Eugène Dieudonné
318 pages
Français

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Description

Inspirée de la vie d’Eugène Dieudonné, accusé d’avoir participé à l’attaque de la rue Ordener orchestrée par Jules Bonnot, cette biographie romancée, mêlant l’Histoire et le romanesque, tente de retracer les espoirs et les déceptions d’une jeunesse encore sous le coup de la répression de la Commune.

De jeunes ouvriers, héros obscurs et inconnus, se battent pour vivre selon un idéal qui les mènera jusqu’à la mort. Grèves, manifestations, répressions, vie communautaire, reprise individuelle, attentats, mais aussi l’amour, ponctuent la vie de ces jeunes gens qui vont terroriser la France de la Troisième République encore balbutiante et avide d’ordre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 août 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334171472
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-17145-8

© Edilivre, 2016
Dédicaces


À Christiane et Jean, mes parents.
Eugène Dieudonné


L’anarchie du 6 mars 1913 :
« Verdict sanglant
Après vingt-et-une séances, le procès des « Bandits » vient d’avoir son épilogue. Pendant trois longues semaines, les inculpés, encadrés de gardes corpulents prêts à bondir sur leurs victimes au moindre geste de révolte de celles-ci, tels des dogues obéissant aux ordres de leurs maîtres, ont dû subir les interrogatoires tendancieux, intéressés du président ; pendant trois semaines, ils ont été contraints d’assister au dégoûtant défilé des témoins haineux, dûment cuisinés, flics de profession et flics amateurs. (…)
* * *
Le procès est terminé… Les juges et les jurés ont été sans pitié. L’épicier égoïste et bas, le rentier repu, le journaliste vendu, la foule peureuse et inconsciente sont satisfaits. La société est vengée, impitoyablement vengée. Bonnot, Garnier et Valet sont morts ; les autres vont prendre le chemin de la Guyane ou de l’échafaud. Désormais, juges fielleux, juré imbéciles, flics d’en haut et d’en bas, foule bestiale et abrutie, tout ce monde vil qui auparavant tremblait au seul nom de « Bandit », peut dormir son somme tranquillement…
* * *
Tranquillement ? Peut-être. Moi, je ne le cois pas… Croyez-vous, ô vengeurs publics que votre tâche est finie ? Croyez-vous en supprimant quelques hommes, avoir purgé la société des « criminels » qui l’infestent et de congédier Deibler ? Pauvres aveugles ! Avec un trait de plume, on supprime un homme, mais on ne supprime pas les turpitudes sociales dont vous êtes les valides soutiens, quand vous n’êtes pas les auteurs ! »
R. PRIMAVERA »
I
En descendant du train, Louise et Eugène sont abasourdis, pris dans un véritable tourbillon de bruits, d’odeurs et de gens. Quelle agitation ! Louise ne sait où porter les yeux. Les passagers parlent fort pour s’entendre. Un gamin à peine plus haut que son pantalon, une liasse de journaux sous un bras, crie les nouvelles du jour en tenant haut devant lui un exemplaire. Ils ont un drôle d’accent et Louise ne comprend pas tout ce qui se dit autour d’elle. François, apeuré, se coule au plus profond des plis du manteau de sa mère tandis qu’Eugène, qui vient de récupérer leur malle, la hisse sur une épaule, repoussant les services d’un bagotier 1 .
Déjà, les ouvriers chargés d’entretenir la locomotive s’affairent autour de la machine qui crachote ses ultimes jets de vapeurs comme si elle rendait ses derniers soupirs. Le monstre de fonte et d’acier propulse un nuage opaque enveloppant l’architecture métallique de la gare de l’Est.
Sur le boulevard, un omnibus à impériale passe, tiré par deux chevaux. Eugène demande le tarif à un homme qui vient d’en descendre.
– 30 centimes en première et 15 centimes sur l’impériale, mon gars !
Eugène remercie et songe aux quelques pièces serrées dans la bourse enfouie au fond de la poche du tablier de Louise.
– Nous irons à pied, déclare-t-il.
Puis, sortant le plan griffonné sur un papier, il cherche à repérer la place Clichy où se trouve l’hôtel que lui a recommandé Charles.
Le couple s’oriente tant bien que mal, ne comprenant pas toujours les explications des passants complaisants ou moqueurs. Cette première vision de la capitale émerveille Louise. Elle pense reconnaître chaque rue telle qu’elle en a lu la description dans ses livres. La foule se presse sur les boulevards et le long des trottoirs. Des bourgeois en redingote bousculent des ouvriers habillés pratiquement comme Eugène, d’une simple blouse jetée sur un pantalon ayant connu des jours meilleurs, des élégantes arborent de vastes chapeaux à voilette alors que des femmes du peuple, comme Louise, couvrent leur chevelure d’un petit bonnet.
La malle pèse de plus en plus lourd sur l’épaule d’Eugène alors que Louise ne sent pas le poids de François tant elle est éblouie. La jeune femme n’a jamais vu autant de voitures et de charrettes à la fois et, dans les embarras de la circulation, les cris des cochers s’ajoutent à ceux du rémouleur, du vitrier ou de la vendeuse de lait. Louise tombe en arrêt devant un homme d’une taille exceptionnellement élevée. Il maintient comme il peut un échafaudage de robes, de blouses d’ouvriers et de pantalons entassés sur son épaule droite, tandis qu’au bout d’un long bâton, bloqué sur l’épaule gauche, se balancent chapeaux et godillots : c’est le marchand de fripes !
