L Ombre des eucalyptus
202 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'Ombre des eucalyptus , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
202 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Nous sommes en 1962, sur fond de fin de guerre d’Algérie.



Une petite fille de 11 ans raconte son enfance à Alger, son exode vers la France métropolitaine et son adaptation dans sa « nouvelle » famille auvergnate.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 septembre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414528363
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-52837-0

© Edilivre, 2021
Dédicace
A mes parents, à mes grands-parents.
A Annie dans nos mêmes liens.
Remerciements
A Pascale Aubin Perrin pour son aide et son constant soutien
Tes branches oscillant sous la brise se déploient
Pour saluer les navires.
Elles épousent le ciel,
La terre,
La mer,
Elles caressent l’horizon.
Les feuilles oblongues suspendues
Se balancent doucement pour saturer
Le vent léger de leurs effluves.
Campé majestueusement
Sur le sol aride,
Tu élèves fièrement
Ta ramure si avide
D’espace et de lumière.
Tu accueilles des oiseaux craintifs,
Des singes facétieux
Et des tourterelles fidèles.
A tes pieds noueux et larges
Tu m’as offert le nid
Où mes rêveries s’endorment
Au soleil couchant,
A ton ombre,
Eucalyptus.
1
Le soleil s’est engagé sur la voie qui l’entraînera dans quelques minutes à s’immerger lentement dans l’eau assombrie de la Méditerranée, juste à l’horizon qui limite le regard fixé vers l’ouest algérois. La chaleur laisse place à la brise venue de la mer, le bleu du ciel est plus soutenu, les couleurs se rehaussent à la lumière dorée, douce et caressante, comme fatiguée de s’être anéantie sur les murs immaculés de cette ville qui se rue de toute sa hauteur dans la nasse scintillante du port.
Alger, au soir du 27 juin 1962, se transforme en une vague de silence qui se glisse dans le feu du soleil. Déclinante, la clameur citadine d’une journée d’été sans cesse agitée s’est à nouveau épuisée dans le quotidien d’une guerre « événementielle » vivant ses derniers soubresauts de violence à travers des enlèvements, des exécutions dans la rue ou à domicile.
Il est temps que s’installe la nuit étoilée, que reviennent les sirènes du port. Que les cornes de brume des navires qui accostent ou larguent les amarres chassent les détonations sèches ou en rafales des armes. Que les chiens aboient enfin de joie pour que cessent leurs hurlements à la mort ! Que les explosions sourdes des bombes disparaissent de la nuit.
La guerre est finie, pourtant il y a toujours autant de militaires circulant dans leurs véhicules kaki. Ce décor ne change pas.
Il paraît que l’Algérie va être indépendante dans quelques jours, mais cela ne représente rien pour moi, si ce n’est que mes copines arabes vont faire la fête. Elles vont défiler et que ce sera un grand jour. J’aimerais bien y participer ou du moins en être spectatrice.
J’ai onze ans et demi, je rentre fatiguée par une journée passée en plein air dans les jardins environnants avec mes amies Rabera, Salima et Leila.
Nous jouons aux grandes, aux femmes, aux mères de famille. Les responsabilités et la charge de nos rôles d’adultes sont si variés et importants à mettre en scène et à jouer qu’ils occupent toutes nos vacances.
Il faut bien ça, car nos vacances ont commencé dès l’année dernière. Les écoles ont fermé, toutes les écoles ont fermé. Et puis, la plupart de mes amies « européennes » sont peu à peu parties. Sans me dire au revoir, elles ont soudain disparu ; c’est à chaque fois une triste surprise qui me laisse muette de stupeur et d’incrédulité.
Ce sont mes parents qui évoquent les départs successifs de nos voisins pieds-noirs, car cela fait bien longtemps que je ne vois plus mes petites camarades de classe et de voisinage.
Les attentats et assassinats se sont succédé avec une telle rapidité que nous, les enfants, nous avons interdiction de franchir la frontière des quelques dizaines de mètres qui entourent le petit immeuble à deux niveaux, entouré de quelques maisons mitoyennes que nous occupons avec trois familles musulmanes.
Je me suis habituée à la réduction progressive de mon espace vital d’enfant libre. J’ai peur, l’atmosphère de notre quartier a changé. Nous n’avons plus de quartier, la vie s’en est retirée. Il n’y a que des voies de circulation de véhicules. Les passants, quant à eux, limitent leurs déplacements à pied au strict minimum.
La cible est si facile pour les terroristes !
La vie est devenue extérieure à chacun de nous, les enfants, car les adultes continuent à se déplacer ne serait-ce que pour aller travailler, se ravitailler. Ils entendent encore les battements du cœur de la ville, même s’ils sont sourds et ralentis.
Nous les enfants, nous vivons entre nous. Nous jouons pour nous préparer à vivre les souvenirs des belles soirées apéritifs kémia de nos parents alors que nous nous endormions dans leurs bras, ivres des effluves d’anisette, du mélange des fumées de cigarette, de la journée de bains de mer, de soleil et des jeux à l’extérieur.
