Chemin de traverse
94 pages
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Chemin de traverse , livre ebook

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Description

Parfois, la vie suspend son cours et dans l’urgence du combat, comme dans la patience des corps, vous contraint à tracer une route nouvelle, à prendre un chemin de traverse, inattendu : vous voilà devenu capitaine d’un vaisseau inconnu, cartographe de paysages insoupçonnés. Quand le corps vous touche à l’âme, au mi-temps de votre vie, il ne reste qu’à scruter de l’intérieur chaque arpent de votre peau, y déchiffrer chaque pouce de victoire, et murmurer à votre Ange, votre amour, que la vie est belle et belle l'aventure de la vie qui s’ouvrira devant vous.



Au fil des pages de ce " Journal d’hôpital ", au fil des pensées qui assaillent la patiente dans sa solitude, toutes les facettes de son expérience de femme et d’enseignante passionnée vont se révéler, nous donnant une leçon de vie d’une force impressionnante.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 décembre 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414503292
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-50420-6

© Edilivre, 2021
Exergue
« La mort, utile aux autres, ne me faisait pas peur, du moins je le croyais, mais le vrai courage, la vraie lutte, celle contre l’affaiblissement, la diminution physique, la perte de mémoire, les maladies de l’âge, cela je ne l’avais pas envisagé, et voici que c’était là, à ma porte. Et surtout la peur de manquer, la crainte d’être à charge ».
Henry Bauchau, Le Boulevard périphérique.
Chemin de traverse
18 septembre 2018
Trahison.
C’est le premier mot qui me vient, et ce, à l’encontre de mon plus vieil allié, de mon plus vieil ennemi. Ce corps sur qui j’ai toujours pu compter, comme un socle inentamable, le noyau dur de ma forme et de mon énergie, celui qui pouvait se passer de sommeil, de douleur, de plaisir même, comment a-t-il pu laisser éclore et circuler en lui, ça ?
Impossible.
Je ne peux pas penser à ma fin.
L’absolue privation ? Je ne peux pas. Seul impossible.
C’est un coup d’arrêt, violent, sidérant, une radicalité dans le continuum de la vie… Et pourtant, il faut passer de ce chaos à… à quoi ?
Annoncer ce désastre à son Amour ; en vérité, mais sans désespérer, et sans culpabiliser ; culpabilité d’entraîner toute la famille dans ce maelstrom alors que mon rôle est de les préserver au mieux et de tout… Peur et humilité en constatant que le tout est impossible, ce qui n’a rien à voir avec l’improbable.
Après l’annonce, l’attente… Faute de préserver, accueillir… tout accueillir et ce alors même que ça a envahi l’espace intérieur, anesthésié les émotions, déconnecté le cerveau, que les images se troublent et qu’un simple insecte sur une feuille luisante de soleil vous plonge dans un émerveillement béat. Peut-on retrouver la juste place des sentiments ? Je suis comme décollée de moi-même, une pellicule fragile et friable, impressionnable à merci, à la merci des autres comme de moi… passer de crier à rendre grâce… mais, par quel chemin, quel détour ?
Articuler…
Parler, ni trop, ni trop peu… ne pas laisser son moi taiseux se réapproprier l’épaisseur du silence. Parler pour circoncire, pour épingler, fixer, contrôler.
Repositionner. L’amour au centre de tout et pas ce moi infiltrant et explosif qui s’invite, s’invente et relativise toute chose inconsidérément. Révolution. Insurrection. Replacer mon Essentielle au cœur, et maintenir la barbarie hors les murs…
25 septembre 2018
Ai gardé ma montre.
Elle délimite et structure mon temps social. Je la retire dès que je suis en vacances, que l’école est finie ou suspendue, que je suis rendue à mes émois intérieurs, à la vraie vie, celle du temps libre.
J’embarque aujourd’hui dans un protocole nouveau : on m’a siglée Bras A. Les traitements seront injectés à un rythme qui m’échappe, quoiqu’annoncé, dans une régularité toute monacale. Je laisse mon corps à la recherche clinique. Tout le reste m’appartient et voilà mon nouveau travail : lutter avec ou contre mon corps – je ne sais pas encore – et gagner cette guerre. Je dis bien guerre et non bataille. Pour la première fois de ma vie, j’ai l’intention de défaire mon ennemi, de l’annihiler ; une simple victoire ne suffira pas.
Sans doute n’aurais-je pas dit ces mots sans l’annonce de ce vendredi. Pas de métastases. C’est propre. On va vous guérir…
Trois phrases minimales. Et me voilà déposée de nouveau au rivage des vivants. De nouveau l’horizon s’ouvre. Quel que soit ce tunnel, la traversée prend sens. La lutte peut commencer. Je boufferais le monde entier ! Une énergie vitale reflue de moi, vissée aux tripes, viscérale… Avec ce point-là en mire, rien ne pourra m’abattre. Quelle ironie…
Cette certitude-là qui vous rend à l’avenir abolit votre essentielle solitude. C’est étrange.
Elle réapparaît pourtant, par moments, par vagues et cognées, au pied des murs.
Au bloc, face aux aiguilles, dans ces instants où dénudée, à vif, il n’est pas d’autre choix que de recevoir l’invasion, l’intrusion, l’agression. Dans ces moments-là, cœur à corps, vous êtes seule. Foin de la honte. Pas de faux-semblants. Vous avez peur. Cela transpire de vous. Et c’est comme ça.
