Casanova : La contagion du plaisir
326 pages
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Description

Par l'auteur de Biologie des passions, un brillant divertissement, le regard d'un biologiste et médecin, amoureux des lettres et de la vie, sur le célèbre aventurier vénitien du XVIIIe siècle, dont les Mémoires sont étrangement rythmées par le récit glorieux de ses maladies : pas moins de onze véroles, pour une multitude de conquêtes...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 1990
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738158703
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Biologie des passions
Odile Jacob, 1986
En couverture: Gian Domenico Tiepolo, Le Carnaval (détail-fresque). Archives D AGLI O RTI .
© O DILE J ACOB, MARS 1990. 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5870-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Je suis Casanova
l’amant joyeux et tendre
Je dis à l’amour : « va »
il va sans plus attendre
cueillir le cœur des belles
j’en ai des ribambelles
Guillaume Apollinaire Casanova
Avertissement

Pour ce qui me regarde, me reconnaissant toujours pour la cause principale de tous les malheurs qui me sont arrivés, je me suis vu avec plaisir en état d’être l’écolier de moi-même, et en devoir d’aimer mon précepteur.
Jacques Casanova
Histoire de ma vie, I, préface

Il convient de souscrire à l’opinion rapportée par Havelock Ellis « selon laquelle tout homme de lettres convenable a toujours été d’avis que la moindre allusion faite à Casanova en public devait commencer et finir par une réprobation entière de sa turpitude inexprimable 1  ». N’étant pas homme de lettres, il ne me sera pas nécessaire de brandir cette réprobation ; mais la turpitude de Jacques Casanova n’en est pas moins là et mon seul soulagement aura été de l’affronter précédé dans cette entreprise décourageante pour les mœurs par la réconfortante cohorte des philologues, psychanalystes, académiciens, médecins, romanciers, poètes et hommes de qualités diverses qui, depuis plus d’un siècle et demi, ont fait de l’ Histoire de ma vie l’objet d’études approfondies, d’exégèses savantes et parfois leur livre de chevet.
Tâche bien vaine et non dépourvue de risque pour un étranger à la tribu des lettres que d’écrire après tant de talentueux auteurs un essai de plus sur Casanova ; un catalogue plus long que la liste des maîtresses du Vénitien ne suffirait pas à rassembler les titres d’ouvrages qui lui ont été consacrés depuis la publication posthume de ses Mémoires 2 . Il est vrai que Casanova semble accorder la grâce à ceux qui écrivent sur lui : Sainte-Beuve, Musset, Stefan Sweig, Arthur Schnitzler, Guillaume Apollinaire, Maurice Rostand, Henri de Régnier et Félicien Marceau, pour ne citer que les auteurs que j’ai lus. Dans le domaine des essais 3 , Le bal masqué de Giacomo Casanova de François Roustang décourage par sa pertinence inégalable toute tentative nouvelle d’explorer l’inconscient chamarré du Chevalier de Seingalt, et Chantal Thomas dans Casanova, un voyage libertin démontre avec talent et volupté qu’il n’est pas de tabou qui interdise aux femmes d’écrire sur Casanova sous le prétexte que « le gibier ne saurait aimer le chasseur 4  ». Il demeure que si des dizaines de spécialistes désignés sous le terme générique de « casa novistes » 5 se sont penchés sur le moindre détail de sa vie, je risque fort de les mécontenter n’ayant pour toute compétence à traiter de leur héros qu’une science empruntée à la lecture des Mémoires et aux quelques articles qui m’ont été fournis par le hasard ou une quête bibliographique négligente 6 . Ces spécialistes ont raison de dénoncer « les non-spécialistes qui n’ont étudié de très près ni l’homme ni son œuvre [et] ne se contentent plus d’en parler en quelques lignes ou quelques pages comme c’était le cas dans le passé… Les caractéristiques communes à tous ces essais, c’est qu’ils paraissent postuler que les Mémoires peuvent être exploités tels quels, comme un document suffisant pour qui veut analyser la personnalité de l’auteur : on ne s’interroge guère sur ce qu’il a pu y avoir d’élaboration de la part de l’écrivain dans la présentation de son propre personnage. Ces études [aboutissent] à des résultats extrêmement divers et bien souvent contradictoires, qui nous en apprennent sans doute plus sur leurs auteurs que sur Casanova lui-même 7  ». Voilà une accusation dont il importe de se défendre : devient-on un tyran sanguinaire à écrire la vie de Robespierre ou un saint à suivre dans les livres l’histoire de François d’Assise ? Ou encore, un biologiste observant à longueur de jour des rats à l’œuvre dans ses expériences et dans les tubes à essai de son laboratoire est-il exposé au risque de devenir rat lui-même ?
