De traitant à patient
304 pages
Français

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Description

« J'étais étendu là, complètement immobile. Non, pas complètement. Ma tête pouvait bouger. Seulement ma tête. Et j'arrivais à la soulever tout juste assez pour voir mes bras et mes jambes inertes, comme sans vie, de même que le reste de mon corps. » C'est ainsi que Conrad Gélinas commence son récit. Un tête-à-queue sur chaussée glissante, et son auto frappe un camion qui vient en sens inverse. N'ayant jamais perdu conscience, il peut tout décrire depuis le début. Médecin, paralysé de la tête aux pieds, il est du coup devenu un patient parmi tant d'autres. Un doute s'installe d'abord dans son esprit quant à l'avenir, mais rapidement il décide de faire face. Dans cet ouvrage, il relate tout de façon aussi précise que sa mémoire le lui permet : l'accident, puis la suite. Sa réadaptation à Montréal, enfin chez lui. Lorsqu'un fait ou une émotion ramène à la mémoire un souvenir ancien, l'auteur raconte, sans fausse pudeur, quelques anecdotes de sa vie, le tout agrémenté des circonstances qui s'y rattachent.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 février 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342150520
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De traitant à patient
Conrad Gélinas MD
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
De traitant à patient

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
À ma conjointe, Denise, à mes enfants, Sylvain et Isabelle, et à mes petits-enfants, Ludovick, Éloïse, Sandrine, Jérôme
 
Avant-propos
Le but premier de cet ouvrage était de décrire mon incursion en territoire maladie en tant que patient. J’ai fait de mon mieux. Mais je ne m’en suis pas tenu à ça.
 
Le malade, qu’il soit hospitalisé, en réadaptation, ou par la suite, chez lui, dans la vie de tous les jours, n’est pas que traitement ou guérison. Il pense, il réfléchit, il a des souvenirs, et il continue de vivre avec des émotions, des joies et des peines.
 
C’est ainsi que se passe l’existence de tout malade. Et c’est comme ça que j’ai livré mon histoire, en tant que l’un d’eux.
 
Sans être une autobiographie, mon récit comporte donc plusieurs scènes de ma vie, ramenées à la surface par des moments ou des circonstances d’alors. Pour la même raison, je me suis permis toutes sortes de réflexions personnelles.
 
Certains passages peuvent donc vous sembler inappropriés, de peu d’intérêt ou trop longs. À ces moments-là, je vous prie de passer outre et de ne pas m’en tenir rigueur. Car pour moi, chacune de ces anecdotes à son importance. Mais si l’on n’en tient pas compte, l’histoire n’en sera pas modifiée pour autant.
Introduction


Préface
À diverses époques de notre vie, la « chance » joue, à des degrés divers, sur notre destinée, grâce à notre intervention.
 
C’est un peu l’interprétation que je porte, à la suite du terrible accident qui t’est arrivé lors de cette glaciale matinée de mars 2001, quand ce lourd camion chargé de bois se trouva sur ta route.
 
La seule question qui te vient à l’esprit tandis que ton corps est tout coincé dans ta prison de taule : « Mourir ou survivre ? »
 
Ayant consacré toute ta vie à la survie des autres, le choix est vite fait : survivre.
 
Aussitôt, puisant dans tes réserves d’amour pour ta famille et tes patients, te voilà sur un pied de guerre face à ton destin et rien ne t’arrêtera.
 
Tel me paraît le contenu bien explicite de ce que tu relates si professionnellement et si fraternellement dans ce bouquin qui m’a bien édifié et encouragé.
Bravo et merci, Marcel, (Abbé Marcel Girard, prêtre)
 
 
 
 
Quand les bateaux s’en vont
Je suis toujours au quai…
 
Je ne dis plus les mots,
Je ne fais plus les gestes
Qui hâtent les départs
Ou les font retarder.
 
Je ne suis pas de l’équipage
Mais passager…
 
Quand les bateaux s’en vont,
Je reste sur le quai.
Paroles et musique de Pierre Calvé, Auteur-compositeur-interprète (voir l’extrait complet en Annexe I)
 
Première partie. Mont-Laurier
En te levant le matin, rappelle-toi combien précieux est le privilège de vivre, de respirer, d’être heureux.
Marc-Aurèle, Empereur romain
 
1. Le 6 mars 2001
1.1. Une tête sans corps
J’étais étendu là, sur la civière numéro 1 de l’urgence, juste à côté du poste des infirmières. J’étais étendu là, complètement immobile. Non, pas complètement. Ma tête pouvait bouger. Seulement ma tête. Et j’arrivais à la soulever tout juste assez pour voir mes bras et mes jambes inertes, comme sans vie, de même que le reste de mon corps.
 
Tout mon corps, sauf ma tête, me semblait être celui de quelqu’un d’autre, d’une autre personne ; une personne endormie ou inanimée et tout à fait insensible.
 
Quelle sensation bizarre que celle-là ! Je suis une tête sans corps, à qui rien n’obéit : ni les bras, ni les jambes, ni le reste…
 
Autour de moi régnait une activité fébrile, comme si chaque instant pouvait être le dernier. Il fallait trouver, et le plus rapidement possible, la cause de cette dichotomie : un blessé sans aucune lésion apparente, avec une tête alerte, mais un corps qui ne répond à rien.
 
Les gens parlaient à voix basse et je ne me souviens pas que, pour un long moment, on se soit adressé à moi directement. Comme si j’étais inconscient. Mais j’entendais tout et je me rendais compte de tout ce qui se passait autour de moi. Et pourtant, ça, ils le savaient bien.
 
