Bonsoir tendresse : Autobiographie
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Bonsoir tendresse : Autobiographie , livre ebook

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Description

Poète, romancier, René Depestre est l’une des figures les plus originales de l’avant-garde artistique et intellectuelle de l’après-guerre. Sa vie suit les chaos de l’histoire et en épouse un temps les espoirs : à Paris, il rencontre André Breton, Louis Aragon et les surréalistes, et débat avec le représentant du mouvement de la négritude, Aimé Césaire ; en Tchécoslovaquie, il se lie d’amitié avec Pablo Neruda ; à Cuba, il s’engage auprès de Che Guevara et soutient le régime de Castro. C’est toute l’effervescence de cette vie d’engagements, et de désillusions aussi, que restitue ce livre. Il revient sur les grandes questions de la décolonisation et de la négritude. René Depestre, qui se définit lui-même comme « Haïtien errant », entend dépasser les séparations raciales, qui sont autant de pièges où s’appauvrit la diversité des cultures et des corps. « Porter tendrement sa couleur de peau », cette paix ne s’obtient que si l’on sait conjuguer la force de l’art et l’ardeur de l’action. Texte établi par Jean-Luc Bonniol. René Depestre est poète, romancier et essayiste. Il a publié de nombreux recueils de poésies, dont Étincelles. Il a travaillé au secrétariat de l’Unesco jusqu’en 1986, et il a obtenu le prix Renaudot en 1988 pour son roman Hadriana dans tous mes rêves. Jean-Luc Bonniol est anthropologue et historien, professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille, spécialiste des sociétés créoles. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 janvier 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738141866
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

René Depestre
Bonsoir tendresse
Autobiographie
Avant-propos de Marc Augé Préface de Jean-Luc Bonniol


Ce livre est publié dans la collection « Mondes contemporains » dirigée par Marc Augé
 
 
Les humains, pour diverses et inégales que soient leurs situations, sont chaque jour davantage pris dans une même histoire. Cette collection rassemble des textes qui témoignent à la fois de ces différences et de cette convergence.
 
 
© O DILE J ACOB , janvier 2018
15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-4186-6
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3°a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Louis-Philippe Dalembert.


Avant-propos
Je suis heureux que l’autobiographie de René Depestre inaugure la collection « Mondes contemporains ». Durablement fidèle à ses origines et à son enfance haïtienne, mais participant à toutes les aventures politiques et intellectuelles du siècle, René Depestre est un homme « aux multiples racines », comme le rappelle dans sa préface son ami Jean-Luc Bonniol, spécialiste des sociétés créoles et professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille.
Témoin et acteur du siècle, René Depestre, né en 1926, s’est toujours situé à l’avant-garde de l’histoire de son époque et il a réussi ce miracle de rester profondément attaché à sa terre natale tout en devenant un citoyen du monde. Miracle dû sans nul doute à son esprit poétique qui lui permit de vivre les aventures du siècle les yeux ouverts et de ne jamais hésiter à se retirer quand il prenait conscience des dérives ou des mensonges qui en pervertissaient le cours. Ce fut le cas lorsque, rentré en Haïti en 1957, il fut amené à constater les effets pervers de la « négritude » élaborée par Duvalier. Ç’avait été le cas lorsque, après avoir fui la dictature militaire dans son pays et avoir participé aux mouvements anticolonialistes en France, il fit pour un temps l’expérience du régime communiste en Europe, avant de devoir quitter Prague en 1952, d’être expulsé de Cuba par Batista, puis, après quelques années passées à parcourir le monde, notamment l’Amérique latine, d’être invité à y vivre, en 1959, par le poète Nicolás Guillén, qu’il avait connu dans sa jeunesse en Haïti. Proche de Che Guevara, sensible aux apports du castrisme à divers secteurs de la vie cubaine, comme l’éducation et la santé, il en vint à dénoncer le manque de liberté d’expression et le régime politique lors du procès intenté au poète cubain Heberto Padilla et revint, en 1978, en France. Il a acquis la nationalité française en 1991.
Tout en étant sensible à la réflexion de Senghor, Depestre considère que l’âge de la négritude est dépassé. Plus profondément, il essaie de rester fidèle à des influences locales tout en les mettant à distance ; ainsi du vaudou, dans lequel il voit, comme André Breton, une forme de « surréalisme populaire ».
Écrivain avant tout, il tisse des liens avec les écrivains de tous les pays où il séjourne (au Chili avec Pablo Neruda et Jorge Amado, rencontrés une première fois en Tchécoslovaquie) ; dans sa jeunesse, en 1945, il avait accompagné André Breton dans une cérémonie vaudoue ; la même année, il avait publié son premier recueil de poèmes, Étincelles . René Depestre s’investit dans la littérature des pays où il séjourne, rencontre des esprits forts, subtils et généreux qui tentent de s’abstraire des mots d’ordre officiels des partis politiques dominants. Nous découvrons par exemple avec lui les deux faces des écrivains demeurés officiellement membres du parti communiste, en Europe comme en Amérique. La qualité des individus et leur relative impuissance devant la dérive des systèmes : tel est l’un des thèmes récurrents de ce livre. Le dernier chapitre (« Que peuvent les intelligentsias ? ») évoque plusieurs des grands auteurs rencontrés, fréquentés et lus par Depestre – d’Aimé Césaire à Michel Leiris, d’Alioune Diop à Sartre et Simone de Beauvoir. Depestre, malgré les turpitudes de l’histoire, croit toujours à l’idéal d’une humanité pour laquelle, selon les termes de Sartre, l’idée de fraternité deviendrait « le rapport unique et évident entre les hommes ».
René Depestre a obtenu le prix Goncourt de la nouvelle pour Alléluia pour une femme-jardin (Gallimard, 1982), le prix Renaudot pour son roman Hadriana dans tous mes rêves (Gallimard, 1988) et en 2016 le prix de la Société des gens de lettres pour l’ensemble de son œuvre.
 
