Le Kaléidoscope de la vie
320 pages
Français

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Description

En un siècle charnière, son existence est plus qu'une vie. Infatigable chercheuse d'« autre, de plus », déterminée à faire de sa vie un projet, elle arrive en fin de parcours à ce qu'elle voulait, consciente que « la complication du monde n'est pas justifiée », même si elle a toujours été attirée par les défis. Menée comme par un fil magique, lorsqu'elle parvient au but, elle prend conscience de la vacuité de tout... Treize professions, treize demeures, treize amours : le treize est le symbole du changement. C'est pourquoi la date de la naissance de son père (1913) et du début du livre de sa vie (2013, terminé en 2016) semblent fatidiques... Maria T. Carlevaris livre ici le témoignage d'une femme de notre temps, en pleine mutation, en constante évolution. Elle suit le courant de la vie et ne cesse de changer, fidèle à elle-même et non aux diktats d'une morale ou d'un usage qui voudrait que la stabilité soit gage de sérieux. Un portrait haut en couleur, sans langue de bois, parfois acide, toujours sincère.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 avril 2016
Nombre de lectures 4
EAN13 9782342050189
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Kaléidoscope de la vie
Maria T Carlevaris
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Kaléidoscope de la vie
 
 
 
À mes parents.
À mes enfants, Alexandre et Hélène.
À Luigi, Rey et tous mes amis.
 
 
 
Nous vivons comme dans un kaléidoscope. Reflets de fragments de vie, certaines images « se réalisent » telles quelles, alors que d’autres ne se réalisent pas.
Henry Vignaud, En contact avec l’invisible , Intereditions INREES, Préface de Stéphane Allix, 2013, p. 102
 
 
 
Chapitre I. L’enfance : mes racines
 
 
 
Pendant la première partie de sa vie, on ne se rend compte de son bonheur qu’après l’avoir perdu.
Puis vient l’âge où l’on sait déjà, au moment où l’on commence à vivre un bonheur, que l’on va, au bout du compte, le perdre.
À l’âge tiers, celui de la vieillesse, l’anticipation de la perte du bonheur empêche même de le vivre.
M. Houellebecq , La Possibilité d’une île , Fayard 2005, p. 169
 
