Le Petit Français
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Le Petit Français , livre ebook

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Description

Un immigré n'est-il qu'un étranger ? Ne peut-il être plus français que ceux qui sont nés en France, de parents et grands-parents français ?

Écrit juste après les attentats de Novembre 2015, en écho aux diverses réactions citoyennes, Le Petit Français est une œuvre intimiste et authentique dans laquelle l'auteur balaie avec pertinence les clichés sur l'identité nationale, les immigrés, notamment maghrébins, et leur intégration.

Un témoignage sur sa vie durant les années 1957 à 1983, au Maroc puis en France, montrant le cheminement qui l'a mené à demander la nationalité française.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 juin 2016
Nombre de lectures 3
EAN13 9782334169554
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-16953-0

© Edilivre, 2016
Dédicace

A Gilbert, mon cher ami, parti trop tôt.
Le 23 mars 1981, j’ai obtenu la nationalité française.
Je l’avais demandée, en 1979, non pour fuir une quelconque oppression, ni gagner un paradis économique, mais parce que j’aimais et admirais la France, que je me sentais tout à fait français ; j’avais ainsi l’impression de « corriger » une erreur de casting : au Maroc, je me sentais comme un visiteur étranger, pas comme un touriste, non, simplement, je ne me sentais pas à ma place.
Pourtant, mes deux parents sont d’une longue lignée de marocains. La légende familiale raconte que deux frères andalous, fuyant l’inquisition et la reconquête espagnole au 13° siècle, sont venus se réfugier à Fès. L’un des frères s’y plut et y demeurât. L’autre préféra continuer sa route, et descendit jusque Safi : cette petite ville était le port de la capitale du royaume, Marrakech, située à environ 180 km à l’intérieur des terres et commerçait directement avec l’Andalousie.
Un cousin de mon père, grand lettré, avait réussi à remonter notre généalogie jusqu’au 11° siècle, à notre plus ancien aïeul connu, alors médecin et vizir du Califat de Cordoue. De là viendrait peut-être l’origine de notre nom de famille, qui veut dire : l’érudit, le savant, le sage ou encore le médecin.
Mais il est probable que mes ancêtres venaient de plus loin : ils devaient être ottomans ou mongols, arrivés par le nord lors des invasions de l’Europe occidentale ; ou alors arabes, en provenance de la péninsule arabique, lors de l’islamisation de l’Afrique du Nord, puis de la conquête de l’Espagne à partir de l’an 711. En tous cas, ils venaient d’ailleurs, puisque les premiers habitants du Maroc étaient des berbères, et que ma famille n’en est pas. Je pencherais pour les mongols : j’aime les grands espaces.
Contrairement aux gens qui ont besoin d’avoir des racines extrêmement profondes, et qui vivent au même endroit pendant des lustres, ces origines diverses me remplissaient de fierté, puisqu’elles m’enrichissaient et élargissaient mon héritage culturel. J’en ai probablement hérité mon amour des voyages, de la connaissance des autres peuples, mon besoin de changer d’endroit au bout de quelques années. J’ai compté ainsi que j’ai eu 27 lieux de résidences différents au cours de ma vie, jusqu’à aujourd’hui, 13 au Maroc, 9 en France, et 5 dans d’autres pays. Et je pense n’avoir pas fini de bouger !
* * *
Mais revenons à ma famille. Pendant des siècles, mes aïeux sont restés à Safi. C’est l’une des plus anciennes familles de la ville. La plupart d’entre eux ont été commerçants, et donc voyageurs. Mais leur demeure restait toujours à Safi. Ce n’est qu’au 20° siècle (je ne peux le certifier, ce sont des souvenirs) qu’on en a vu certains s’établir ailleurs : mon oncle paternel Boubker, parti s’exiler à Tanger ; mon oncle maternel Tahar, venu à Casablanca, et mon père, qui partit d’abord à Marrakech, avant de bouger au gré des mutations, car il était fonctionnaire. Je ne parle ici que des proches.
Safi a longtemps été le premier port sardinier au monde avant d’être supplanté par Agadir. La ville vivait de la pêche, et de la conserverie : il y avait plus de 40 conserveries de sardines, la plupart alignées les unes à côtés des autres le long d’une longue rue longeant la mer. Je ne vous raconte pas l’odeur !
L’autre activité de Safi, elle aussi renommée mondialement, est la poterie. La ville a un relief un peu accidenté, des hauteurs surplombant le port et le centre ville. C’est sur l’une de ces hauteurs qu’étaient installés les potiers, avec leurs fours traditionnels creusés directement dans la colline, chauffés avec des branchages de genêt qui leur parvenaient à dos de mulet. Certains produits étaient fabuleux, et ornaient les palais royaux, les maisons des notables, et s’exportaient très bien vers les riches demeures européennes ou américaines.
* * *
Petit intermède historique :
Le pays était alors sous protectorat français, depuis mars 1912. La moitié sud du pays, et toute la frange nord avaient été cédés par la France à l’Espagne ; Tanger avait un statut de ville internationale.
Ce qui veut dire officiellement que les marocains étaient aidés, protégés et conseillés par la France, en toute liberté. En réalité, ils étaient totalement soumis à la colonisation française, aux lois françaises, à la culture française, sans avoir d’autres droits que de se soumettre en silence et avec le sourire.