Marc A UGÉ .


Préface
Retrouver René Depestre dans sa maison de Lézignan-Corbières, la bien nommée Villa Hadriana, du nom de l’héroïne du roman qui l’a rendu célèbre : émane d’elle un parfum d’antique, comme si on accédait à la demeure d’un empereur romain. On est de fait saisi d’emblée par le charme mystérieux de l’édifice : l’ample colonnade qui précède l’entrée est envahie par une cascade d’ampélopsis, laissant croire qu’on pénètre dans un temple consacré à la célébration de Bacchus…
J’ai le souvenir de notre première rencontre : je le connaissais évidemment pour avoir longuement compulsé un ouvrage consacré à l’histoire d’Haïti de Dessalines à Duvalier, où il était fait allusion à plusieurs reprises à la paire de continuateurs de Jacques Roumain qu’il avait formée, jusqu’au début des années 1951, avec Jacques Stephen Alexis. J’avais dévoré avec enthousiasme son livre Bonjour et adieu à la négritude , qui avait fait littéralement irruption dans le ciel de mes idées en 1980. J’avais enfin lu avec délectation, quelques années plus tard, Hadriana dans tous mes rêves , avec ses stimulants intermèdes théoriques. C’est dire que je ne m’aventurais pas complètement en terre inconnue. Mais m’approcher de lui m’a permis de percevoir immédiatement la lumière qui émane de sa personne, sa générosité foncière et sa joie communicative, soulignée par les éclats de rire qui ponctuent un discours marqué, malgré l’éloignement d’Haïti depuis plus de soixante ans, par une séduisante persistance de l’accent créole, qui va de pair avec une absolue maîtrise du verbe français.
Le récit qui suit est une autobiographie intellectuelle, qui permet d’éclairer tout à la fois son parcours de vie et la maturation de sa pensée, avec l’espoir de sauver du naufrage existentiel quelques idées et quelques sentiments (illusoires, se demande-t-il ?) de poète. René Depestre y relate ses tribulations entre les deux blocs qui s’opposaient dans la seconde moitié du XX e  siècle, de part et d’autre du rideau de fer. Cet itinéraire s’est déployé dans un monde déjà globalisé, celui de l’avant-garde intellectuelle et artistique, tout au long de l’existence de cet « Haïtien errant » qui a traversé géographiquement, politiquement, esthétiquement, tout le XX e  siècle. « Les engagements comme les refus […] traceront, au gré de ses semelles de vent, une carte intérieure 1  » : Marie Joqueviel-Bourjea et Béatrice Bonhomme évoquent de manière heureuse le concept rimbaldien d’« œuvre-vie 2  », je dirais même d’une vie-œuvre, tant elle condense, dans son chaos même, des éléments romanesques – voire picaresques – que l’on croirait surgis de ses créations littéraires.
Une « rage de vivre » marquée par l’effervescence et la ferveur, celles d’un intellectuel qui n’a pas dédaigné l’action et les combats collectifs, sous le signe initial de l’espoir communiste, mais très vite assombrie par la tristesse des désillusions. Comme il a pu le dire lui-même, sans pathos mais avec clairvoyance : « Je fais mes adieux à tout ce que mes jeunes années ont rêvé […] mon cheval s’est trompé de chemin 3 . » Sans jamais toutefois renoncer à un impératif éthique et à la force d’un engagement fondamental, né dans la matrice des années 1945-1946, celui de la poésie comme force vitale, seule apte à établir un vivre-ensemble des humanités sur la planète. Cet « état de poésie », à l’encontre de tous les dogmes, est tout entier pénétré par la tendresse, ce sentiment qui imprègne toute l’œuvre de l’écrivain et qui a inspiré ses actions, témoignant de l’aspiration solaire d’un homme qui a cherché tout à la fois à comprendre, à aimer (comme l’illustre à l’envi son « érotisme solaire » maintes fois célébré), et à rêver…
Cette tendresse tournée vers l’entièreté du monde, sans doute héritée de la tendresse maternelle, le fait en permanence revenir vers la terre de l’enfance, cette terre haïtienne qui a inspiré l’essentiel de sa création. En particulier vers Jacmel et la beauté somptueuse de son golfe, bercé par les vagues de la mer Caraïbe, lieu des premiers émois amoureux, vers les rythmes du carnaval, l’opulence des vergers et la profusion des oiseaux… Mais aussi vers cette petite classe moyenne provinciale à laquelle appartenait sa famille, vers la machine Singer de sa mère Dianira, telle qu’elle est mise en scène dans son dernier roman, Popa Singer , machine qui lui permit d’élever seule ses enfants, après la disparition précoce de son père. Un Haïti d’autrefois sans doute idéalisé, tel qu’il est présenté dans le premier chapitre de ce livre, contrastant amèrement avec l’image de désastre qui est aujourd’hui la sienne. Mais René Depestre n’en est pas dupe : il sait la longue histoire douloureuse du pays, qui a toujours été cette « éponge gorgée de sang 4  » : s’il considère Haïti comme un hapax historique, à savoir l’occurrence uniq

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