La Morasse
196 pages
Français

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Description

De 1954 à 1962, des millions d’appelés sont partis en Algérie. Ils allaient « pacifier ». En fait, c’est la guerre qui les attendait. Cette chronique est le témoignage de l’un d’entre eux, Jean Forestier, qui en a été acteur.

« Répertorié » au registre des grands blessés, il a vécu, écrit ce document retraçant une petite page de notre Histoire, page largement occultée par les pouvoirs politiques en place ; posant des questions sur cette guerre qui, avec une actualité récente et tragique, nous replonge dans un univers que l’on croyait disparu de nos esprits.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 décembre 2015
Nombre de lectures 2
EAN13 9782334016681
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-01666-7

© Edilivre, 2016
Dédicace

Ce livre est dédié aux appelés du contingent.
Cette guerre n’était pas la leur.
Que justice leur soit rendue.
Les droits d’auteur de cet ouvrage seront intégralement versés aux Restos du cœur.
Avant-propos
Mon métier est mort. Agonisant dans les années 70, l’ordinateur et les méthodes des agences de publicité lui ont donné la dose létale. Il s’agit du métier de compositeur typographe. Il fallait certes pour prétendre entrer dans cette branche des arts graphiques, avoir un bon niveau d’orthographe et un minimum de créativité artistique. C’est l’époque où dans les ateliers des maîtres-imprimeurs, la liberté est laissée de s’exprimer dans une page, un dessin, des variétés de caractères, mais très vite, la notion de rentabilité est venue remettre de l’ordre.
On pouvait alors, modeler un en-tête de lettre décoiffant, un menu artistique, une publicité explosive.
Mon imagination créative a toujours été limitée, je préférais et de loin, mettre en page la structure d’un journal, à une époque où le typo était le maître d’œuvre de sa mise en forme tout en respectant l’esquisse validée du rédacteur en chef.
Depuis, les temps ont bien changé, dans les salles de rédaction, les journalistes, avec l’ordinateur, remplacent les typos, composent leurs articles, les mettent en page dans des structures pré-formatées, sans possibilité d’ajouter une petite touche personnelle. C’est bien la fin d’une longue histoire. Le terme « typographe » disparaîtra bientôt des dictionnaires.
Sur le marbre, la forme ou châssis, cadre d’acier rempli de caractères mobiles qui ont été alignés un par un dans des composteurs, puis justifiés sur une longueur déterminée, assemblés en paragraphes, enfin disposés en colonnes telles qu’elles apparaîtront sur le papier.
Avec l’évolution rapide des techniques, les caractères mobiles seront remplacés par des lignes-blocs fondues par les linotypes sur lesquelles les clavistes frappent leurs textes. On y trouve également titres, filets, clichés, photos, dessins, vignettes, couillards ou autres culs-de-lampe formant l’ensemble d’une page de journal. La forme pèse parfois plus d’une dizaine de kilos. Toute cette lourde quincaillerie mobile tient grâce à des coins en bois qui enserrent littéralement les caractères entre eux en prenant appui sur le cadre métallique.
Il est arrivé parfois qu’un châssis mal serré laisse échapper ses lourdes entrailles de plomb… Quel impres-sionnant et beau spectacle alors ! C’était la mise en pâte, le tri et la distribution en casse.
Avant de l’installer sur les presses, il faut tirer une épreuve qui sera soumise aux correcteurs.
Cette épreuve sur laquelle sera signé le bon à tirer (BAT) parfois le bon à graver, s’appelle la morasse.
Plusieurs passages d’un rouleau encreur noircissent l’ensemble de la page sur laquelle on pose une feuille au format, préalablement humidifiée.
Un taquoir (rectangle de bois dur surmonté d’un morceau de cuir) dans une main, un marteau dans l’autre, on applique le taquoir sur un endroit et l’on donne de légers coups de marteau dessus. Répétition de l’opération sur toute la page de façon à ne rien oublier. On peut également se servir d’une brosse aux poils rigides et tapoter sur toute la surface du papier. Le taquoir était plus utilisé.
On retire tout doucement la feuille encore humide et alors apparaît notre page imprimée, avec des caractères tremblants, mal encrés ou encrassés là où le taquoir a trop insisté, des caractères doublés si le papier bouge, ou tout simplement pâles ou non encrés quand une portion de papier n’est pas assez humide.
Cette épreuve, pas belle, pas nette, avec ses manques et ses imperfections permet cependant d’avoir une vue d’ensemble de la mise en page et d’y relever tous les détails.
Image brouillée, unique mais parfaitement lisible.
Des morasses comme celle-ci il y en a eu des centaines, des milliers durant la guerre d’Algérie.
Voilà le parallèle que je veux faire entre le récit qui va suivre et cette épreuve typographique. L’une et l’autre n’ont pas de contours bien précis, avec des manques, des imperfections, mais la trame reste parfaitement lisible.
L’humble rédacteur que je suis, sans aucune culture, sans diplôme, sans éducation, sans nègre, sans correcteur, va dérouler une longue page qui a pour cadre l’Algérie et pour thème la guerre.