J’entends encore Pauline, ma consœur-anesthésiste, dire à une infirmière : « Coupez tout ça », en parlant de mes vêtements. À l’urgence, quand arrivait un blessé grave ou tout accidenté qui ne pouvait bouger, le personnel ne perdait pas de temps à enlever les vêtements. Ils étaient coupés avec d’énormes ciseaux. On prenait aussi cette précaution, de peur d’aggraver toute lésion ou blessure inapparentes.
 
Alors, quoique respirant de mieux en mieux et croyant m’améliorer rapidement, je détectai par ces détails la gravité de mon état. J’étais donc blessé gravement.
1.2. L’accident
J’étais étendu là, sur la civière numéro 1 de l’urgence…
 
Pourtant, au petit jour, ce 6 mars 2001, un mardi, rien ne laissait présager un changement radical dans le cheminement de ma paisible existence. Avec la routine matinale, commence une journée semblable à toutes les autres, mais qui va subitement se transformer en cauchemar, puis en un long mauvais rêve.
 
À Mont-Laurier, la rudesse de l’hiver cède lentement le pas à la douceur printanière par un entre-deux qui souvent s’éternise. Au téléjournal, la météorologue Jocelyne Blouin avait prévu de la pluie verglaçante pour la nuit dernière. Elle avait vu juste.
 
Ce matin, je suis donc parti plus tôt pour l’hôpital, car les 15 kilomètres de route vont paraître plus longs. Ce fut le cas pour le petit sentier qui va de ma maison à la route principale. Il y a déjà une légère pente ascendante et en plus, une mince couche de verglas recouvre le sol. Rien de bon en perspective.
 
Cependant, la route 309 est toute différente. Mouillée certes, mais non glacée. La « salière » est passée et on a épandu des abrasifs. Comme d’habitude, notre route est bien entretenue.
 
Je vérifie à plusieurs reprises l’état de la chaussée en freinant jusqu’à arrêt complet de l’auto : asphalte mouillée, mais parfaite adhérence des pneus.
 
Le trajet s’effectue doucement ; plus lentement certes, mais sans problème. À la radio de R.C., René Homier-Roy et son acolyte dans le « Hérisson » (on surnomme ainsi l’hélicoptère qui sillonne le ciel de Montréal, le matin) nous parlent de la lourdeur de la circulation. Je me trouve privilégié dans la tranquillité de la route 309.
 
C’est même trop calme ce matin. On ne rencontre personne ou presque. Évidemment, il n’y a pas âme qui vive qui me précède ou me suive.
 
J’ai facilement parcouru la mi-distance de la maison à l’hôpital. Et me voilà rendu en bas de la longue côte, j’ai dépassé les serres à tomates, juste avant l’ancienne école transformée en maison privée par Roger Langevin, le sculpteur. Je connais bien le coin, ayant habité cette maison pendant presque 3 ans.
 
J’aperçois une auto qui circule très lentement. Elle me semble arrêtée ou presque et je ne sais pas pourquoi. Je la dépasse facilement. Puis, tout commence à basculer. Pour la toute première fois, je perçois de la glace sur la route. Légère glissade de l’auto, mais avec mes pneus à crampons, je m’y accommode tout en ralentissant.
 
Subitement, catastrophe à la roue avant droite : coup dur et sec provoquant un bruit ahurissant. Quelque chose s’est brisé, ou bien j’ai frappé un objet sur la route, un « corps étranger », comme un quartier de bois par exemple ; ou, autre possibilité, j’ai rencontré un nid-de-poule carré et profond. Je ne saurai jamais, mais je ne me rappelle pas avoir vu auparavant de nid-de-poule à cet endroit.
 
Un peu plus loin sur la route, un camion semi-remorque vient à ma rencontre. Puis l’auto, comme une feuille morte emportée par le vent sur une surface glacée, commence sa folle dérive. Je n’ai plus aucun contrôle. Tout tourne autour de moi : camion, clôture, champs, neige. Tout défile comme dans un film au ralenti. Enfin, sur ma droite, un immense mur sombre et menaçant s’approche de moi ou plutôt, je m’approche de lui à reculons. Je le reconnais, c’est le camion.
 
Bruit infernal de métal tordu et de verre brisé, comme dans les messages de la SAAQ 1 à la télévision ; choc brutal et sourd, suivi d’un second choc plus léger cette fois. Enfin, bruissement de neige sous l’auto. Puis tout s’arrête.
 
Je n’ai rien perdu de tout l’incident. Hébété, je comprends mal comment je peux être étendu sur le dos, dans ma voiture, la tête touchant le dossier arrière. Les bras figés à la verticale, je tiens toujours un volant invisible.
 
Premier réflexe : sortir de l’auto. J’ai toujours craint qu’un incendie ne se déclare après un accident. Mais rien ne bouge, sauf ma tête : ni les bras, ni les jambes, ni le corps.
 
Ma respiration est courte, superficielle et difficile. Je suis incapable du moindre mouvement. Je ne pourrai tenir longtemps comme ça.
 
Le mot mort ne me vient pas alors à l’esprit. Je pense plutôt que je vais manquer progressivement d’air, puis sombrer bientôt dans un sommeil dont je ne sortirai pas. Je vais plutôt me réveiller dans un ailleurs que je ne puis imaginer.
 
Dans mon esprit, c’est la fin.
 
Étrangement, malgré une certaine crainte, je n’ai pas vraiment peur. Je suis calme, sans attente ni regret. Je pense avoir fait mon possible, avoir tout prévu au cas où il m’arriverait quelque chose. J’ai fait de mon mie

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