Mais dans l’ensemble, ça n’allait pas trop mal. Les marocains sont de nature paisible, et bons vivants. Ils se tiennent tranquilles tant qu’ils ont de quoi manger et boire, et qu’on ne les grattouille pas trop. Il y avait bien quelques illuminés qui parlaient d’indépendance, d’arabisation. Il y avait des réseaux clandestins de résistants. Quelques uns étaient arrêtés, relâchés, encore arrêtés. Par ci par là des sabotages, plus rarement des attentats, jamais contre les civils, toujours dirigés contre l’armée ou l’administration française. A ce que je sache, il n’y a eu que deux épisodes vraiment violents, en août et en décembre 1953, suite à des troubles fomentés par quelques collaborateurs manipulés afin de durcir le pouvoir en place, les marocains insistant de plus en plus pour obtenir leur indépendance.
En 1939, le sultan Mohamed V avait lancé un appel, relayé dans toutes les mosquées du royaume, pour soutenir la France, et rejeter les honteuses lois anti-juives. Plus de 90 000 soldats ont combattus aux côtés des français, près de 15 000 sont tombés pour la France. Le général de Gaulle décorera le Sultan en 1945 en tant que « Compagnon de la libération ».
Il a fallu attendre le 2 mars 1956 pour la signature de l’indépendance du Maroc, et le 7 avril suivant pour le retrait de l’Espagne du Nord (hormis les enclaves de Sebta et Mélilia, le territoire d’Ifni et le Sahara), et le 20 octobre 1956 la réintégration de Tanger. Quelques années plus tard, le territoire d’Ifni sera récupéré. Après le jugement du Tribunal International de La Haye reconnaissant la marocanité du Sahara, ce territoire a été repris lors de la fameuse marche verte organisée par Hassan II en 1976.
La langue officielle étant alors la langue française, tous les documents administratifs étaient rédigés uniquement dans cette langue. Les français étaient très nombreux, et occupaient tous les postes importants de l’Administration, possédaient les belles et grandes fermes, les usines, les commerces citadins. Les villes et villages, les rues, les commerces avaient tous des noms français.
Le système d’enseignement formait leurs bambins, et un petit nombre d’enfants de notables marocains afin d’assurer une élite sous contrôle ; la grande majorité des marocains étaient exclus du système scolaire, qui ne devait former que les ouvriers qualifiés et les agents administratifs subalternes dont avait besoin la France. Après la deuxième guerre mondiale, on estimait le nombre d’enfants allant à l’école à 15 % du nombre total d’enfants en âge d’être scolarisés. L’enseignement traditionnel avait été néanmoins conservé, mais il concernait essentiellement les études coraniques. Mais presque tout le monde parlait plus ou moins bien le français, le plus souvent appris sur le tas.
Le protectorat avait aussi ses bons côtés ; les français ont construit le pays : les infrastructures, ports, aéroports, routes, ponts ; ils ont créé les premières industries, et modernisé l’agriculture. L’organisation administrative et législative leur sont dues. Et bien après l’indépendance, la présence française allait permettre au pays de progresser dans tous les domaines. Longtemps, le pays a conservé toutes les lois et l’administration mises en place, se contentant de rajouter l’arabe sur les documents, et marocanisant les cadres au fur et à mesure qu’ils étaient formés.
* * *
Retour à mes souvenirs :
Ma famille était petite pour l’époque : cinq personnes en tout. Mes parents, mes deux sœurs et moi, le plus petit. La famille moyenne devait être plutôt de 8 personnes. Avoir plus d’une douzaine de marmots était courant : la mortalité infantile était importante, il fallait assurer suffisamment de main d’œuvre pour ses vieux jours.
Je n’ai pas connu mes grands-parents. A ma naissance, il ne restait que ma grand-mère maternelle, qui vivait chez ma tante à Safi. J’ai le vague souvenir d’une très vielle dame. Elle a dû s’éteindre alors que j’avais quatre, cinq ans.
Je naquis donc sous protectorat français, mais avec la nationalité marocaine. C’est une nationalité qui vous colle à la peau, à vie ; on ne peut s’en débarrasser. Mes parents étant musulmans, j’étais donc automatiquement musulman. On ne m’a pas demandé mon avis, comme pour la nationalité.
Ma mère, comme la quasi-totalité des filles, n’avait pas été à l’école ; elle ne parlait donc que le dialecte marocain. Mon père étudia jusqu’au certificat d’études, puis dû partir gagner sa vie. Il maîtrisait l’arabe classique et le français. A la maison, nous parlions donc en arabe avec ma mère, dans les deux langues, avec mon père et mes sœurs. J’appelais mon père Papa, ou Ppa, à la française, quand les autres enfants disaient Baba ou Bba, ou plus classiquement Abi ; ma mère, c’était mama, au lieu du Oumi général.
Mon père choisira pour ses enfants ce qui lui paraissait la meilleure éducation, dont il avait manqué et dont il comprenait l’importance. Après l’indépendance, les écoles marocaines étaient encore peu nombreuses, mal équipées, les enseignants pas ou mal formés. La seule école « valable » était celle de la MUCF (Mission Universitaire et Culturelle française) : programme, examens et di

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