 
Je suis née un 27 avril 1950, cinq ans après la fin de la seconde guerre mondiale. Mes parents étaient pauvres, ils avaient de quoi vivre et un travail depuis peu.
Ma mère avait travaillé à la filature de Vittorio Veneto, dans la poussière des vers à soie… puis elle remplaçait sa mère de temps à autre au poste de pesage des troncs d’arbres qui étaient transportés par l’administration des forêts depuis la forêt du Cansiglio, à une cinquantaine de kilomètres. C’est là qu’elle connut mon père en 1946, juste un an après la fin de la guerre. Mon père à ce moment-là était un employé autodidacte de l’administration des forêts, portait un uniforme gris avec des décorations vertes et or, il était bel homme, brun, aux traits sévères, fins, une vague ressemblance à Omar Charif : du charme, de la distance, un air mystérieux qui ne manqua pas d’impressionner ma mère, rousse aux yeux verts, pas particulièrement belle, mais gaie et sociable – tout le contraire de lui. À l’époque elle était fiancée à un aviateur, souvent absent. Exubérante, à vingt-cinq ans, la guerre finie, elle avait une folle envie de vivre et d’aimer.
Mon père ne lui prêta pas attention sur le moment, ou du moins il feignit ainsi, réservé et sobre, ce qui naturellement ne put qu’enflammer davantage la jeune fille spontanée et enthousiaste qu’était ma mère. Elle ne se sentait pas belle, mais elle jouait d’autres atouts pour compenser : sympathie, allant, énergie et du culot…
Elle avait eu la vie dure : née le 16 décembre 1921, après la première guerre mondiale, seule fille parmi quatre frères, elle était tenue à lustrer leurs chaussures, préparer leurs vêtements impeccablement, aider sa mère au ménage etc. Son père, menuisier, était rentré de la guerre de 1914-18, claudiquant d’une jambe et traumatisé : gentil, doux face à une épouse de cinq ans son aînée, dominatrice et dure, il s’était mis à boire. Un des fils n’était jamais rentré de la campagne de Russie, Silvio, le plus jeune et aimé par ma mère : il avait été déclaré « disparu en Russie ». Les autres comptaient deux partisans de gauche (Eugenio et Giacomo) et un fasciste enrôlé dans les troupes de Mussolini (Arturo), fiancé à une belle brune amie des chemises noires et enrôlée du même camp. Par chance Arturo était rarement à la maison, ce qui évitait bien de disputes, car le reste de la famille, ma mère comprise, était partisane. Ma mère allait amener nourriture et vêtements dans les collines où se cachaient les partisans et ses frères pendant la guerre, à vélo, risquant sa vie. À l’époque, pour une fille soupçonnée de collaboration avec les partisans contre Mussolini, la punition était la tonte en public et d’autres violences innommables. Les hommes étaient fusillés. Elle eut pas mal d’amis et des proches qui finirent ainsi.
À la maison il manquait tout, de quoi manger et se chauffer en particulier : pour faire du feu, ils avaient coupé les chaises, n’ayant plus de bois. Pour manger, c’était la polenta (maïs cuit) avec du fromage, de la sauce ou du pain avec sel, poivre, huile et vinaigre. On ne mangeait pas de fruits sans pain : c’était un gâchis. Elle garda toute sa vie cette habitude. Ma mère vivait en famille, avec la grand-mère maternelle, Angela, femme sagace, toujours assise près de la fenêtre donnant sur la cour du « borgo », un ensemble de maisonnettes collées les unes aux autres autour d’une cour. L’atelier du grand père – une baraque en bois – était tout près, en bordure du ruisseau « la Cervada ». Pour moi, petite fille, l’endroit paraissait idyllique : calme, verdoyant, bercé dans le bruit de fond de l’eau, un ou deux chats toujours à se frôler contre les jambes et les troncs d’arbres… Des vignes, des petits jardins potagers avec un peu de tout, des arbres fruitiers, des poules dans un enclos… J’aimais bien aller chez grand-père, qui me construisait des jouets : une salle à manger miniature et un landau en bois, qui sont devenus des charmants objets d’antiquité rares. Il fabriquait de très beaux meubles, travaillés avec soin. J’aimais le chalet et l’odeur de bois dans la nature au bord de la petite rivière.
Grand-mère Angela tricotait ou cousait à longueur de journée près de la fenêtre du « tinello » une petite antichambre faisant office d’entrée et séjour. Elle faisait des commentaires surprenants comme celui adressé à une visiteuse apportant des fleurs à ma mère qui venait d’accoucher : « Madame, elle n’est pas morte, vous savez ? ». Un poulet ou une bonne bouteille auraient été plus agréables et surtout utiles que des fleurs, auxquelles elle ne trouvait aucun intérêt.
Ce fut à « nonna » Angela que ma mère présenta en premier l’homme de sa vie. Les deux femmes devaient se ressembler, elles s’entendaient bien en tout cas : elles avaient une humeur roublarde et une franchise déconcertante. Nonna N’gina (diminutif d’Angelina), pas intimidée pour un sou, surprise par l’élégance sobre du beau militaire, l’avait mis à son aise, lui offrant avec insistance familière un verre de vermouth. Ils avaient bavardé avec simplicité et en se séparant elle l’avait invité à lui rendre visite à nouveau. Ma mère découvrit là le premier renversant sourire de son élu. Il riait, ou même souriait, si rarement !
Mon père, né en octobre 1913, juste avant qu’éclate la première guerre mondiale de 1914-18, avait été confié, à l’âge de 3 ans environ, à une tante, parce que ses parents étaient trop pauvres pour l’élever, le Frioul natal étant non seulement en guerre et près de la frontière austro-hongroise et des Balkans, mais aussi une terre avare de ressources, tant de la terre que du travail. Il avait toujours souffert de cette séparation imposée et de la misère. En dépit d’une intelligence certaine, il faisait l’école buissonnière parce qu’il avait honte de ses sabots en bois (les seules chaussures qu’il avait) et que ses grosses chaussettes en laine faites maison, lui piquaient les pieds. Il se réfugiait sous un pont et restait regarder les grenouilles et autres créatures jusqu’à la fin des cours. Quand cela fut découvert, il eut droit à une punition sévère. Je crois que personne ne chercha à comprendre le motif de ses absences. Par la suite, une fois l’école élémentaire terminée, à dix ans, il fit toutes sortes de métiers humbles, travailla à la mine, où ses os s’imprégnèrent d’humidité pour la vie. Malgré cela il ne gagnait que de quoi survivre et quand l’armée du Général Franco en Espagne demanda l’enrôlement de mercenaires, il sauta sur l’occasion. Sa vie le désespérait tellement qu’il aurait préféré tomber en guerre. Sa sœur, Maria, était réfugiée au-delà de la frontière, en Yougoslavie.
Il avait un frère dont il ne parlait jamais, comme il ne parlait jamais de ses parents. Tout petit, il avait connu une guerre terrible. À ses 27 ans, avait éclaté la seconde guerre mondiale. Les souffrances endurées depuis l’enfance, la vie difficile, la misère, firent de lui un être renfermé, austère, grave, qui intimidait et suscitait le respect.
Naturellement doué, il écrivait très bien, presque sans aucune faute et avec une belle calligraphie. Ses lettres à ma mère de l’époque, témoignent d’une grande sensibilité, honnêteté et gentillesse. Il était croyant comme ma mère, mais de manière plus intime. Il ne prenait jamais la vie à la légère, il avait eu trop peur, trop froid, trop mal pour en être capable.
En Espagne il avait frôlé la mort. On lui avait mis le canon du pistolet sur la tempe et il se savait condamné, avec résignation. Mais le pistolet n’était pas chargé… On aurait dit que peu lui importait de vivre, tellement il avait connu la vie sous ses pires aspects. Il garda toujours une peur sourde de l’aventure, de l’imprévu, des surprises, des mille dangers dont l’existence peut être semée. C’est ainsi qu’il l’avait connue. De nos jours on parle du syndrome de la victime : la peur demeure, on n’ose plus, on s’attend au pire, on se protège.
Contrairement à ma mère qui avait eu un foyer, bien que pauvre et dur, qui n’avait pas connu la première grande guerre, lui avait grandi se sentant abandonné, loin de ses parents et frères et sœurs, seul, dans le climat de terreur et misère de la guerre. Solitaire il le resta, toute sa vie, comme traumatisé. Il apprit en autodidacte ce qu’il avait raté à l’école et après avoir été garde forestier, il fut muté dans les bureaux du siège à Vittorio Veneto, où il fut un employé modèle, estimé et apprécié par tous. Il lisait très souvent, il tenait sa comptabilité parfaitement, il écrivait bien, s’occupait de l’administratif

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