La question du rat est bien l’une des raisons qui m’ont fait écrire sur Casanova. Certains critiques m’ont reproché lors de la publication d’un essai consacré à la biologie des passions 8 de n’y montrer que des rongeurs et de faire l’impasse sur les hommes, bêtes passionnées s’il en est et seules vraiment dignes de l’intérêt des lecteurs. J’ai donc choisi d’illustrer un peu mieux mon propos avec un rat de l’espèce supérieure : l’homme. Dans la nécessité d’avoir au moins un exemplaire à ma disposition et dont je puisse user à discrétion, j’ai dû choisir entre mon propre personnage, ce qui m’aurait conduit à de bien pénibles confessions, et l’un de ces courageux écrivains qui se sont pris pour sujet de leurs écritures : les auteurs de mémoires. Rat de ville et de bibliothèque, rat de chambre et d’alcôve, rat d’égout et de salon, rat qui s’avance masqué de noir et le corps dissimulé sous un domino, Vénitien sans doute mais « bête parmi les bêtes, avec un peu de déraison en plus 9  », Jacques Casanova s’est offert à moi avec son attendrissante générosité et son insupportable goût de paraître. Octave Uzanne dans son essai apologétique sur Jacques Casanova de Seingalt, Vénitien cosmopolite, note à son propos que « certains témoins de premier plan, émanant d’un personnage d’intellectualité supérieure, ayant une expression idiosyncrasique insolite jusqu’à l’outrance, une physionomie morale très en relief, un foyer passionnel d’une ardeur extraordinaire, nous portent plus rapidement et plus profondément vers la connaissance d’un type de notre race mortelle – prodigieux effet d’un jeu de nature – que les meilleures spéculations d’anthropologie philosophique et que tous les traités des subtils métaphysiciens 10  ».
Pourquoi Casanova ? Par quel travers de l’esprit en suis-je venu à préférer ce vantard impénitent, toujours entre un lit et une table de jeu, aux moralistes graves que furent Jean-Jacques et Amiel ou au penseur hautain et éloquent des Mémoires d’outre-tombe ? C’est que la morale ou les spéculations philosophiques voilent souvent la lecture des passions d’un écran opaque, comme sur certains tableaux de musées les couches accumulées de vernis. Henri Beyle aurait dû me retenir. Mais, je l’avoue, je l’aime trop pour ne pas craindre de me blesser à triturer son égotisme délicat.
Casanova a vécu dans le spectacle et le mensonge. C’est un monde réfléchi et virtuel qu’il nous donne dans ses Mémoires ; mais le miroir n’est jamais dissimulé et l’illusion est toujours avouée. Paradoxalement cet amateur qui se raconte est plus artiste que bien des écrivains patentés. Le monde qu’il crée, les personnages qu’il décrit ont plus de réalité et de durée que celui périssable qui écrit. Du corps de Casanova rien ne demeure sinon quelques ossements mêlés à la terre de Bohême, mais une de ses sécrétions n’est pas encore tarie : sa parole qui s’écoule vivante dans l’esprit du lecteur.
Casanova joue sa vie. Il fait vivre les mensonges qu’il nous propose. L’habit fait le comédien, le masque fait l’émotion et la parole fait la pensée. Sans le paraître, l’essence de l’être se perd et ne profite à personne : double paradoxe, sans intérieur l’apparence n’a pas de sens mais c’est l’apparence (la représentation) qui donne au corps son actualité. « Pensant à la réalité et à l’imagination, j’ai donné la préférence à celle-ci puisque la première en dépend. » La seconde tire son éternité de la mort de celui qui raconte ; ses Mémoires ne sont pas le fossile impassible, témoin calcifié de ce qui a été à un moment donné mais une sorte d’holographie vivante qui continue de sécréter du temps 11 . En bref des Mémoires réussis, et il en est peu, donnent la possibilité inaccessible autrement d’étudier sur le vif un modèle humain.
En suivant Casanova, nous aurons directement accès à un état central fluctuant, dans ses trois dimensions qui désignent l’être vivant 12 . La première, le corps, est définitivement perdue mais nous est restituée en négatif par les deux autres, l’espace extracorporel et le temps sur lesquels elle a laissé son empreinte. L’espace dans lequel Casanova se déplace en un perpétuel mouvement est ce XVIII e  siècle où l’homme découvre enfin qu’il est libre ; une liberté qui appartient au siècle et à l’exercice de ses « mondanités » et non à des rapports théoriques et conflictuels avec Dieu que Casanova considère comme la substance de l’être, sur lequel en « bon chrétien » il refuse de s’interroger.
Les passions de Casanova mettent au premier plan la dimension temporelle de l’état central fluctuant. L’universelle préoccupation du héros c’est le temps. La première période de sa vie se passe à la recherche de l’instant parfait : « Un moment de nouveauté pure où rien ne compte ni passé ni avenir, où le présent se limite à la somme de joie goûtée à l’intérieur de ses limites (…) suite jamais discontinue de jouissances. Celles-ci se remplacent les unes et les autres, de sorte que le temps heureux est moins un temps qu’un manque de temps (…). Le temps de la volupté quelque longtemps qu’il dure est toujours sans durée (…). C’est un présent incessamment occupé à se renouvele

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