Il pleut sur Le Rocher
236 pages
Français

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Description

« Jacquou n'était plus là. Alors, Suzelle ne le vit plus guère. Qu'une fois. Pour quelques jours. Il avait eu une permission. Sans doute la dernière avant de partir vers ce pays, l'Indochine, où tous les espoirs lui semblaient permis ! Sortir de sa condition. Se construire un avenir. Il n'était plus le même Jacquou, sublimé dans ce costume de l'armée de l'Air qu'avec allure il portait ! Qu'il était loin du garçonnet, puis de l'adolescent au teint de pêche, avec sa mèche sur le front, qui l'entraînait à jouer aux jeux de garçons et à grimper aux arbres, les coudes et les genoux écorchés ! Beau brun aux yeux noirs, au regard profond, ardent et vif, les filles, maintenant, l'accaparaient. Qu'il était loin de la photo sur laquelle il était assis, encore prêt à bondir, au pied de ce tronc d'arbre sur lequel Suzelle avait été sagement installée ! » Jacquou et Suzelle, les frère et sœur complices qui ont traversé une guerre dans l'innocence. Puis une fraternité qui s'est étiolée, dilatée, mise en sourdine, quand Jacquou est parti au loin, pour participer à une autre guerre dont on parle si peu, laissant Suzelle à son devenir de femme... "Il pleut sur Le Rocher" est donc histoire de trajectoires qui se dessoudent et se perdent, la vie les attirant dans des sens contraires. Le roman de S. Ravinet dit ainsi une absence, un creux, dans l'existence de Suzelle, vide qui ne se comblera que sur le tard, quand les enfants d'antan se retrouveront et mettront des mots sur l'expérience indochinoise. Et l'auteur de composer, avec délicatesse, une œuvre où destinée féminine, travail de mémoire, souvenirs lumineux et sombres s'enlacent infiniment.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 novembre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342015126
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Il pleut sur Le Rocher
Suzanne Ravinet
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Il pleut sur Le Rocher
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
Aux miens, À celles et à ceux qui m’ont aidée.
 
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
Suzelle a vécu dans une famille unie mais ballottée par le besoin de gagner sa vie et par les aléas de la dernière guerre. Pendant près de deux ans, Suzelle et Jacquou – de trois ans son aîné –, n’ont pu aller à l’école…
Les parents veulent que leurs deux enfants, Suzelle et Jacquou, réussissent. Une revanche sur leur vie de labeur, à la campagne, au service des autres.
Suzelle va poursuivre des études scientifiques tandis que Jacquou, pour sortir de sa condition, va vouloir s’engager dans l’armée et partir en Indochine. Il met tous ses espoirs dans ce nouveau choix de vie.
Suzelle, poussée par une force intérieure ignorée, va construire peu à peu son itinéraire, du lycée à l’entrée en faculté. Mais là, elle va devoir perdre de vue ses ambitions, en raison d’une mise en retrait, au profit d’un étudiant qui va l’accaparer et l’isoler afin de satisfaire son dessein personnel : devenir médecin.
Suzelle, qui n’a connu que le lycée de jeunes filles, dans l’enceinte duquel elle a passé sept années, en tant qu’interne, n’est pas préparée à être confrontée et à réagir à cette situation nouvelle.
Aussi, malléable, va-t-elle se laisser faire et entrer dans le jeu de ce Charles qui l’attendrit par l’exposé de sa situation personnelle. Retardé dans ses études et, par conséquent, plus âgé, il est aussi menacé par le départ au service militaire. Période, à l’époque, de vingt-sept mois. Or, cet étudiant ambitieux d’origine modeste est bien décidé à entreprendre, poursuivre et réussir des études médicales. Mais il doit s’assurer les moyens de couvrir les frais qu’implique une telle voie professionnelle.
Quel est son meilleur atout à disposition pour assurer ces moyens si ce n’est Suzelle ? Il lui fait des promesses. Suzelle va finir par consentir au mariage qui lui est proposé, sans se rendre compte, confiante, de la pression qui est exercée sur elle. Elle n’entend pas les mises en garde que lui fait Marie-Paule, sa mère, dans ses courriers. Suzelle va travailler pour couvrir les dépenses du couple, auxquelles s’ajouteront assez rapidement celles d’un premier enfant, Julien.
De Jacquou, elle n’a pas de nouvelles.
À chaque rentrée scolaire, Suzelle acceptera la nomination rectorale sur le poste qui lui sera proposé. L’affectation, le plus souvent, dépendra des exigences de la situation et de la réussite de Charles.
 
