Après un long silence
236 pages
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Description

Cet ouvrage est le témoignage d’un journaliste professionnel. De mai 1955 à juin 1962, il a suivi et couvert les événements qui ont amené à l’indépendance de l’Algérie.
André Scala (pseudonyme) est aujourd’hui à la retraite au terme d’une carrière de quarante-deux années. Il a observé un long silence et a tenu à prendre une certaine distance avec les faits qu’il a connus durant sa collaboration au Journal d’Alger.
Une guerre qui ne disait pas son nom. Subversive, sans ligne de front. Presque gagnée sur le terrain. Une armée de 500 000 hommes (l’auteur en a fait partie en tant qu’appelé du contingent durant trente mois) face à quelques dizaines de milliers de clandestins, dont la majorité se trouvait cantonnée au-delà de la frontière tunisienne.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 octobre 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414135295
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-13527-1

© Edilivre, 2017
Exergue


« Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. »
Marcel Camus
Avertissement
Ce récit est une fiction… émaillée de nombreux faits réels – Son auteur fut journaliste et « appelé » en Algérie Il serait vain de vouloir identifier tel ou tel individu, voire démasquer un éventuel « coupable ».
L’époque fut tragique pour tous les protagonistes. Nul n’en est sorti indemne, mais meurtri, si ce n’est dans sa chair, au plus profond de son âme. Car, les innocents ont largement payé pour les vrais responsables de cet effroyable gâchis humain.
Un long silence a suivi en France le tumulte sanglant qui a abouti à l’indépendance de ce pays. A la fin du XX ème siècle, des voix se sont élevées pour inciter les français à la repentance. L’auteur ne participe pas à cette tartuferie.
Toute guerre est par définition une atrocité. Et la guerre subversive est certainement la plus atroce de toutes. Elle frappe aveuglement, d’abord et surtout, les innocents. Ceux-ci sont à la fois la cible et l’enjeu.
Si repentance il doit y avoir, elle appartient aux seuls responsables politiques qui, par manque de lucidité ou de courage et parfois des deux, ont laissé ce conflit se déclencher, dégénérer et perdurer tant d’années ?
Des ouvrages ont déjà été consacrés à cette « guerre », très particulière, faite principalement à des civils désarmés. Ceux-ci n’ont toutefois pas réussi à fissurer l’amnésie volontairement entretenue en France par le pouvoir politique.
Romanciers, historiens, essayistes, ethnologues, mémorialistes ont commencé à apporter leur contribution à la compréhension de cette tragédie.
Ce modeste ouvrage n’a d’autre ambition que de témoigner à travers l’expérience d’un homme comme tant d’autres, au fil de ses angoisses, ses espoirs, ses déceptions, ses chagrins, ses colères, sans aucune responsabilité personnelle dans le drame qu’il a vécu.
Qu’il habite au sud ou au nord de la Méditerranée, le lecteur pourra se rendre compte que les uns et les autres ont été floués. Quelque soit leur camp. On leur a menti. Ils ont été manipulés.
Les faits sont certes les faits. Pour un simple quidam, un ouvrier, un commerçant, un employé, un fonctionnaire, un agriculteur, un père ou une mère de famille, le souci essentiel et quotidien est d’assurer le bien être des siens. Il en était ainsi alors en Algérie.
Si soudain si l’on se découvre « oppresseur » ou suspect, si les épithètes fleurissent à votre égard dans les tribunes internationales, la presse et les médias, le garagiste, le garçon de café, le camarade d’école, le chauffeur d’autobus, l’épicier du coin ou son client devient soudain l’étranger, puis l’ennemi mortel.
Chacun de se demander quelle responsabilité il peut avoir dans cette montée de l’ostracisme, de la violence, de la folie collective.
Est-on innocent ou coupable ? Et, dans le second cas, de quoi ? D’indifférence, de négligence, d’ignorance, d’habitudes fâcheuses, d’orgueil, de préjugés stupides, voire d’un racisme mesquin, inconscient ou non ?
En quoi a-t-on pris part à l’édification du mur de la haine ? Et cela mérite-t-il la mort, la torture d’un handicap pour le restant de ses jours ou encore la spoliation de tous ses biens et l’exil définitif ?
Rude examen de conscience. Difficile verdict. On sait ce qu’est l’injustice. Mais la Justice, est-ce parfois une autre injustice ?
Cinquante cinq ans plus tard, peut on évoquer, parler, écrire sans passion sur ces années de sang et de larmes, sans gratter les vieilles plaies mal cicatrisées, sans faire resurgir les ressentiments, les mots de haine ?
Peut-on dire les choses honnêtement sans être taxé de parti pris, de trahison, de xénophobie, de racisme ? L’auteur en prend le pari et le risque en mémoire de ceux qui ont payé de leur vie, de leur sang ou de leurs deuils, le droit d’approcher quelques vérités jamais avouées.
A. S.
1 La cantine verte
– « Tu le sauras quand tu en auras l’âge ! »
Tout petit déjà, j’étais intrigué par cette caisse métallique verte, fermée par une barre de fer et un solide cadenas. Pendant plus de quatre décennies, elle est restée dans le cellier de mes parents, coincée sous un amoncellement de valises et de cartons.
