La Vachère
202 pages
Français

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Description


Une jeunesse en montagne ardéchoise


« Il y avait sept ou huit vaches et deux bœufs ; un jour, l’un d’entre eux m’avait renversée, dans le bois... À huit ans... Oh ! S’il m’avait tué, il en restait encore... Oh garce, quelle vie ! J’aurais mieux aimé rester chez mes parents, à la ferme et torcher les petits.
Quand il faisait mauvais temps, je n’avais pas de parapluie, même pas un imperméable ; je faisais un capuchon avec une boge et la posais sur ma tête ; elle me couvrait les épaules.
Je languissais ma maison, je mangeais sans appétit ; pourtant, on me donnait à manger, mais je ne mangeais pas souvent, j’avais mal au ventre... »


Thérèse raconte sa jeunesse d’enfant loué, la vie et les mœurs en montagne ardéchoise dans la première moitié du XXe siècle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 avril 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782381530734
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Vachère
Une jeunesse en montagne ardéchoise
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
Alain Charre
La Vachère
Une jeunesse en montagne ardéchoise
Récit
Traduit de l’occitan

 
À Cécile, Nicolas, Noah et Hermès, afin qu’ils sachent ce que fut la vie d’enfant de Thérèse et afin qu’ils trouvent leur chemin sans oublier leurs racines occitanes.


Thérèse

INTRODUCTION
Inspiré par ma mère, ce récit évoque sa jeunesse passée au Cros-de-Géorand, en Ardèche : témoignage sur une parcelle de vie dans la première moitié du XXe siècle, semblable à celle de bien des jeunes filles de la montagne.
Afin de ne froisser personne, les véritables patronymes et toponymes ont été remplacés. Il est vrai que pour les gens d’aujourd’hui qui vivent dans la douceur, les gens du temps passé peuvent être perçus comme durs et austères   ; en cela, il faut savoir qu’ils luttaient pour vivre et qu’ils le faisaient sans aide ni protection de l’état. Ils voulaient laisser à leurs enfants plus qu’ils n’avaient reçu de leurs parents. Nous pouvons leur reprocher bien des choses, mais pas leur lutte courageuse pour la vie. Il faut également savoir, que cette rudesse dissimulait un bon sens et une finesse d’esprit bien comprise des rayols 1 , qui affirmaient :
«   Le pagel 2 est fin,
Il n’a de grossier que l’apparence   »
Là-haut, sur le plateau, les temps ont bien changé depuis quatre-vingts ans   ; aujourd’hui il y a de l’argent, les gens ne se nourrissent plus d’eau bouillie. Pour attirer les touristes, on couvre des ruines de feuilles d’or pour en faire des œuvres d’art. Que diraient les anciens s’ils voyaient cela   ? Eux qui ne mangeaient pas à leur faim. Eux, qui avaient démoli les abbayes et emporté les pierres pour bâtir leur maison   ; eux, qui payaient les genêts pour couvrir leur chaumière… Que diraient-ils, en nous voyant gaspiller l’électricité comme nous le faisons : trois lampadaires allumés par habitant, toute la nuit, pour illuminer les maisons du village   ; eux qui s’éclairaient à la chandelle   ? En voyant notre mode de vie, ils diraient que nous sommes devenus fous… et ils auraient un peu raison.
Ainsi, loin de moi l’idée de juger durement ces gens, mes parents, mes ancêtres… Je sais que sans leurs sacrifices je ne serais pas né.
Je remercie Françoise, mon épouse, pour son aide précieuse apportée lors de la relecture de cet ouvrage.

NOTES
Ce livre est tiré de La Vachèira , ouvrage en occitan du même auteur. Sa traduction en français, souvent littérale, restitue les locutions et tournures de la langue occitane au détriment, quelquefois, du respect des règles de grammaire de la langue française.
Quelques mots occitans, dont certains sont passés dans le français régional, n’ont pas été traduits. En italique dans le texte, leur définition sera rappelée à la première occurrence :
Aïgue bulide   : f. Eau bouillie que l’on sert en potage quand on n’a rien d’autre à manger. Servie salée avec un peu de saindoux.
Arcas   : m. Appentis entièrement fermé, devant la porte de l’étable.
Balle   : f. Sac de cent kilos.
Barouo  : m. Char à petites roues pour le transport des féniers .
Boge   : f. Grand sac en toile de jute.
Bombine   : f. Ragoût de pommes de terre.
Bonne-laisse   : f. Étrenne que le vendeur donne à l’acheteur afin que la bête vendue lui fasse profit.
Bouringe  : f. Drap de jute utilisé pour transporter du foin à dos d’homme.
Burle   : f. Blizzard, tempête de neige.
Caille  : f. Faucheur inexpérimenté.
Calades  : f. Pierres de pavage.
Cham   : f. Plateau dénudé.
Chanis  : m. Herbe courte et fine.
Chareyre   : f. Rue   ; poutre maîtresse.
Chasèïre  : f. Coffre dans lequel s’affine ou se conserve le fromage.
Chièr   : m. Amas de blocs rocheux étalés à flanc de montagne. (Prononcer le «   r   »).
Cistre  : f . Fenouil des Alpes.
Coulaïre   : m . Grand entonnoir dont l’orifice est pourvu d’un linge qui filtre le lait.
Courades   : f. Saucisses faites avec les poumons du porc.
Cousina   : m. Soupe de châtaignes.
Couvige  : m. Assemblée de dentellières.
Draille  : f. Chemin non carrossable.
Fénier  : m. Petite meule de foin.
Fresse  : f. Gros fagot de branche que l’on traîne sur les prés pour émietter le fumier.
Gore   : f. Vieille vache.
Lèitade   : f. Petit lait   ; liquide qui reste après le caillé du fromage.
Martelle  : f . Ensemble composé d’un marteau et d’une enclumette, utile pour marteler la faux.
Miramande  : f. Variété de fromage.
Niçol  : m. Tubercules de canopode dénudé.
Pagel  : m. Habitant de la montagne   ; f. Pagele.
Paradis   : m . Dans la cuisine, endroit où une petite planchette porte un crucifix, une Sainte vierge, quelques images pieuses et quelques fleurs.
Patche   : f. Pacte, transaction, convention.
Queyrat   : m. Habitation couverte en lauses.
Rayol  : m. Habitant des vallées et de la plaine. f. Rayole.
Reboule   : f. Fin de la saison des foins.
Sac   : m . Énorme pierre volcanique à faces régulières.
Saïn  : Mésentère du porc, saindoux.
Saladou  : m.   Coffre dans lequel on conserve les os de porcs dans le sel.
Sarrassou  : m. Babeurre caillé.
Serre   : m. Colline.
Suc   : m. Montagne, sommet (le Gerbier-de-Jonc est un suc ).
Tante  : f. Vieille fille, marâtre.
Ténaï   : m. Arbalétrier.
Tremèse  : f. Céréale qui se cultive durant trois mois, du semis à la récolte.
Trempadou  : m. Petite construction abritant le réservoir d’une source.
Trapou  : m.Trappe par laquelle on fait passer le foin du fenil à l’étable.
Tuade   : f. Sacrifice du porc.