Cependant, Suzelle va s’organiser pour consolider ses acquis. Il lui en coûtera beaucoup de travail, d’énergie, de fatigue aussi, sans céder quand Charles lui suggère en cours de route d’abandonner pour un poste en école primaire.
Au fur et à mesure que Suzelle construit sa licence, des postes d’enseignement lui sont confiés. Elle acquiert sur le tas son expérience en se référant à la qualité de l’enseignement qui lui avait été dispensé au lycée et en se rapprochant de l’inspecteur et des enseignants de la discipline qui peuvent la conseiller. Quand elle parle de titularisation, Charles la décourage, craignant qu’une mutation l’éloigne de lui ; cela ne sert à rien puisque à terme, elle ne travaillera plus comme il le lui rappelle.
 
Charles a réussi. Charles s’est installé. Il a même pu se spécialiser, avec l’aide de Suzelle.
Mais le dénouement ne se fera pas longtemps attendre. Charles va vouloir faire une croix sur ce passé qui le lie à Suzelle.
Là, Suzelle ouvre enfin les yeux. Elle reçoit littéralement « une tuile sur la tête » ! Charles veut se séparer d’elle au profit d’une jeune cliente, veuve récente, intéressée par sa situation, qu’il connaissait auparavant.
Suzelle va traverser des épreuves difficiles et va devoir se reconstruire. Elle postule de nouveau pour un poste à l’Éducation nationale. Heureusement qu’elle n’a pas donné sa démission ! À la mort des parents, Jacquou n’était pas là pour l’enterrement de Marie-Paule, et Suzelle, sans doute en raison de son éloignement, n’a pas été informée de la cérémonie pour les obsèques de Jean-Louis, son père.
 
Elle a alors quarante ans. Suzelle reprend des études à la faculté de Nice, passe une maîtrise dans sa discipline, les sciences de la vie et de la terre et le certificat d’aptitude pédagogique pour l’enseignement secondaire (CAPES). Titularisée, elle sera affectée à Loudun, dans la Vienne.
Suzelle va pouvoir réaliser sa carrière. Aussi va-t-elle se donner pleinement à ce métier, à cette vocation même, au service des élèves qui lui sont confiés.
 
Très bien accueillie par la municipalité, dont le maire est alors René Monory, elle s’investit dans son établissement d’affectation et dans le monde associatif très actif de la commune.
Après avoir préparé bon nombre d’élèves aux baccalauréats scientifiques, elle va vouloir endosser d’autres responsabilités, avec des missions de personnel de direction en lycée et en collège, alors qu’il faut traiter de l’hétérogénéité des populations d’élèves et que le collège cherche toujours sa voie. Depuis longtemps Suzelle avait eu cette idée en tête mais, compte tenu des circonstances, elle avait dû se résigner à y renoncer. Et le temps avait passé. Si vite.
Dans son récit, à l’époque où elle se verra confier la direction d’un collège de 800 élèves, Suzelle va parler des dysfonctionnements, de ses luttes pour que l’ordre soit rétabli, de l’intérêt général et des valeurs qu’elle défend au profit des élèves. Son style, que le lecteur pourra trouver différent, sera celui d’un chef d’établissement responsable, accaparé, jusqu’à son départ à la retraite, par les problèmes à résoudre de son établissement.
 
