Le Chemin de l oued
234 pages
Français

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Le Chemin de l'oued , livre ebook

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Description

Ce récit rapporte les souvenirs de l’auteur à l’âge de 10 ans. En juin 1962, alors qu’il commence à découvrir et à comprendre son village, il est obligé de quitter la maison familiale au bord de l’oued, la place du kiosque avec ses bars et ses magasins, des scènes de la vie familiale lui reviennent au cours de ce périple vers la France. Du port d’Oran à Bourges, les étapes du voyage sont autant d’occasions de faire revivre son jeune passé pour tenter de ne pas oublier.

Comme l’oued tranquille qui se gonfle d’eau descendu de la montagne pour tout dévaster sur son passage, l’indépendance de l’Algérie a fait disparaître les repères habituels. Les chemins qui semblaient tracés mènent dorénavant vers d’autres lieux.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 mai 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414231119
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-23109-6

© Edilivre, 2018
Prologue
Je suis né le 3 décembre 1952 dans la région d’Oran, en Algérie, plus précisément dans un village de la plaine de la M’leta dont le nom signifie la quatrième source. A 9 ans et demi, le 13 juin 1962 exactement, j’arrivais à Bourges en compagnie de mon père et de l’un de mes frères. Ce voyage avait signifié une séparation de trois semaines avec ma mère dont nous devions rester sans nouvelles jusqu’à son arrivée à Bourges le 3 juillet.
Mon entrée dans l’âge de raison, s’est faite sur fonds d’exode. Je commençais à peine à découvrir et à comprendre la réalité de mon village lorsque je l’ai quitté. Le voyage jusqu’au port d’Oran puis jusqu’en France à travers la Méditerranée, a joué un rôle d’accélérateur dans ma compréhension des choses. Tout au long de cet étrange voyage j’ai regardé autour de moi et revisités les souvenirs qui fuyaient. Ce travail de mémoire n’a pas la prétention de proposer une analyse de la situation des Français en Algérie. Il a pour unique ambition de figer pour les miens et pour ceux qui le liront, l’histoire d’une Algérie, celle que j’ai vécu. Bien sûr, les événements relatés peuvent quelquefois s’inscrire en faux contre des vérités ou des certitudes admises. Ils ont pourtant été constitutifs de ma réalité. Celle-ci montre que dans les circonstances les plus extrêmes, les hommes valent parfois, et souvent, beaucoup mieux que l’histoire qui s’écrit malgré eux.
Mon grand-père maternel Juan Manuel, lorsqu’il a quitté, en 1909, son Espagne natale pour l’Algérie n’était animé d’aucun esprit de conquête. Terrassé par la crise minière de la région d’Alméria il avait décidé de partir pour trouver un monde meilleur pour lui et sa famille. Il ignorait que ses enfants et ses petits-enfants, deviendraient un jour des Français, et qu’il leur imposerait par sa décision une nouvelle migration 53 ans après la sienne. Mes parents étaient animés de la même volonté que leurs parents. La représentation que je propose ici repose sur l’histoire de cette filiation migratoire. Elle est écrite par un enfant de 9 ans dont j’ai voulu restituer la naïveté et la candeur. Peu d’éléments autres que ses souvenirs, ont été rajoutés à son récit, ou alors juste ceux qui se révélaient nécessaires à la compréhension de certains événements. Mes proches ont lu ce manuscrit avant son édition. J’ai tenu compte de leurs remarques, là où cela semblait utile, en leur donnant la couleur du récit.
1 Une découverte rétrospective
Je devais avoir un peu moins de huit ans lorsque je pris conscience de la réalité du village où habitait ma famille.
Ce village était maintenant un espace délimité par des repères précis, des lieux, des personnes, des événements.
J’avais progressivement appris à maîtriser ses limites, à connaître les membres de la communauté qui le composait, enfin à en devenir un membre à part entière.
Je me déplaçais dans des endroits désormais familiers et connus, je prêtais attention à ce qui s’y passait et à ce qui s’y disait. Je m’y sentais bien. J’y étais chez moi.
Ma conscience d’Aïn-El-Arba se traduisait également par la couleur particulière du ciel, le vent sur mon visage, les images et les odeurs. Elle devenait réelle lorsque ce ciel, ce vent, ces images, ces odeurs, venaient à ma rencontre .
La chaleur et la rectitude de rues plates sous le sable et le soleil sont les deux choses que je garde de ces découvertes rétrospectives.
Ces rues s’organisaient autour d’une place carrelée. Elles délimitaient des parcelles carrées tracées au cordeau sur lesquelles on avait construit des maisons. Le village était une construction rationnelle, un signe de la civilisation dans un paysage au relief tourmenté et chaotique.
Du centre de la place, depuis le kiosque à musique, une sorte d’élégante rotonde dont les pilastres étaient surmontés d’un toit galbé comme un casque colonial, on pouvait voir du sud vers le nord, la mairie, l’église, le Palais de Justice et la mosquée.
De part et d’autre du kiosque, des terrasses ombragées accueillaient les clients des trois bars du village. Je me souviens précisément de ces trois-là, chez Victor, chez Juanico et chez Isidore. Avec mes frères ou mes cousins, nous suivions la procession d’après messe à laquelle mon père, mon grand-oncle Tcha Tche ou l’un de mes oncles venus en visite chez mes parents, sacrifiaient tous les dimanches en observant des stations plus ou moins prolongées dans chacun de ces bars.
Avant les repas du dimanche, nous y passions de longs moments à les regarder jouer au billard, à écouter les conversations bruyantes dans l’odeur particulière de l’anis mêlée à celle du bois ciré du comptoir et du carrelage fraichement lavé.
Le café au billard était toujours grand ouvert sur la rue. Trois piliers carrés supportaient le bâtiment dont la façade était en retrait derrière une volée de longues marches. Entre chacun de ces piliers, des portes vitrées s’ouvraient largement sur la rue. Du comptoir, on pouvait voir, sans être vu, tout ce qui se passait à l’extérieur. Penché au-dessus du marbre, mon oncle Melchiorico examine avec attention la disposition des boules et réfléchit à l’effet qu’il va donner. Alors qu’il s’apprête à tirer, il est distrait par un mouvement dans la rue. Il lève doucement la tête pour arrêter son mouvement et revient aussitôt au jeu. Son sourcil droit s’est relevé en créant sur son front la ride caractéristique qu’il a toujours lorsqu’il se concentre sur le jeu. Les autres joueurs savent qu’à ce moment précis il imagine la façon dont il va enchaîner une série. Il imprime à sa bille un mouvement complexe qui ramène les trois billes les unes vers les autres après qu’elles se soient toquées. Il pourrait continuer indéfiniment, mais, pour laisser du jeu aux autres, il se relève, laisse tomber son sourcil droit à la hauteur de son sourcil gauche et se dirige vers le boulier mural pour aller y marquer ses points. Dans la quiétude un peu sombre du bar, la lumière violente de la rue surexpose tout ce qui vit à l’extérieur. La partie se poursuit. Debout devant le comptoir, trop haut pour les enfants, nous regardons les verres de tomates qui s’alignent pour les joueurs à mesure que la partie avance.
Chacun à notre tour nous trempons les lèvres dans ces breuvages sucrés et anisés pour une demi-gorgée avec l’accord des grands. La grenadine que nous buvons ensuite garde ce goût anisé que nous voudrions prolonger. C’est dans cette atmosphère de bar que j’avais répondu :
– Non ! Il est bien attaché !
Quand Damian, le copain de Tcha Tche avait fait remarquer ma braguette ouverte en me disant :
– Le petit oiseau y va se sauver !
Après une longue partie de billard et plusieurs tournées d’anisette, nous rentrons. L’après-midi est avancé et nous savons que ma mère et mes tantes nous attendent.
Invariablement, à la sortie de l’église, Maman avait lancé son célèbre :
– Je vais mettre le riz à une heure ! A une heure et demi, la paella elle est gatchée ! Alors ne tardez pas trop !
Elle voulait éviter de nous servir, malgré elle, une paella au riz gatché, c’est-à-dire collé et pâteux. Le riz gatché était son cauchemar même si l’origine en était souvent le retard des convives. Elle s’ingéniait à maîtriser ces paramètres aléatoires dont nous étions les seuls responsables, la longueur de la partie de billard, le nombre d’anisettes bues, les rencontres que nous pouvions faire chez Juanico ou chez Isidore, l’intensité des conversations et l’engagement que nous y prendrions. Malgré la difficulté de l’équation, nous avons rarement eu à manger des paellas au riz gatché ! Maman savait, comme si elle le sentait, à quel moment précis nous quitterions les bars et le billard. C’est à ce moment précis qu’elle lançait le riz dans l’eau bouillante de la paella, colorée par le safran, les tomates et la graisse de cuisson des viandes.
La place concentrait également la plupart des magasins du village. Tous m’étaient familiers.
L’épicerie boulangerie était construite sur le même modèle que le bar. Un comptoir en forme de L abritait M me Malanga qui nous accueillait avec un air de doute permanent dans le regard. Elle nous interrogeait des yeux, dès notre entrée, pour savoir si nous voulions vraiment acheter quelque chose. Nous venions souvent regarder la file d’attente des clients, particulièrement ceux qui venaient faire cuire du pain. Le four de la boulangerie pouvait être utilisé par les clients et M me Malanga, sévère derrière son comptoir, évaluait à voix haute la qualité de ce qu’on lui amenait à cuire. Ça ? c’est pas de la torta !
Disait-elle à un jeune algérien en faisant dédaigneusement glisser le moule plus loin sur le comptoir en zinc gris.
Elle revenait ensuite vers le moule et plantait rageusement un grand couteau dans la pâte en répétant :
– Regarde !
– Regarde !
Elle exhibait fièrement la lame qui dégoulinait de pâte trop liquide.
Elle n’hésitait jamais à refuser une torta dont elle jugeait la pâte trop liquide, sachant que c’est elle qui se verrait reprocher le résultat de la cuisson. Elle expliquait de façon véhémente que la pâte était tellement liquide que jamais elle ne parviendrait à donner une torta acceptable. Ce pain blanc sans levain était cuit dans un moule rond à la façon d’une omelette ou d’une grosse crêpe. La croûte noircie par endroits restait moelleuse et cachait une mie serrée au goût douceâtre.
A la sortie de la messe nous nous précipitions chez la bonbonnière. Cette vieille femme vendait des bonbons pour les enfants. Elle portait une blouse claire et se tenait en silence derrière le comptoir. Dans un magasin étroit comme un couloir, des b

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