Mes parents, ma naissance
Je suis née au Mont 3 le vingt-sept août 1932. À cette époque, il n’y avait pas de médecin, les femmes accouchaient à la maison. Une voisine, la plus expérimentée, venait aider   ; pour moi, ce fut la Maria de l’Ollier. Comme cela se faisait à l’époque, mes parents ne tardèrent pas de me faire baptiser   ; surtout, il ne fallait pas que les enfants meurent sans avoir reçu le premier sacrement des chrétiens, sinon ils ne seraient pas allés au paradis. Si par malheur cela arrivait, ils allaient dans un endroit, pour moi mystérieux, qu’on appelait les limbes. Ce n’était ni le paradis ni l’enfer. Une fois baptisés, les jeunes enfants pouvaient mourir, ils allaient tout droit au paradis, car ils ne pouvaient pas avoir péché   ; de plus, au cimetière, ils pouvaient être enterrés avec les autres chrétiens.
On me baptisa du nom de Thérèse. Je ne sais pas d’où cela provient, mais mon premier prénom à l’état civil est Marguerite. Pourquoi faisaient-ils cela autrefois   ? Je ne sais pas   ; peut-être que mes parents ne voulaient pas associer le nom sacré du baptême et le nom laïque, le Bon Dieu à la République. Il n’était pas loin le temps, où les gens de la montagne verrouillaient la porte des églises pour empêcher les inventaires. Peut-être que cette pratique fut instaurée par les curés réfractaires, après que la Révolution eut imposé l’état civil. Il faut savoir que les gens de la montagne, des chouans, les cachaient et les protégeaient des gendarmes.
J’arrivais après l’aînée, Marie, et mon frère Irénée. Après moi vinrent encore Marcel, Roger, Cyprien, Yvonne, Marius, Fernand et Maurice.
Mon père, Cyprien Breysse, était né au Gourier en 1901. Les gens ne l’appelaient que Priou. Je ne sais pas grand-chose de sa jeunesse, mais il était allé à l’école du Cros avant la guerre de 14. Bien sûr, il la manquait souvent   ; il comptait sa scolarisation non pas en années, mais en mois. Il savait lire et compter, mais je ne l’ai jamais vu écrire, il n’avait pas le Certificat d’études. Un peu avant-guerre, son père afferma le grand Bleynet de Sainte-Eulalie. Là, plus d’école   ; avec ses frères, il fallait travailler comme un homme, et encore plus après la mort de son père en 1917.
Ces Breysse, qui portaient le surnom de Tachou 4 , étaient issus de la Grange de la Bourlateyre, ils y avaient vécu deux ou trois siècles.
Mon père fit son régiment à Cologne, dans la Ruhr, de 1921 à 1923, au moment où les Français occupaient ce pays. Il fut maître-chien pendant vingt-cinq mois. J’ai toujours vu sa photo en soldat, sur un diplôme encadré qu’on avait accroché au mur de la cuisine. Quand il revint du régiment, il exploita avec sa mère, ses sœurs et ses frères, la ferme de Javelle. En même temps, il travaillait comme manœuvre au percement du tunnel du Roux   ; c’est ainsi qu’il mit quelque argent de côté. À vingt-six ans, il en avait assez économisé pour acheter du bétail et envisageait d’affermer une exploitation. Il se trouvait que les Pailhès arrêtaient l’exploitation du petit Mont, une ferme de sept ou huit bêtes qui jouxtait le grand Mont exploité par Clovis L. Le petit Mont aurait bien fait pour lui, mais il lui manquait une femme. Il s’en confia à Clovis, qui lui dit qu’à Veyron, il y avait des filles à marier :
— Là-bas, il y en a plus d’une, lui dit-il.
Quelque temps plus tard, mon père retourna voir Clovis et lui raconta sa visite à Veyron :
— C’est bien vrai, il y en a plus d’une… L’Angélina fera l’affaire.
— Retournes-y quand même une autre fois, avant de décider du mariage… lui conseilla Clovis.
Je ne sais pas si mon père prit un entremetteur pour aller courtiser à la ferme, mais à l’époque, cela se faisait couramment. J’ai entendu dire qu’un de Riouclar 5 qui voulait se marier avait dit au neveu de Clovis :
—  Si tu me trouves une femme, je te donnerai un coq.
Une chose est sûre, à Veyron il ne

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