C’est le quotidien d’un appelé, encore adolescent, pas formé pour ce genre d’exercice armé, pas formé à tuer, pas formé à faire abstraction de ses sentiments. On ne naît pas tueur sur ordre, et si la malchance nous contraint à tuer, c’est avec l’instinct de survie.
Ce que j’ai vu, vécu, ressenti, au même titre que des milliers d’appelés, je voudrais bien le partager avec d’autres Français intéressés par l’Histoire de leur pays, la France. Il ne s’agit pas d’un simple roman tiré de l’imaginaire, mais seulement de faits réels, bruts, des faits que beaucoup de jeunes ont vécus, dans d’autres lieux, différemment, avec une autre sensibilité, plus cruels ou plus durs parfois. Certains, durant leur séjour n’ont pas tiré un seul coup de feu. Il faut quand même les associer à notre aventure.
Les appelés ont toujours agi conformément aux ordres reçus, dès lors qu’ils ne posaient pas de cas de conscience. Dans les unités où j’ai servi, le 10 e BCP (bataillon de chasseurs à pied), puis le 18 e RCP (régiment de chasseurs parachutistes), il en a toujours été ainsi. À part un ou deux « fêlés » que l’on retrouve partout, je peux affirmer que les appelés ont agi souvent avec beaucoup d’humanité, même si parfois, des circonstances dramatiques ont généré des actes en contradiction avec ce que je viens d’affirmer. Il s’agissait, toujours selon la même exception, d’une réaction face à l’insupportable, jamais un désir de vengeance ou de sadisme. La torture, c’est le fait d’une très faible minorité qui ne mérite pas que l’on parle d’elle. Je n’ai jamais assisté à des scènes de torture. J’ai été dans un ou deux cas, témoin de graves exactions. Il m’est arrivé une seule fois, au milieu de camarades morts et blessés, d’avoir une conduite inadmissible, conduite qui m’a marqué dura-blement et que j’ai beaucoup regrettée.
À certains moments durant cette guerre d’Algérie, dans quelques unités, des faits de torture sont avérés, mais la grande majorité du contingent a les mains propres à ce sujet et s’honore de le proclamer.
Les appelés ont longtemps occulté cette page de notre Histoire, conscients qu’elle n’a pas toujours été glorieuse. Mais les conscrits ont toujours répondu sans rechigner – exception faite des rappelés, mais on les comprend – à exécuter les tâches difficiles qui les attendaient et aux-quelles ils n’étaient pas du tout préparés.
Les appelés ont sacrifié leur jeunesse, leur vie souvent. D’autres sont revenus mutilés, hachés, brisés. Quelques-uns ne s’en sont jamais remis. Il faut tout de même se souvenir que la République a envoyé sans hésitation aucune, des jeunes tuer d’autres jeunes ou des hommes qu’ils ne connaissaient pas, sous la notion de maintien de l’ordre, de pacification, sans oser employer le terme de guerre.
Ces jeunes soldats n’étaient pas tous matures, parfois peu dégourdis, souvent issus des classes les plus modestes. Les exemptions ou autres reports d’incorporation touchant davantage les classes aisées. N’ayant pour beaucoup jamais voyagé, ils se sont retrouvés dans un cadre parfaitement inconnu, hostile, glacé l’hiver, torride l’été, aux montagnes escarpées, talwegs encaissée et garnis parfois d’une végétation luxuriante. Terrain très difficile où sa connais-sance par les combattants adverses devenait pour eux un atout majeur.
Il faut le dire, certains, peu préparés dans leurs unités, ont été envoyés au massacre. Par contre, l’entraînement physique que j’ai reçu au 11 e bataillon de parachutistes de choc à Perpignan, puis Mont-Louis, était de grande qualité et déterminant pour aider physiquement à s’en sortir.
Pour tout ce qui précède et tout ce qui va suivre, la République aurait pu avoir un minimum de considération pour les modestes soldats que nous étions. Que nenni, les soldes que l’on daignait nous servir étaient de l’épaisseur d’un cheveu (1,37 € par jour pour un soldat pendant la durée légale de 18 mois ; 8,40 € par jour de 18 à 24 mois ; 14,84 € par jour au-delà des 24 mois). Nos congés étaient rares, les règlements militaires encore d’un autre âge et les conditions d’hébergement et de nourriture d’une troupe en nomadisation quasi permanente inadaptées aux efforts physiques demandés. Ce régime a été le lot de centaines de milliers de jeunes, marqués à jamais, ce qui explique en partie l’omerta généralisée que l’on constate encore sur cette guerre d’Algérie.
Les appelés n’ont jamais été remerciés de leur dévoue-ment pour la France et jamais honorés. Une Légion d’honneur était attribuée systématiquement à un officier mort au combat ; la Médaille militaire pour un soldat tué dans les mêmes conditions. Cette notion de supériorité, de hiérarchie face à la mort m’a toujours profondément choqué.
Les appelés n’ont jamais connu la cour des Invalides pour y accueillir les familles des tués. Les appelés n’ont jamais eu droit aux rassemblements patriotiques des amis et associations d’anciens combattants sur le parcours de leur dernier voyage.
Pour eux, c’était une immense fosse bétonnée, fermée par des portes métalliques cadenassées reposant à même le sol, je pense à la ville de Batna, dans les Aurès (vous vous rappelez les anciens ?) où s’entassaient des dizaines, voire des centaines de cercueils.
Venaient ensuite, quand la cargaison était importante, le ret

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