Toutes mes copines françaises, patosses ou pieds-noires sont parties. Elles ont disparu au fil des jours et des mois et à un rythme de plus en plus rapide depuis un an. Cependant, je ne suis pas trop inquiète, je me dis que mes parents ont certainement raison de penser qu’elles reviendront après l’indépendance et les grandes vacances.
Nous allons nous retrouver à ce moment-là, pour la belle rentrée en sixième dans le lycée que nous avons choisi.
Je sais exactement dans quel lycée j’irai. Ce sera le lycée Delacroix parce que mes parents souhaitent que j’apprenne l’arabe littéraire en seconde langue avec l’anglais. Ils pensent que l’arabe me sera plus utile que le grec ou le latin.
Cela me sera d’autant plus facile que j’ai la gorge et l’oreille exercées au fil de l’apprentissage et de la pratique de l’arabe de mon quartier algérois.
Certes, mon vocabulaire reste à améliorer et ma grammaire à s’installer en usage, il n’empêche que mes acquis me prédisposent favorablement.
Ce 27 juin 1962 au soir, toute la famille est là. Mon père, ma mère, mon frère aîné Jean-Pierre et ma grande sœur Annie plus âgée de deux ans et demi. Une certaine agitation règne. Bien entendu, je me fais rappeler à l’ordre, car j’arrive la dernière, maillot et short tachés, cuisses et jambes collantes, maculées de mélanges de couleurs composés des jus de fruits, de poussière et de terre qui témoignent de mes activités de cette journée d’été passée à marauder dans les jardins à chaparder des fruits, à les déguster, à les peser, à les disposer et à les vendre pour quelques noyaux d’abricots dont je dois me constituer une réserve pour jouer au jeu du même nom avec mes camarades.
On m’annonce immédiatement que je dois me laver et me changer pour aller dire au revoir à ma marraine, à Moumina, ma nounou, ma grand-mère arabe, et aux voisins les plus proches, car dès demain matin nous devons mon frère, ma sœur et moi prendre l’avion pour la France.
Face à mon incrédulité, mon père brandit des billets d’avion et m’explique que nous allons faire comme nos camarades européens, nous allons passer les vacances d’été en France chez nos grands-parents, puis mon père et ma mère nous rejoindront au mois d’août. Enfin, nous rentrerons à Alger tous les cinq à la fin du mois de septembre lorsque les choses seront rentrées dans l’ordre.
Je suis heureuse, bien qu’un peu étonnée de la rapidité avec laquelle on nous expédie en France, mais la perspective de cette aventure me réjouit. Je râle parce que je souhaitais assister aux fêtes de la proclamation de l’indépendance. J’aurais aimé voir défiler le fleuve humain vert, blanc et rouge qui va serpenter à travers la ville d’Alger. Demain, je veux aller d’un balcon à l’autre de notre appartement m’enivrer de la liesse qui accueillera la naissance d’une nouvelle nation, mais surtout, je voudrais découvrir le silence des armes, des bombes, des cris de folie et des pleurs de souffrance.
Mon père m’explique alors qu’il lui avait été difficile d’obtenir des billets pour la France puisque tous les pieds-noirs rentraient. Il avait dû faire valoir que nos vies étaient en danger à la suite de menaces précises qui avaient été faites contre nous. Je restai sans voix, car je n’avais pas entendu parler de menaces ; j’interrogeai tout le monde du regard, mais je n’eus en retour que des réactions agacées et pas de réponse. Toute la famille avait l’air de savoir, sauf moi bien entendu. La colère d’être toujours et encore prise pour la petite dernière et donc le bébé à qui il faut éviter de dévoiler les affaires des grands me submergea et se manifesta par une crise de larmes et au refus de quitter mes parents, la maison, Moumina, mes copines et copains, ma marraine, ma chienne et tout ce qui était ma vie ici malgré la violence, la peur et les menaces auxquelles je ne pouvais croire, car je continuais de m’amuser avec mes amies musulmanes.
Je suis pleine de la rage de l’enfant qui ne sait plus qui croire ni à quel monde elle appartient. J’ai onze ans et demi et je réalise soudain que je suis entre deux rives. Suis-je encore une petite fille que l’on veut épargner en s’adressant à elle avec condescendance ou bien va-t-on me considérer comme une grande fille responsable à qui on peut expliquer un certain nombre de choses, et notamment les différents dangers auxquels tous, adultes, adolescents et enfants, nous sommes confrontés ?
Mon abattement est tel, le choc est si inattendu et violent que mon père prend le temps de nous rassurer sur ce voyage, en insistant sur tous les avantages que nous aurons à passer nos vacances en France. Il ne se réjouit pas à l’idée de rester pour cette période de folie de célébration de l’indépendance de l’Algérie.
Il ajoute que jusqu’au dernier moment l’incertitude avait prévalu après plusieurs semaines de démarches pour obtenir ces trois billets d’avion.
Il lui avait été impossible de nous en parler avant, car il ne savait pas quand il pourrait en disposer. Par ailleurs et pour notre sécurité, il fallait que ce départ demeurât secret afin que les commanditaires de notre mor

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents