La Maillebotte
186 pages
Français

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Description

Comment ne pas succomber au charme de La Maillebotte, grosse ferme reculé de la Haute Auvergne, véritable havre de paix à portée des volcans ? Fermiers de génération en génération, un lien étroit unit les membres de la famille Thouvenel, régulièrement rassemblés autour d'un repas de fête. Les couples se forment au gré des mariages ou remariages, Miette et Adolphe, Mathieu et Amélie, sans oublier Joséphine, qui aura plusieurs maris. Dès l'orée du jour, environnés de splendides reliefs montagneux, ils sont tous à pied d'œuvre, peu importe la saison. Au rythme de la traite du troupeau de Salers, ils se répartissent les travaux d'élevage et d'entretien de la ferme. L'arrivée de l'électricité viendra bouleverser ce mode de vie basé sur la perpétuation des traditions ancestrales transmises par les aïeux. Dans cette attachante saga familiale, Éric Mansuy restitue fidèlement le quotidien d'un microcosme fascinant, préservé de l'agitation du monde moderne. Les fermiers connaissent chaque parcelle de terrain de leur pays de cocagne, où il est encore possible de vivre en harmonie avec la nature. C'est d'ailleurs sans doute dans les descriptions de paysages que le style enlevé de l'auteur se déploie le plus librement. Avec sincérité et un profond respect pour ses personnages, il dresse le tableau d'une époque révolue, mais digne d'être célébrée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342058697
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Maillebotte
Éric Mansuy
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
La Maillebotte
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://eric-mansuy.societedesecrivains.com
 
 
 
 
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
L’Art d’écrire Nicolas Boileau
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Les Ailes du vent
 
 
 
 
 


Localisation
I
Encore tout endormie dans son berceau de brume, l’aurore peu à peu étendait ses doigts roses sur la chaîne des Puys. Les fines pâquerettes, dans leur blanche livrée, les feuilles de vigne vierge aux couleurs chatoyantes, les mousses, les chardons ou la frêle capselle se dressaient fièrement, s’offrant aux doux baisers de ce petit matin.
Les plus proches collines dessinaient leurs silhouettes imposantes et sombres, peu pressées semble-t-il de renaître à nouveau. La butte de Montsalvy rangeait dans ses replis son grand manteau de nuit, tandis qu’à La Maillebotte on préparait déjà le réveil des papilles, celui qui remet droit les idées oubliées au fond de l’oreiller.
Le père Thouvenel, l’ancien, occupait sur le banc sa place en bout de table. Il était revêtu d’un pantalon épais et d’une veste rustique qu’il portait par tous temps. Il avait de ce fait réglé une fois pour toutes la question incessante du choix vestimentaire.
Comme chaque jour, son épouse lui servit un bouillon odorant et fumant dans lequel surnageaient quelques tranches de pain. Lorsque les vents d’hiver mordaient de tous côtés, elle y mettait alors un beau morceau de lard qui réchauffe le corps.
L’avant-bras appuyé sur le bord de la table et le buste penché, il morcelait le pain dans l’assiette à calotte. Cette onctuosité de la mie bien trempée lui donnait un plaisir chaque matin renouvelé.
Bobi, le commis de ferme, n’aimait pas trop la soupe. Avec son vieux couteau qu’il sortit de sa poche, il se coupa un bout de la grosse miche dorée qui trônait sur la table, bien large, bien épais, auquel il ajouta une bonne part de cantal à la croûte fleurie, puis manga lentement avec bon appétit.
Le vieux père Thouvenel versa un peu de vin dans son assiette à soupe, puis tendant le pichet vers son jeune commis :
« T’en veux ? »
Le garçon mit son verre et se laissa servir.
« T’iras voir la Marguerite et son veau. Faudrait refaire sa litière. Et si ça va pas mieux, tu sortiras le petit.
— Bien, m’sieur Adolphe. »
Il touilla le mélange de vin et de bouillon, puis relevant le coude, il monta son assiette à hauteur de ses lèvres afin de faire chabrot . Peut-être un rite païen adressé en offrande au soleil qui se lève ?
Toujours est-il qu’ici, au fond de ces montagnes, cet usage fort courant faisait partie des mœurs.
 
