les soins à prodiguer.
Dans l’obscurité, ses petits apeurés se serrent les uns contre les autres.
Elle installe Shahondra dans la pièce que Ziva a commencé à construire.
Traditionnellement, à l’approche du terme, les femmes préparent un coin dans la maison où un feu est entretenu en permanence pour tenir l’accouchée au chaud et pour que les flammes chassent certains mauvais esprits qui risqueraient de nuire à la mère et à l’enfant. Mais le vent éteint ses tentatives.
Allongée sur la natte, Shahondra endure sans broncher les douleurs de l’enfantement.
À Madagascar, on juge la force de caractère des parturientes au silence qu’elles s’imposent pour accoucher.
Munie de la lampe torche, Francette prépare le lin

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