C’est vous. Et ce n’est pas vous. Peut-être est-ce cela, le pas de côté pascalien. J’enregistre les informations, toutes les informations – en tout cas, celles qui s’impriment et m’impressionnent – mais à distance. Je n’ai pas commencé encore, pas vraiment. Les protocoles, les effets secondaires, toutes ces annonces, mon corps ne les gère pas vraiment. Quelle distance vais-je avoir à parcourir, entre la connaissance et l’expérience, savoir et ressentir… L’un joue-t-il sur l’autre ? Cet écart comment se résorbe-t-il ? Se résorbe-t-il ?
C’est encore assez simple d’être forte et déterminée, encore… Dans quelques minutes, dans quelques heures et quelques jours… comment cela sera-t-il ? Me sentirai-je toujours dissociée ? Je me rappelle la peur panique sous la vague qui roule et vous essore… Est-ce ces sensations-là que je vais traverser de nouveau, encore et encore ?
Ce matin, en traversant le Pont Alexandre III, la lune toute ronde flottait, ballon doré accroché au large d’Orsay ; l’air bleuté nettoyé de la nuit, sans un nuage, s’offrait en toute simplicité, limpide… la promesse d’une belle journée.
Le soleil marquette la façade des Arts Décoratifs et y dessine d’autres fenêtres. Des croisées haussmanniennes se reflètent, précises et lumineuses dans les vitres des deux dernières fenêtres que j’aperçois depuis mon lit. Le ciel s’invite, par éclats…
S’émerveiller de cela, de la beauté surgie au hasard, du croisement de la lumière et de la pierre… le jeu incessant, velouté, fulgurant des nuances.
Deux heures ont passé. Les blocs de lumière projetés sur le mur ont mué. J’ai vu des masques sourire ou grimacer, des massues voler au-dessus d’eux. Ils ont disparu et permis à cinq fenêtres aux balcons ouvragés et aux persiennes blanches d’apparaître dans le reflet moiré des vitres du premier étage. Des voilages sont tirés, dernier rempart mystérieux sur cette opulence affichée. Quelles vies se déroulent dans ces labyrinthes évanescents ?
9 octobre 2018
Premier masque à positionner sur les oreilles ; un rempart qui ne vient pas protéger mais isoler : le terme d’un long processus de mue ; le corps devient votre horizon, un cocon dont il faut apprendre à habiter chaque fibre.
La métamorphose est à la fois subite et subtile. Elle sera visible quand j’aurai rasé les boucles des cheveux. Pour l’heure, la famille, les amis surenchérissent : que cela te va bien… c’est bien mieux, même… J’ironise sur la fin de la semaine à venir et le sursis où elles s’épanouissent.
De l’intérieur, il faut apprendre à mesurer, apprécier, quantifier : ces fourmillements électriques, le long de la mâchoire, cet engourdissement douloureux qui ressemble au réveil d’une anesthésie, dois-je m’en préoccuper ? A partir de quel degré ? Va-t-il régresser ? Cesser ? Il monopolise mon attention et je peine à me concentrer sur la conversation. Une partie de moi veille à chaque instant, vigie de de la moindre sensation. Dans le flux, malgré moi, un simple glissement de sable, l’éclat d’un frottement, une étincelle électrique… le cuir qui gratte, la peau qui sèche, la langue qui se creuse, la gencive qui enfle et la nausée ferreuse partout, chaque indice est étiqueté, disséqué, inventorié, ramené à son unité particulière malgré la surimpression des symptômes ; isoler pour contrôler, vieille rengaine…
Aujourd’hui, fauteuil cinq : un repli de couloir découpé en trois boxs ; le dernier me relègue derrière un paravent où des zèbres multicolores paissent en horde calme et immobile. Un clin d’œil qui hésiterait entre Agnès Varda et Niki de Saint Phalle. S’émerveiller de tout pour réenchanter le quotidien. Regarder pour ne pas voir.
L’anxiété est décuplée par l’inconnu. Et cette peur multiplie la symptomanie. Hypervigilance. Sur-référencement. L’arithmétique économique s’invite au banquet des désordres. Jusqu’ici, je dépensais sans compter, sûre de pouvoir compter sur ma force… demander et demander encore… l’ignorer ce corps convoqué, sommé d’être efficace ; le forcer. S’efforcer. Faire, faire encore… Aujourd’hui, je le ménage mais c’est une autre façon, paradoxale, d’ignorer la maladie : je n’ai pas terminé ma mue. Minute papillon ! Je ne me reconnais pas dans cette armée de malades souriants et comme désincarnés, flottants, que je traverse à l’Institut Curie. On les croirait posés dans un nimbe ouaté, mêmes visages béats coiffés de bonnets ou de turbans superfétatoires. Dans mon miroir intérieur, je ne suis pas eux. J’ai traversé cette première cure, mais je reste vissée au rivage des vivants. Le nocher, très peu pour moi. Le fleuve peut s’écouler, noir et profond… si j’accepte ce voyage en moi, je n’explorerai pas les tréfonds liquides. C’est cela sans aucun doute qu’a modifié l’annonce du pronosti c . L’existence d’un point fixe où s’amarrer durablement. La perspective d’un horizon, un point de fuite qui organise le regard et lui donne sens. Les défaites du corps sont éphémères ; elles le restent, à leur juste place, délimitées et contenues. L’existence du combat est alors posée : se battre, contre soi-même, pourquoi pas, puisqu’une victoire est possible… Envisager la guérison… c’est un tout autre périple qu’espérer une rémission. Dans cette cartographie-là, on peut envisager l’errance en Terra incognita. Les Anciens sur leurs cartes du monde plaçaient un point dans les mers lointaines : au-delà de ce point, disaient-ils, on rencontre des monstres. J’ai croisé le mien, au large et je barre pour me tenir à bonne distance.
23 octobre 2018
A gauche du poste de soin, fauteuil un… J

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