Lorsqu’elle se sera retirée à Loudun, Suzelle va vouloir retrouver Jacquou. Maintenant qu’elle a du temps. Elle va chercher à comprendre ce qu’a été la guerre d’Indochine. Aussi, lorsqu’elle apprend par les médias que le prix Goncourt 2011 a été attribué à Alexis Jenni, un enseignant de sa spécialité, elle est fière et surprise à la fois. Quoi ? Un enseignant de sciences naturelles qui produit, comme le dit la critique, « avec un style énergique et jubilatoire » un ouvrage intitulé L’Art français de la guerre en accrochant son lecteur « aux basques d’un ancien d’Indochine » ? C’est incroyable ! Mais c’est aussi un espoir pour elle. Un espoir d’éclairages qui pourront la rapprocher de Jacquou, ce frère toujours présent dans son cœur, qui a fait de son côté sa route. Mais quelle a été pour lui cette route ? Peut-être va-t-elle trouver dans les narrations de l’auteur des réponses aux interrogations qui sont depuis longtemps les siennes, en raison de l’ancrage dans la guerre d’Indochine du vécu du lieutenant Victorien Salagnon ? Après des années d’enfance et d’aimance partagées, il y avait un vide de tant d’années ! Ce roman tombait à pic.
 
Alors qu’elle assistait aux cérémonies des dates anniversaires du souvenir, Suzelle avait dû se rendre à l’évidence que les disparus de la guerre d’Indochine n’intéressaient guère.
Il y avait dans le type de réponse qui lui était fait quelque chose « d’entendu », quelque chose qui traduisait d’un sujet sans gloire, d’un souvenir qu’il valait mieux se garder de soulever.
C’était comme si chacun se détournait d’une guerre considérée sans importance. Guerre comme effacée d’un revers de la main. Guerre à laquelle il valait mieux ne pas penser. Guerre dont il fallait se garder de parler. Guerre inutile. Absurde.
Une guerre honteuse.
« Les anciens d’Indochine » tel que l’écrivait Alexis Jenni dans son livre : « Il est mal de le prononcer ! »
L’Indochine ? c’est un poids pour la France. Et pourtant, à la fin de 1946, lorsque cette guerre commence, la France qui sort victorieuse de la Seconde Guerre mondiale est dotée d’un matériel moderne et d’un corps expéditionnaire important. Ce n’est pas le cas de l’ennemi. Et pourtant, cette guerre, la France va la perdre.
« Or, pour ces hommes rescapés de cet enfer, ou morts au combat, ce fut un honneur de servir un idéal qui s’appelait la France et de lui offrir leur vie. Ils se parèrent de ce que certains hommes politiques de l’époque ignoraient : la grandeur » (J.-P. Pecqueur, Indochine-France )
Suzelle avait su que Jacquou en était revenu, amputé d’un rein. Qu’il en était revenu, désorienté, déstabilisé, qu’il avait pénétré dans un autre monde, un monde dont on ne peut parler que pour l’avoir vécu. Était-ce un héros pour autant ?
Suzelle voulait maintenant que Jacquou lui raconte. Elle était dégagée du poids des responsabilités. Du temps lui était donné désormais, dont elle pouvait disposer pour chercher à comprendre. Et le désir de retrouver Jacquou l’oppressait.
Et si Jacquou partait avant qu’elle n’ait pu le revoir ?
 
Et si c’était trop tard ?
 
Robert, son compagnon, pour la soutenir dans sa démarche, allait être très présent à ses côtés désormais.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Premier cahier
 
 
 
Du plus loin qu’il m’en souvienne
 
 
 
1939-1941. C’est la guerre. Mais ça, Suzelle ne le sait pas. Elle est trop petite. Ce qu’elle sait, c’est qu’il va falloir partir de là. Partir de là ? Elle ne sait pas ce que cela veut dire. C’est une phrase qui est apparue dans les conversati

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