Cette cantine a toujours été pour moi la porte d’un monde interdit. Enfant, j’ai tout d’abord imaginé un trésor digne de Robinson Crusoë. Puis, j’ai songé stupidement à de sombres secrets, inavouables. J’avais une douzaine d’années quand j’ai osé poser la question à mon père. Le ton de sa réponse ne m’a pas permis d’insister. Ce qui n’a fait qu’épaissir son mystère et accroître ma curiosité. Les années ont passé. J’ai eu bien d’autres objets d’intérêt, mais je n’ai jamais oublié cette malle verte.
Aussi, le lendemain des obsèques de mon père, lorsque je suis descendu au sous-sol de la maison de mes parents, j’ai été profondément troublé. La cantine n’était plus à sa place. Elle était près de la porte, posée sur deux longerons de bois. Pour la première fois, je vis l’inscription en lettres blanches qui barre la largeur du couvercle : « Lt Marel, 8 ° R.S.A. ». R pour régiment, S pour spahis, A pour Algériens.
Mon père avait du estimer que l’heure était venue pour moi de savoir. Se doutait-il qu’il n’aurait pas le temps de me parler ? Moi, je suis sûr d’avoir eu tort de tant patienter. À dire vrai, je ne pouvais concevoir qu’il puisse si vite nous quitter. Avec son mètre quatre dix de haut, sa silhouette de deuxième ligne de rugby et son crâne rasé, il dégageait une telle impression de force et de vitalité, qu’il me paraissait indestructible.
Quand j’ai décroché le téléphone, je n’ai pas réalisé ce que me disait le gendarme à l’autre bout du fil. Un accident sur la RN 113, entre Toulouse et Carcassonne, je le comprenais. Mais que mon père ait perdu la vie dépassait en cet instant mon entendement. Lui qui m’a appris tous les pièges de la route avant de me confier un volant. Une heure plus tôt, il m’avait quitté toujours aussi enthousiaste, des projets pleins la tête.
Je n’ai aucun souvenir du trajet pour me rendre sur les lieux. Il ne devait pas y avoir de radar ce soir là sur l’autoroute. Sinon, je n’aurais sans doute plus de permis de conduire. Pendant le parcours une seule pensée m’obsédait : ma mère !
Mes parents formaient un couple en amour trempé, comme l’acier. L’idée qu’elle ne puisse lui survivre me tordait le cœur. Si je sais ce qui aura eu raison de ma mère, le chagrin et la solitude, j’ignorerai toujours la cause du décès de mon père. L’on ne saura jamais pourquoi il est sorti de l’autoroute par la bretelle de Bram et ce qui a pu se passer quelques kilomètres plus loin. Aucune trace de freinage sur la chaussée et sa voiture cintrée autour d’un des platanes bordant le côté droit de la route. Malaise, manœuvre hasardeuse, trajectoire délibérée ou faute d’un criminel de la route ? Pour les gendarmes ce ne fut que le énième accident mortel inexpliqué sur la même portion de route, près d’Alzonne, à l’orée du vignoble audois.
De retour dans la maison de ma jeunesse, accrochée dans la montée de Grazailles, face aux formidables remparts de la cité de Carcassonne, tout ce qui m’entoure me paraît désenchanté. Une partie de son âme s’en est allée. Chaque meuble, chaque bibelot est un jalon du bonheur de mes parents. Ce décor n’avait, en fait, de sens que par leur présence. Il est le reflet de leurs deux personnalités. Il traduisait leur rare harmonie.
Il m’avait fallu m’éloigner d’eux pour en prendre conscience, habitué jusque là au ton paille des murs, à la chaleur des bois blonds des commodes et des tables, aux couleurs sourdes ou éclatantes des tapis, à l’exubérance de la bibliothèque riche des plusieurs milliers de livres, à la luminosité des tableaux orientalistes réunis par mon père.
Si je dois un jour garder un seul souvenir de mes parents, ce sera cette collection patiemment rassemblée. Elle symbolisait pour mon père son pays perdu, son Atlantide comme il l’avait dit une fois : l’Algérie. Un pays à mes yeux mystérieux, incompréhensible, tragique.
Mon père en parlait rarement. Il ne fréquentait guère ses compatriotes. Je n’ose encore aujourd’hui l’expression commode pour les désigner de « pieds noirs ». Il n’aurait pas apprécié. « Une trouvaille de journaliste en mal de copie pour se gausser d’un peuple martyrisé » s’était-il un jour exclamé avec une rage froide.
Il avait vingt neuf ans lorsqu’il a fui en juin 1962, en même temps qu’un million d’autres européens, la folie meurtrière qui avait embrasé son pays natal. À l’époque, on parlait de « décolonisation » pour justifier un nettoyage ethnique. Le mot était plus vertueux mais le résultat identique. Une partie de la population fut chassée de ce pays en raison de son origine ethnique.
Quarante ans plus tard, je pourrais me contenter de résumer la vie de mon père par cette ellipse : né à Alger, mort sur une route de l’Aude. Ma mère ne me le pardonnerait jamais. Pourtant elle n’en savait guère plus que moi sur son passé algérien.
Ce n’est que ces dernières années que j’ai discerné cette ombre discrète qui suivait ce personnage paradoxalement réservé, pour ne pas dire distant, mais aussi chaleureux qu’était mon père. Il paraissait à la fois sympathique et inaccessible, courtois, aimable, serviable mais jamais familier. Je n’ai jamais vu quelqu’un lui taper sur l’épaule ou l’interpeller publiquement. Il en imposait, comme on dit vulgairement.
Seule, ma mère partageait avec moi cette vision subliminale. Pendant longtemps, je n’ai pas compris la raison du regard inquiet qu’elle portait sur mon père, quand il semblait tout à coup absent.

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