À l’approche du faubourg, la foule se fait plus dense quand, au détour d’un carrefour, le bruit d’une émeute gronde. Le couple demeure en arrêt, inquiet. Mais non, la rue est joyeuse ! À Paris, les quartiers populaires semblent toujours en fête. De longues files de maisons aux façades étroites bordent la rue et des marchandes de quatre saisons encombrent le passage. Charrettes, paniers et sacs de jute débordent de fruits et de légumes. Les vendeuses haranguent les passants. Un jeune garçon, vêtu comme un homme d’un pantalon trop long et d’une blouse d’ouvrier, porte sur la tête un panier empli de petits pains encore fumants.
– Pas cher mes fromages, la p’tite dame, crie une femme en attrapant Louise par le bras.
– Non merci, répond la jeune femme en se dégageant doucement de la poigne de la fromagère.
Eugène fait une halte et pose la malle sur le trottoir. Il masse son épaule douloureuse. Après avoir regardé la plaque de la rue, il sort le plan de sa poche et tente de repérer où il se trouve. Rue Lepic. Ils ont tourné trop tôt et se trouvent au pied de Montmartre. Il faut redescendre vers le boulevard. La place Clichy n’est plus très loin. Changeant d’épaule, Eugène recharge sa malle.
– Il faut se hâter, la nuit commence à tomber et le quartier n’est pas très recommandable, souffle-t-il dans l’oreille de sa femme.
Louise ne comprend pas trop ce qu’il veut dire par là mais elle obéit et, pressant le pas, prend conscience du poids du petit François.
En refluant vers le boulevard de Clichy, Louise y retrouve la fête qui semble ne jamais s’arrêter. Aux abords de la place, l’animation se densifie. Malgré sa réticence à lui parler, Eugène s’adresse à une femme en cheveux qui, avec grande amabilité, lui indique l’impasse de la Défense. Il s’éloigne vivement en la remerciant à peine. Louise le trouve bien impoli. Enfin, les voilà arrivés devant l’Hôtel de Clichy, niché au fond de l’impasse, un cul-de-sac sans éclairage fleurant le salpêtre.
Un homme à la chevelure hirsute les reçoit. Eugène écrit son nom sur le registre et l’homme lui remet une clef.
– Porte 26, deuxième étage. L’eau est au premier et les cabinets sont dans la cour.
Eugène remercie, prend la clef et, suivi de Louise et de François, monte au deuxième étage. La clef tourne dans la serrure et la porte s’ouvre sur une espèce de trou sans lumière, donnant sur une cour minuscule où semblent se rejoindre toutes les fenêtres du quartier. Épuisé, le jeune homme dépose la malle à terre et se laisse tomber sur le lit. Louise s’installe près de lui, balayant la chambre du regard. Ce n’est pas glorieux : un seul lit, François devra dormir avec eux, une table sur laquelle est posée une cuvette ébréchée et une lampe à huile, un broc par terre, une chaise visiblement rafistolée depuis peu et une armoire dont la porte reste obstinément béante constituent tout l’ameublement. Un petit miroir, accroché à la poignée de la fenêtre, semble un luxe tant l’endroit est vétuste. Eugène glisse sa malle dans le fond de l’armoire dont il bloque la porte avec la chaise tandis que Louise attrape le broc et descend au premier étage chercher de l’eau. Au retour, elle croise une femme dépenaillée, à l’allure vulgaire, suivie d’un homme plutôt bien mis.
– Bonjour, lance Louise sur un ton se voulant aimable.
L’homme soulève discrètement son chapeau et la femme ne détourne pas son regard, n’esquissant même pas un semblant de sourire ou de grognement qui pourrait laisser penser qu’elle répond. « Elle ne m’aura pas entendue », songe Louise. En entrant dans la chambre, la jeune femme trouve son mari étendu sur le lit et le petit François crapahutant par terre. Elle pose le broc près de la table et craque une allumette pour allumer la lampe. Une pâle lueur se répand dans la pièce.
– Je suis vraiment désolé, Louise, mais pour l’instant je ne peux rien t’offrir d’autre.
– Oh, si tu savais comme je suis heureuse d’être à Paris ! Cette situation ne va pas durer. On trouvera autre chose, un peu plus tard.
– Un peu plus tard, oui, mais d’abord, je dois trouver du travail.
Louise dépose un baiser sur le front de son mari et entame une valse dans la chambre en riant comme une enfant. Des coups contre le mur la calme mais, en souriant, elle continue à virevolter tout en déliant les cordons de son sac. Elle en sort les dernières provisions prévues pour le voyage, du pain et un reste de fromage qu’elle partage avec Eugène. Puis, s’installant le moins inconfortablement possible contre le montant du lit, elle prend François contre elle, ouvre sa chemise et le petit se jette sur le sein qu’elle lui présente. Le petit jour les surprend ainsi. Harassés, ils se sont endormis tout habillé, le bébé contre la poitrine de sa mère.
Il fait un peu frisquet dans la chambre d’hôtel, mais une nouvelle vie est là et l’espoir aussi. Eugène se lève le premier tandis que Louise cajole François. Il se saisit du broc qui lui semble particulièrement lourd. Approchant sa tête de l’orifice, il constate que l’eau est gelée. Sortant son couteau, il casse la couche de glace qui s’est formée à la surface et réussit à faire couler un peu d’eau dans la cuvette émaillée.
– Il faudra penser à acheter du savon, dit-il à sa femme qui

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