Pierrot venait d’entrer. C’était le deuxième fils d’Adolphe Thouvenel.
Chaque jour, un peu plus, alors que son vieux père rechignait à l’effort tant ses pas devenaient pénibles et douloureux, il prenait à son compte l’ensemble de la ferme. Il y avait fort à faire avec la soixantaine de vaches et petits veaux. Deux traites manuelles par jour, les foins, l’entretien, la vente du lait, le soin des bêtes…
« Bonjour, Père, bonjour, Bobi. La Marguerite, elle va pas mal. Je voulais chercher Goriot, mais ça n’est pas la peine et d’ici quelques jours, elle sera sur pied. Pas besoin de ces médecines, elle saura s’en passer.
— C’est bien ! dit Adolphe. Justement j’en parlais. Bobi va s’en aller renouveler sa litière. »
S’adressant au valet : « Quand tu auras fini, tu prendras du matériel. Au creux du Pas du Loup, tu verras, la clôture est très endommagée. Il faut la réparer. Allez, va.
— Bien, m’sieur Adolphe. » Et il partit.
Le père Thouvenel sortit de la poche de sa veste une vieille tabatière qui, depuis fort longtemps avait perdu son âge. C’était celle de son père qu’il lui avait donnée quelque temps seulement avant de s’en aller. Sur ses gros doigts bosselés, il posa doucement en un vague équilibre le papier à rouler qu’il emplit de tabac. Peu à peu le cylindre prit forme et consistance. L’approchant de ses lèvres, il en lécha le bord d’un coup de langue précis, puis il colla le tout.
Pierrot restait debout, buvant un bol de soupe près de la cheminée où brûlaient joyeusement quelques rondins de bois enflammés par Bobi avant qu’il ne s’en aille. Le feu clair et dansant animait des lutins projetant, sur les murs, les meubles, les visages, leurs habits de couleurs éclatants et sauvages.
« Alors, tu te prépares, dit-il à Pierrot. Il a l’air de vouloir faire soleil. Le brouillard va monter. Tu embrasseras tes frères pour moi et pour Miette aussi.
— Bien sûr, Père, je le ferai. À ce soir !
— Ramène-moi aussi un journal de la ville. Tu sais, ta mère aime bien avoir quelques nouvelles de la vie d’à côté. Et puis va chez Casenave, qu’il te donne une belle peau fine et souple de vachette avec un pot de colle. Il en a l’habitude et sait ce que je veux. Il saura te servir. »
Pierrot se dépêcha de sortir de la pièce de peur d’avoir encore d’autres obligations. Il devait à présent s’en aller sur Ayrens. Ce n’était pas vraiment un détour important mais cela lui ferait prendre un peu de retard.
II
Dans la cour de la ferme, déjà prête à partir, la jument grise piaffait.
C’était à cette époque, une fois le foin rentré et l’étable agencée pour recevoir les bêtes, avant que les frimas n’étendissent leur froidure, que Pierrot décidait de partir en tournée vers les fermes alentours où étaient installés ses frères et cousins.
Les attaches familiales et certains héritages avaient fait qu’ils vivaient à quelques lieues à peine de la ferme paternelle. Ils pouvaient, par là même, se rendre facilement chez les uns, chez les autres pour se donner la main, pour prendre des nouvelles ou s’offrir quelquefois un moment de détente, et puis rire un bon coup. Et quand c’était la fête, c’était vraiment la fête.
Les femmes réunies, papotant toutes ensemble, se mettaient en cuisine, élaborant alors des merveilles culinaires. Leur plus grand invité, celui qu’elles honoraient, qu’elles offraient à leurs dieux sur le mont Olympe, c’était leur star porcine, leur bien-aimé cochon. Elles le rasaient, l’emmaillotaient, le ficelaient, le roulaient, le mettaient en torchon, le baignaient, le réchauffaient, le doraient… avec l’amour d’une mère.
Et c’est alors qu’arrivait dans le chaudron, noirci par la fumée des bûches, une potée comme on sert simplement en famille, avec tous ses légumes somptueux et goûteux, jouant en harmonie avec la fine ventrèche et ce lard onctueux amoureux d’une saucisse généreusement gonflée du bouillon absorbé.
Par ici ou par-là, c’était un porcelet qui tournait sur sa broche, grésillant et suant sous la flamme caressante. Une odeur d’herbe, de thym, d’ail, de laurier, de girofle l’enveloppait tout entier, tandis que dans un coin on s’agitait vivement pour travailler à cœur l’aligot du pays, nécessitant un bras puissant et généreux.
Et puis ces tartes ! Non, pas ces petites choses qui, une fois avalées, n’apportaient aucun goût, mais ces tourtes épaisses, aux fruits mûrs et juteux, appétissantes, solides, grosses comme des roues de charrettes et qui tenaient au corps.
Tout n’était que péché en cet instant béni !
Dégoulinantes de salive, les papilles se gonflaient, les yeux s’écarquillaient, les estomacs dansaient dans des spasmes nerveux. Le mal était profond. Il fallait agir vite. C’était l’heure du repas !
Quand les panses étaient pleines, les désirs assouvis, les hommes, le verbe haut, racontaient des histoires rigolotes et grivoises où se mêlaient les rires pour finir très souvent par des chants bien sonores, fêtés comme il se doit par un bon coup à boire.
 
Une carriole légère serait bien suffisante. Avec un enrênement réduit au nécessaire, la jument trotterait sans fatigue excessive. Ainsi les quelques lieues qui formaient le parcours resteraient une promenade pour ce cheval tout jeune.
Joséphine avait mis du pain et du jambon dans un panier d’osier, ce jambon du pays d’un rouge grenat profond avec son tour de gras de la couleur d’ivoire, et aussi une fillette d’un petit vin d’ici. Joséphine ! Elle était tellement belle ! Aimable ! Souriante, toujours aux petits soins, avec ses bras si blancs et sa gorge avenante. Et Pierrot n’était pas insensible à son charme. Le rayonnement du jour lançait dans ses cheveux aussi noirs que le jais des reflets argentés. Le visage expressif s’ornait d’un regard sombre dans lequel se mirait la flamme malicieuse d’un esprit enjôleur, tandis que sur ses lèvres flottait un doux sourire à peine perceptible. Ses hanches épousaient le dessin d’une amphore, et son corsage, empli de promesses charmantes, laissait vagabonder des images légères.
À trente-sept ans passés, elle était restée seule et n’avait pas voulu quitter La Maillebotte où se trouvaient mêlés de nombreux souvenirs qui lui étaient si chers mais aussi des malheurs qui lui serraient le cœur.
Sa vie, ses joies, ses peines, tout était dans ces murs. Ce fut l’entrée de Miette au sein de la famille, qui en fut l’origine.
 
Avant d’être mariée avec Adolphe Thouvenel, Miette avait eu un homme du nom d’André Feuillard, un pet

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